LA LOI DADVSI (1) : DU MANQUE DE VISION DES ENJEUX AU LOBBYING DES MULTINATIONALES

Par Jean-Christophe Frachet
mardi 1er août 2006
par  Jean-Christophe Frachet
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L’UMP, après un dernier passage en CMP (Commission Mixte Paritaire) le 30 juin, a voté à main levée la transposition de la directive européenne 2001/29CE (EUCD). Dans la société de l’information sans cesse en évolution, fallait-il figer dans le marbre des règles du jeu au plus grand mépris des usages quotidiens des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) et des acteurs concernés ?

Cette loi est une loi à la va-vite, fruit de l’inquiétude et du lobbying de certaines multinationales qui ont manqué de prospective et d’anticipation, car assises sur leurs privilèges et leurs profits à cours termes. Cela fait de nombreuses années que l’on sait que le numérique reproduit à l’identique et que ce n’est plus le support qui compte.

Cette transposition est une copie caricaturale de la loi américaine DMCA (Digital Millenium Copyright Act) en vigueur depuis 7 ans qui fonctionne mal, et est surtout à des fins monopolistique et anti-concurrentielle.

Du lobbying au manque de concertation

Comme à l’accoutumée, l’UMP s’empresse de faire passer des lois au mépris de toute forme de concertation et de la représentation populaire. De nombreuses organisations se sont élevées contre cette loi liberticide, notamment sur l’interdiction de la copie privée et mettant en danger le droit d’auteur : La SPEDIDAM (Société de Perception et de Distribution des Droits des Artistes-Interprètes Musique et Danse), l’ADAMI (Gestion des droits des artistes interprètes), l’UFC (l’Union Fédérale des Consommateurs), la CLCV (association de consommateurs : Consommation Logement et Cadre de Vie),... Une pétition en ligne, EUCD.INFO regroupe près de 180 000 signatures dont près de 1 000 organisations dont plus de 230 menacées. Alors qu’il y aurait pu avoir des avancées sur un tel sujet, notamment sur l’interopérabilité, permettant de lire une musique ou un film achetée sur le site d’Apple par un logiciel Microsoft, le lobbying réalisé par ces multinationales consacre le système propriétaire grâce à l’intervention entre autres d’Apple, de Microsoft, Sony, Vivendi, et Lagardère. L’utilisation d’une œuvre numérique reste donc « attachée » à la boutique en ligne qui l’a vendu, créant ainsi des monopoles extra-européens de la culture. Il s’agit véritablement d’un transfert des missions régaliennes de l’État vers des sociétés privées américaines.

Une profonde attaque à la sphère privée : De l’achat d’un droit d’usage limité de l’oeuvre numérique

Cette loi se base sur la présomption de culpabilité de chacun, elle surveille quand elle n’interdit pas la lecture de fichiers, (musique, vidéo, multimédia, textes, images,...) et surtout interdit la copie privée. Alors que, à la suite de ses lectures de livres, on se constitue une bibliothèque, qui devient son patrimoine culturel et peut être transmis, il n’est plus possible de se constituer son propre fond culturel numérique. Une œuvre numérique sera « louée » pour un usage limité : nombre de lectures, durée de validité d’usage,... Il y a dissociation de l’œuvre et du public par mise en place d’intermédiaires contrôleurs privés.

Des logiciels espions dans l’ordinateur de chacun

Afin de bien « vérifier » une éventuelle utilisation abusive de l’usage de l’œuvre, des logiciels espions surveillant le nombre de lectures autorisées du fichier, et effaçant si nécessaire celui-ci sur le disque dur, seront installés dans les ordinateurs particuliers. La Trust Computing Plateform Alliance, regroupant entre autres Intel et Microsoft, prévoit l’intégration de composant logiciel au sein même du processeur installé sur l’ordinateur du particulier permettant de l’identifier et de le contrôler à distance. Véritable cheval de Troie aux mains de multinationales, le plus souvent américaines, cette disposition peut permettre toute intrusion de l’ordinateur de chacun. Un double paiement

En réalisant l’achat d’une œuvre numérique et en le stockant sur un support numérique et par ce que ce n’est pas possible autrement (CD, DVD, disque dur,...), on assiste à un double paiement de la part du particulier : l’achat ou la location de l’œuvre et la taxe sur les supports numérique.

Une menace sur l’innovation et le logiciel libre :

Cette présomption de culpabilité interdit la distribution de programmes permettant de mettre à disposition et partager des contenus et des logiciels. Cette loi sanctuarise l’utilisation de la protection par algorithme en plus complète contradiction avec l’Europe qui a interdit le brevet logiciel (Position de Jean-Pierre Chevènement en 2002). Ces méthodes de protection étant protégées, il est donc interdit de regarder comment elles fonctionnent. C’est ainsi que des étudiants de l’école centrale souhaitant faire évoluer un logiciel libre de lecture de fichier vidéo (VLC) ont été attaqués en justice par un éditeur américaine sur la base de la directive européenne (2001/29CE dite EUCD). Les chercheurs en sécurité informatique et cryptographie sont régulièrement menacés dans leurs travaux. Proposer, faire connaître directement ou indirectement un outil ou une information permettant de neutraliser une mesure technique est passible de 6 mois de prison et de 30 000 Euros d’amende. Et pour l’utilisation, même pour une copie privée par exemple, la sanction est de 3 750 euros. La menace est aussi valable pour un éditeur proposant un logiciel permettant de contourner une protection, même pour un usage légal.

De la politique, de la réflexion et de la concertation

Cette transposition caricaturale d’une directive européenne (EUCD), elle-même caricaturale d’une loi américaine (DMA) démontre bien la volonté des multinationales à vouloir surveiller, détenir, verrouiller et facturer toute forme d’utilisation de l’internet et des Technologies de l’Information. Nous assistons là encore à une démission du politique et l’abandon de la défense de l’intérêt général au profit de multinationales, notamment américaines. La société numérique est en constante évolution. De nouveaux modèles se mettent place. Le passage de la société industrielle à la société de l’information nécessite réflexion, prospective et surtout concertation.

(1)Droits d’Auteur et Droits Voisins dans la Société d’Information


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lundi 22 décembre 2008 à 07h44 - par  インプラント
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