https://www.traditionrolex.com/18  PUISSANCE DE LA MONDIALISATION , IMPUISSANCE DE LA DEMOCRATIE - La Gauche Cactus

 PUISSANCE DE LA MONDIALISATION , IMPUISSANCE DE LA DEMOCRATIE

dimanche 1er novembre 2009
par  Gérard Bélorgey
popularité : 43%

On avait ici réservé les observations qu’appelle la série d’élections récentes ayant marqué le monde en particulier dans des pays d’Europe, ou au niveau de l’Union. La continuation du "socialisme" de type portugais et un retour socialiste en Grèce ne peuvent évidemment autoriser leurs gouvernements à mener à bien de véritables politiques sociales positives non illusoires dès lors que la participation de ces pays à l’Union leur impose cette stratégie d’ouverture aux low costs de toute nature, ce qui sape toute société cherchant le bon emploi et l’équité. Réservons avec prudence le cas limite original de la Norvège échappant de peu à un retournement, ce qui tient à des facteurs exceptionnellement favorables (les ressources naturelles et une tradition de redistribution ayant fait ses preuves) mais qui sont désormais fragilisés. Quant au Japon, quel pourra en être un nouveau pacte social dans une économie mondialisée où son atout reste peut-être d’avoir la capacité d’un comportement nationaliste du consommateur ? Il faut espérer que c’est cela qui lui permettra une correction de sa politique sociale dans le même sens que celui pour lequel travaille B. Obama : sous les boulets rouges des ultra droites américaines, comme sous les perfidies d"une grande partie de nos "news" (dont certains en prenant à partie - souvent de manière peu pertinente sur le fond d’ailleurs Nicolas Sarkozy - veulent se donner une vertu pour miner parallèlement l’image trop réformiste pour bien des libéraux du président des Etats-Unis).

Ailleurs, sans parler du marchandage irlandais, ceux qui l’emportent dans les assemblées, les idées, les programmes sont bien plus que des "libéraux" classiques (qui peuvent l’être au seul plan politique ou pour les fonctionnements internes des économies) : ce sont les libre-échangistes ; ils sont en général de droite encore que la droite compte aussi des (souverainistes économiques) , mais, au delà, leur pensée cardinale (exclure toutes modalités significatives de protectionnisme) a largement contaminé les centres, beaucoup des gauches et de verts. Cette doctrine règne sur les institutions internationales, a les plein pouvoirs dans l’Union où les coalitions "libérales" détiennent la majorité, et où, à tous niveaux ont été reconduit les managers (comme le président de la Commission) de cette idéologie sommaire. Elle vient de finir de conquérir l’Allemagne - et c’est très grave, malgré le progrès, sans conséquences, comme d’habitude depuis près d’un siècle, des gauches en ce pays.

Et ce pays de A. Merkel (réplique plus bourgeoisement rassurante de M. Thatcher) est le modèle que veut rejoindre le bloc libéral français, un bloc en fait plus dangereux qu’un Nicolas Sarkozy (celui-ci, par sa passion du pouvoir est à l’écoute de l’opinion populaire et doit donc s’intéresser à chercher les moyens de sauvegarder contre les mondialisations des intérêts français), n bloc que traversent bien des clivages d’étiquettes politiques, mais qui est moins fissuré par celles-ci que par des rivalités impitoyables de personnes, n bloc qui a un énorme et subtil soutien de la part de la quasi totalité des médias, un bloc surtout et enfin dont la puissance d’influence idéologique est garantie par l’absence de capacité de jugement de beaucoup de Français, incapacité citoyenne nourrie elle même par les apparences d’un grand pluralisme, d’une grande diversité des analyses, des enquêtes, des diagnostics, des préconisations.

Oh, comme ils sont intelligents, comme ils sont pertinents tous ces membres de l’orchestre médiatique. Ils mettent en évidence, ils démontrent, explicitent, critiquent tous les vices de la société contemporaine et, parmi ses progrès, celui de l’injustice fait leur manchette sans que cela puisse rien changer dès lors qu’ils ne s’interrogent pas sur la stratégie qui l’engendre et l’aggrave : la mondialisation toute puissante. Ils ont tous et chacun - de gauche, de droite ou seulement du milieu, c’est-à-dire des métiers de communication, de science sociale, de conseil politique, etc. - des remèdes, des réponses, des idées sur les moyens de moins mal faire, et l’on se prend en les lisant à y croire, sauf au moment où l’on se dit : mais à quelles conditions serait-ce possible ? Quel prix faut-il payer ? Où prendre l’argent pour résoudre les insuffisances des services publics ou des couvertures sociales ? Et si on le prend ici ou là, quels seront les effets de coûts et de risques de pertes de marchés et donc d’emplois, sur nos prix de revient comparés à ceux des concurrents externes ? Partout la contrainte de compétitivité (la seule réponse rimant avec flexibilité qu’un Baverez sait apporter au "déclin") est effectivement présente ; et les stress qui frappent et tuent sont moins, en fait, le produit de telle ou telle mauvaise gestion que celle du diable omniprésent de la concurrence : la religion du monde libéral ouvert.

Mais ce monde - l’Allemagne le prouve et bien d’autres pays aussi, sans parler de la majorité des cadres politiques et intellectuels - les électorats l’acceptent avec pour conséquences les glorieux programmes des gouvernements "libéraux" : des diminutions massives d’impôt au profit des plus dotés et des entreprises (qui ont bien raison de les demander car elles n’ont pas d’autres solutions que la poursuite de l’allégement des charges dans le système tel qu’il est), le moins possible de rétribution aux salariés, travailleurs indépendants, fournisseurs de produits fondamentaux (comme les agriculteurs dont on voudrait bien largement se passer grâce aux importations) et sous traitants. Voilà ce qui est nécessaire à notre économie privée et ouverte dont le carburant indispensable est une forte inégalité. Et puis encore, des licenciements plus faciles ; des risques sociaux moins couverts ; des services d’intérêt général ne trouvant plus de financements publics, des systèmes de contrôle des immigrations se bâtissant ouvertement sur les critères de l’utilité ; des dispositifs sécuritaires d’autant plus impérieux et coûteux , sans garantie ni de préoccupation humanitaire, ni de limitation des bavures, que la jungle de la société produit inévitablement des dérives et des violences qu’il faut contenir et maîtriser, au prix parfois de difficultés inévitables de discernement et de précautions.

Et il n’y a pas de majorité pour refuser ce monde là, mais des majorités - relatives du moins - pour en élire des dirigeants. Mais pourquoi ? Sans doute, avant tout, parce que "les gens" ne font pas le lien - sauf quand ils sont directement victimes d"un enchaînement évident comme une délocalisation - entre leurs problèmes et les difficultés ou impossibilités de les résoudre et les effets de la mondialisation sauvage, que tout au contraire, beaucoup apprécient ce qu’elle apporte : de bas prix pour un certain nombre de produits et services, des voyages pas trop chers pour certains, des exercices de conquête de marchés au loin pour quelques autres, les délices et poisons du "village global" quand on a perdu son village d’origine, et, il faut l’avouer un stimulant, un dopant pour un grand nombre. En bref le système doit sans doute gratifier plus de gens qu’il n’en pénalise, tandis que toute la pédagogie collective exalte les bienfaits des "effets d’échelle", de la division mondiale du travail (bien qu’on ne sache plus laquelle, lorsque les compétiteurs peuvent désormais quasiment tout proposer à des prix imbattables) et qu’il n’est aucune école de pensée qui oserait clairement mettre en évidence que le développement des échanges internationaux, loin d’être un instrument systématique de progrès (sinon pour des statistiques quantitatives) est un destructeur fréquent des équilibres qualitatifs. A quand une part d’éloge pour l’autarcie ?

C’est Arthur Toffler qui voyait le déclin du marxisme dans le fait que les pauvres devenaient minoritaires. Sans débattre de la pauvreté absolue ou relative, pourrait-on soutenir (?) que si les libéraux libres échangistes (conservateurs et socio libéraux mêlés) obtiennent des majorités en nos pays c’est d’une part parce que ceux qui s’y ressentent comme victimisés par le système mondial restent sans doute minoritaires (ce qui ne serait pas une constatation affligeante) et, d’autre part, en même temps, que les dominants s’accommodent très bien de faire des victimes (en prenant le soin de quelques pansements politiquement indispensables) dès lors qu’ils peuvent en cantonner l’influence. Mais il y a deux constations affligeantes : la première c’est que l’échec des victimes ou des laissés pour compte à faire changer le système tient autant à la division de ces victimes et de ces perdants entre formations idéologiques ne pouvant ni converger, ni se concilier (gauches non libérales et droites populo souverainistes, sans compter l’univers des sceptiques) qu’à leur caractère numériquement minoritaire (lequel n’est qu’une illusion d’optique puisque les dirigeants de nos pays n’ont jamais que des majorités toutes relatives). La seconde est que la puissance de la mondialisation sauvage et de ses serviteurs, puissance appuyée sur la division des opposants (vieille recette qui se nourrit très bien aujourd’hui, en plus, des manipulations des notions d’identité nationale) est le produit de la démocratie occidentale.

Celle-ci dans son fonctionnement actuel, pire, permet et entretient que, sans vergogne, des électorats choisissent représentants et chefs non pas en raison de leurs vertus, mais précisément à raison de leurs défauts, de leur résolution agressive à l’encontre de ces parties de leurs concitoyens qui critiquent et contestent leur système. Ce que demande une clientèle combattante à ses petits ou grands hérauts, c’est qu’ils soient (à condition d’être habiles) des dominants aussi durs ou pervers qu’il le faut à l’égard des couches de populations tenues à l’écart des bénéfices du monde. Les critères des chances de succès d’une personnalité politique ne sont pas dans son rayonnement, dans l’intelligence, voire l’excellence de sa recherche du bien pour tous. Au contraire de ce que l’on pourrait espérer des effets du rôle des fabricants d’images (et là, il faut regretter que les médias obligés aux bons sentiments n’aient pas plus de bénéfiques influences), une bonne image, une image vertueuse (qui est seulement un atout électoral d’ailleurs à double tranchant si la partie est difficile) n’est pas un bon signe pour être un bon gouvernant au service d’intérêt de caste ou de classe. C’est d’ailleurs ainsi, à travers des préférences démocratiquement exprimées pour de méchants réalistes (s’inscrivant contre les pauvres , les autres ethnies, les étrangers), que le fascisme est venu aux nations, tandis que les totalitarismes de gauche (et les réactions contre eux) ont aussi été bâtis sur la haine.

Tous les fonds de commerce politiques et la plupart des idéologies sont des habillages de rapports de forces. Comprendre et admettre, aussi tard qu’on y parvienne, d’une part que la mondialisation sauvage est triomphante grâce à la division de ses victimes, et d’autre part, que la démocratie telle qu’on la vit est aussi impuissante que les révolutions à être un levier d’humanisation du monde, éclaire une double impasse de destin. Ce n’est pas aujourd’hui que je peux exprimer comment essayer d’en sortir.

Le blog de Gérard Bélorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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