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ALAIN MINC : PETITS CONSEILS ET GRANDES COMBINES

Par Yann Fievet
dimanche 20 mai 2007
par  Yann Fiévet
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Beaucoup a déjà été écrit sur la nature étriquée du capitalisme à la française. Le fait que les « grands patrons », ceux du CAC 40, siègent au Conseil d’administration des sociétés dirigées par leurs acolytes est désormais bien connu et parfois dénoncé comme le signe d’un capitalisme de copains s’entendant tels des larrons à la foire. Les juteuses « indemnités de départ » - octroyées généreusement même en cas de gestion calamiteuse avérée - les « parachutes en or » faramineux ou les réalisations sonnantes et trébuchantes des stocks options sont à l’évidence les conséquences visibles de ce copinage. En revanche, on connaît beaucoup moins bien ce qui se cache derrière les tractations conduisant aux grandes opérations de restructuration du capital de ces firmes désormais tentaculaires. Si la bonne marche du capitalisme a besoin d’une certaine dose de secret, la démocratie ne peut s’accommoder durablement de l’opacité de cette économie financière dont profitent abusivement quelques concitoyens sans scrupules.

L’étroitesse du monde des affaires en France est formidablement renforcée par l’omniprésence d’un homme dont l’ombre plane sur la plupart des grandes opérations qui ont contribué à structurer le paysage industriel et financier de ce pays au cours des vingt-cinq dernières années. Le nom de ce personnage lui-même tentaculaire ? Alain Minc. Avec lui, l’expression « homme d’influence » prend tout son sens, il en est la quintessence. Pourtant, la force de cette influence n’a d’égale que le troublant mystère que constitue l’entretien constamment renouvelé de sa notoriété. Énarque, il se fit connaître à la fin des années soixante-dix en cosignant avec Simon Nora, pour le Commissariat au Plan un rapport célèbre sur « l’informatisation de la société ». Si les thèses développées dans ce document de prospective sont loin d’avoir été toutes vérifiées, il constituera cependant pour son auteur une sorte de certificat de rigueur intellectuelle lui conférant le titre d’expert éternel pour temps de « pantouflage ». En effet, le bonhomme n’avait pas fait l’Ena pour servir l’État mais entendait bien utiliser ce que l’État lui octroya un temps pour se servir ensuite dans le privé.

Fort de ce « capital social » de départ, il constitua son réseau de relations à triple géométrie : monde des affaires privées, univers des grands médias d’informations, scène politique multipartiste. Une telle géométrie peaufinée par un seul homme devrait choquer le moindre des démocrates apprenant que grâce à elle son fabriquant génial est aujourd’hui tout à la fois conseiller financier de dix-huit des quarante plus grands patrons français, Président du Conseil de surveillance du quotidien Le Monde, conseiller économique de M. Nicolas Sarkozy, candidat à la magistrature suprême. Ça devrait choquer mais ça ne choque pas. Voilà le mystère. Comme Alain Minc s’est aussi imposé comme intellectuel et publie des livres avec une régularité de métronome, chaque nouvelle parution est saluée par les éditorialistes de renom comme un événement, un nouveau progrès de la pensée. L’homme étant partout où une présence compte, partout on parlera de lui. Dans une époque où nombre de médias sont dans les mains des affairistes, le système Minc s’apparente au « jeu de la barbichette ». Ailleurs, dans la presse indépendante - au périmètre hélas trop réduit - on ne louange jamais les livres de cet écrivain. Curieux, non ?

Le « quotidien de révérence », quant à lui, ne parlera pas du dernier livre de Laurent Mauduit consacré à notre éminence « grise ». Intitulé Petits conseils (1), ce livre écrit par l’ancien responsable de la rubrique Entreprises du journal Le Monde décortique le système Minc, met à plat la toile d’araignée du centre de laquelle l’homme intrigue et s’enrichit. Ainsi, le quotidien du soir s’est interdit en son temps de publier un article de Laurent Mauduit consacré à la restructuration de la Caisse d’Épargne. Ce fut le début de l’enquête du journaliste qui découvrit alors que le Président du Conseil de surveillance de son journal était sérieusement impliqué dans les tractations financières de cette affaire. Ainsi encore, lorsque Vincent Bolloré revendit en 2005 son gros paquet d’actions Vallourec, achetées deux ans plus tôt, en réalisant l’un des plus lucratifs coups de bourse - 1,6 milliard d’Euros - Alain Minc, en vertu d’un accord stipulant que toutes les transactions conclues par l’homme d’affaires rapporteront 1% à son conseiller, perçut seize millions d’Euros. Sans bouger le petit doigt.

À ce niveau de manigances médiatiques et financières l’homme de l’ombre ne pouvait que rejoindre et conseiller au grand jour le candidat des riches élu Président. Entre hommes de réseaux on doit pouvoir s’entendre. Si cette ultime entreprise minciste devait réussir - heureusement, ce faiseur s’est souvent trompé dans le passé - la démocratie, la cohésion sociale et l’indépendance de la presse en France devront abandonner de nouvelles plumes à une oligarchie minuscule mais toute puissante.

(1) Laurent Mauduit, Petits conseils, Stock, 2007


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lundi 26 janvier 2009 à 04h01 - par  インプラント
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