CONSTITUTION EUROPEENNE : LE FAUX ARGUMENT DE LA MENACE ECONOMIQUE
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CONSTITUTION EUROPEENNE : LE FAUX ARGUMENT DE LA MENACE ECONOMIQUE
Par François de la Chevalerie
Pour barrer la route à toute contestation possible, les partisans du oui au referendum sur la constitution européenne opposent souvent l’argument de la suprématie américaine et de la menace chinoise. Selon eux, seule l’existence d’un bloc uni, politiquement structuré, articulé autour d’une « masse critique » de 450 millions d’habitants devrait permettre de faire jeu égal. La réalité économique s’imposant, tout autre point de vue serait rétrograde.
Si le projet européen a donc pour objet de contrer l’effervescence des économies américaines et chinoises, le pari est plutôt risqué. Au-delà des politiques volontaristes qui y sont menées, le dynamisme de ces pays se nourrit aussi de leur longue histoire, doublement centenaire pour le premier, par deux fois millénaire pour le second. Adossée à de seules considérations économiques, la marche accélérée vers plus d’Europe ne peut livrer ses promesses dans un court délai. Faire croire que le projet européen freinerait la désindustrialisation et le chômage relève du pronostic périlleux.
Quelque soit le pays européen, riche ou pauvre, le coût horaire du travail y est sans rapport avec celui pratiqué en Chine. L’on aura beau organiser la riposte selon un modèle concerté, la destruction de certaines activités est irrémédiable. Du moins, faudrait-il en tempérer l’aggravation. Seulement voilà l’Europe favorise la tâche de ses rivaux ! Pour ces derniers, l’application de règles communes à l’ensemble des pays européens constitue une facilité inespérée. Au lieu d’organiser leur stratégie pays par pays, d’en démêler les lacis juridiques, ils n’ont désormais plus qu’un seul interlocuteur, qu’une seule loi. Comme la langue du commerce est principalement celle du prix de vente, les chinois, par exemple, auront beau jeu de réemployer à la masse critique « européenne » pour vendre in fine à des prix encore plus bas.
Mais attention au rouleau compresseur ! Après deux décennies de loyaux services comme sous-traitant, les chinois disposent maintenant d’entreprises de dimension internationale intégrant un capital technologique, du savoir-faire et des solutions intégrées. Certains raillent ces « marques » peu connues mais elles bousculent déjà l’ordre établi, domineront demain. Là encore le lissage de l’Europe est une aubaine ! Ce qu’il en a coûté aux sociétés européennes pour pénétrer chaque marché se présente comme une moindre charge pour les entreprises chinoises.
Si les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, présenter la constitution européenne comme un rempart à ces menaces pourrait se retourner in fine contre l’idée nécessaire de la consolidation Européenne. Dans l’immédiat, le meilleur choix consisterait à ne pas démanteler du jour au lendemain les mécanismes durablement établis dans chaque pays. Plutôt que de jouer la partition démagogique d’un front commun contre l’ennemi, mieux vaut entretenir la guérilla économique, multiplier les obstacles, ne pas faciliter la tâche. Pendant ce temps, il faut remodeler nos économies sans sacrifier ce qui constitue le vrai socle de l’Europe, non point une constitution mais la pérennité d’un modèle social.
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