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Au delà du G 20, il faut appeler à un véritable état d‘alerte

mardi 15 décembre 2009
par  Gérard Bélorgey
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Faisons un peu d’impertinente géopolitique. Sans changement stratégique, la certitude d’un effondrement à court terme des niveaux et qualités de vie des pays d’Occident est, à très brève échéance, l’avenir garanti à nos concitoyens et à nos enfants.

1 - Le G 2O c’est d’abord deux chiffres au lieu d’un : le symbole d’un monde multipolaire aux nouveaux pays constituants dont il est bien de reconnaître les rôles et d’ajuster les droits – en particulier dans la gestion des institutions internationales - au delà d’ailleurs de ce qui a été fait maintenant. A la faveur de ce G20, sans céder aux modes, il faut mettre en exergue la remarquable nouvelle posture américaine qui, par l’intelligence de Obama, paraît pouvoir ouvrir un nouveau type de relations entre les Etats Unis et le reste du monde. Ce qui est normal (que la puissance occidentale ne soit plus exclusive) ne doit pas entraîner ce qui est inadmissible (que s’effondre ce que notre type de société apporte, malgré ses imperfections et inégalités, après les sacrifices et les progrès des temps passés, à beaucoup de nos concitoyens d’aujourd’hui .

A l’accueil des nouvelles puissances, et particulièrement du BRIC (cet acronyme désignant le groupe de pays formé par le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine) il faut des contreparties et des garde-fous. La contrepartie essentielle est qu’ils acceptent une régulation commerciale des échanges de marchandises, question qui n’a été - semble-t-il - nullement abordée. Les garde-fous, c’est de ne pas tresser des louanges à leur régimes économiques, de ne pas en faire la référence, la règle du jeu. Or, en saluant le fait que les émergents, notamment d’Asie, sont les seuls à tirer la croissance mondiale emporte une espèce d’adhésion à deux modèles dangereux : d’une part à des types de sociétés, gouvernées dans certains cas par des pratiques proches de la jungle qui assurent cette croissance, et d’autre part au mythe que le développement des uns et des autres est tributaire de l’expansion du commerce mondial.

2 - Cette expansion du commerce mondial serait le seul ressort possible d’un avenir de la planète, en assurant la démocratisation de la consommation. D’ou les violons des libéraux (cf. le débat de France 3 à la veille du G20, avec l’essayiste de service et le banquier béninois : très habile d’avoir un financier africain) sur le lien entre libre échange et démocratie, alors, paradoxalement, que la démocratie est absente des pays dont les classes dirigeantes tiennent à se placer deux fois en position de domination : vis à vis de leurs propres populations subissant les effets de l’accumulation capitalistique avec plus encore de dures exploitations que beaucoup de retours sociaux en leurs faveurs, et sur bien des marchés internationaux , en goûtant la satisfaction de prendre revanche, ce qu’on comprend, sur les temps où ils étaient dominés.

Surtout ce paradigme du niveau de commerce mondial en tant qu’indice de santé est faux. S’il est exact que le croisement de relations commerciales fortes entre pays de types et niveaux comparables est l’un des signes et moyens de prospérité, l’installation par les prix de positions commerciales dominantes de certaines régions du monde sur de très nombreux segments de produits se traduisant par des déséquilibres quasi structurels de balances d’échanges est soumission à un jeu de dupes. Une consommation à bas prix de produits importés est destructrice d’emplois et donc en fait du pouvoir d’achat qu’elle prétend donner puisque nos emplois sont notre premier pouvoir d’achat.

3 - La chute des capacités de production et d’emploi des pays socialement avancés ira très vite non seulement avec l’augmentation des chômages et la dépression, mais aussi, comme il est déjà bien constaté, et comme nous le faisons valoir en vain depuis des années, avec l’obligation de comprimer encore plus les coûts, de déconstruire le droit du travail et les protections sociales, de réduire les ponctions collectives au détriment de services publics et sociaux.

C’est en vain que les oppositions et tous ceux qui sont, à raison, insatisfaits ou scandalisés (par l’état des prisons, des hôpitaux, de certains enseignements, de l’évolution de la sécu, etc.) font la critique des insuffisances et des mauvaises réformes, parce qu’ils ne prennent pas en compte que notre société, faute de santé économique, perd les moyens économiques et budgétaires d’assurer de manière décente ces services. Les réformes « droitières » deviennent obligatoires et un gouvernement « de gauche » serait largement contraint de faire pareil.

Quelle erreur de jugement de croire que la « colère sociale » peut-être un levier de changement positif lorsque ce changement positif n’est possible qu’à la condition de la sauvegarde de notre économie contre les excès du libre échange. Tous les programmes politiques qui n’abordent pas ce point n’ont pas de sens.

Un avenir sécurisé ne peut être bâti que sur la base, entre grandes régions du monde, d’accords équilibrés de co-développement ménageant les intérêts des pays avancés et des pays émergents.

4 – D’où le besoin d’une nouvelle stratégie au regard de laquelle le G20 n’a rien pu apporter puisqu’il a en fait été la célébration du commerce international et la recherche de carburant pour celui-ci. Un carburant qu’il na pas tellement trouvé, tout en prenant des risques inflationnistes (en fait stagflationnistes) inimaginables hier. Des relances massives généralisées ont été écartées à juste titre sans doute car il faut, comme Strauss-kahn le fait, minimiser aussi la différence d’envergure entre les plans européen et américain ("Quand on tient compte de la protection sociale, des « stabilisateurs automatiques », bien plus forts en Europe, l’écart n’est pas si grand"). Néanmoins une borne est franchie avec le rachat d’emprunts publics par la Réserve Fédérale, ce qui aboutit à de la création monétaire sans contrepartie de productions. Le carburant a aussi été recherché par ce triplement des ressources du FMI (qui va, pour sa part d’interventions européennes prévisibles, sans doute servir d’une part les PECO souffrant d’autant plus qu’ils viennent de loin et qu’ils sont dépourvus de bases de pouvoir d’achat à notre échelle et d’autre part les pays, comme l’Irlande et l’Espagne ayant joué et perdu des mises ultra libérales).

5 - Outre l’impact psycho politique de cette réunion de style novateur, les points concrets positifs sont donc essentiellement dans l’aspect « réglementation » financière à laquelle il ne faut pas pour autant accorder les effets et vertus qu’aurait une régulation générale des échanges commerciaux et des mouvements de capitaux (alors que beaucoup jouent sur le contenu des mots de réglementation et de régulation). Traiter des « trous noirs » de la finance mondiale, est moralement indispensable, techniquement utile, mais reste d’effet stratégique global sans doute assez limité, même si le relais des paradis fiscaux n’est plus au service d’évasions fiscales, d’opérations spéculatives comme de maximisation des profits, à l’occasion de facturations de trafics de marchandises.

6 - Au delà, dans quels domaines, des choses (qui n’ont pas été traitées) peuvent-elles avancer ? Peut on espérer que la question des institutions monétaires internationales et celle de la création d’instruments monétaires de réserve (mais qui soit aussi une monnaie pratiquement utilisable, ce qui ne serait pas le cas d’une monnaie virtuelle obtenue par un « panier ») autre que le dollar pourra voir le jour ?

Peut-on penser que ceux des émergents qui ont joué la mondialisation des échanges commerciaux, mais qui ont largement conservé (ce qui a épargné à l’Inde et à la Chine la grosse crise de 1998) les contrôles de leurs mouvements de capitaux et une part de maîtrise de la convertibilité de leurs monnaies vont s’aligner sur l’ordre libéral ? Il vaudrait sans doute mieux en fait, qu’en contrepartie de leurs spécificités de réglementation monétaire, ils soient porter à accepter des régulations commerciales.

Peut-on escompter qu’un jour enfin des dispositifs d’ajustement obligatoire des taux de changes pourraient traiter des inégalités résultant des déséquilibres structurels de balances commerciales ?

Par quel « marchandage » général peut progresser la question de la protection de la planète qui a été présente au G20 en fond de tableau, mais non pour un programme de travail ?

A quand un vrai débat sur l’excellente et provocante idée du secrétaire américain à l’Énergie, Steven Chu, d’une taxe sur les importations de pays qui n’imposent pas de baisse des émissions de gaz – cette "taxe carbone" contre le "dumping environnemental" qu’a d’ailleurs aussi évoqué N. Sarkozy ?

Peut-on imaginer la manière dont les Etats-Unis vont sortir de la contradiction entre leur besoin de dépenses pour le rattrapage social et pour la relance et leur besoin de réduire leurs déséquilibres budgétaires et des échanges ?

- Peut-on comprendre comment leur énorme dette envers les prêteurs asiatiques peut leur laisser des marges de manoeuvre commerciale, dès lors qu’eux aussi doivent protéger intelligemment leur niveau d’emploi en déroute (et d’autant plus que leur niveau d’export est structurellement bien faible et que leur dépression est très contagieuse sur nous-mêmes) ? D’où tout l’intérêt s’ils s’engagent eux-mêmes dans la ligne de Kyoto, de la taxe carbone à l’import, -

Peut-on penser en synthèse que le rapport de forces commerciales avec l’Asie peut bien évoluer, c’est à dire dans le sens de la protection de nos populations ?

7 - Plaçons nous avec réalisme dans une perspective de relations gouvernées par des rapports de forces : exactement ce que ne comprennent pas ou ne veulent pas voir ceux qui nous portent - dès lors que leurs intérêts propres sont saufs - à tenir le rôle de « l’idiot dans le village global » , alors que la vraie question est de savoir comment préserver les intérêts de nos propres populations (comme le dit simplement et avec bon sens B. Obama pour ce qui concerne les américains devant lesquels il est comptable puisqu’ils l’ont élu).

Une simplification de l’appréciation de ces rapports de forces montre que la propension à une forme de domination des pays émergents allant de pair avec la dégradation de nos niveaux de vie tient à des soutiens provenant de notre propre univers, mais rencontre par ailleurs deux obstacles qu’il faut instrumentaliser.

Le principal soutien de nos compétiteurs est constitué d’une partie de nos acteurs économiques. Ce sont des entreprises occidentales – et pas seulement de grandes multinationales, mais aussi bien des firmes spécialisées dans la distribution et des PME corsaires – qui ont été le support des délocalisations et plus encore des nouvelles localisations, et de larges approvisionnements dans les low cost countries, sans parler de toutes les installations de services très sophistiqués, mais tout à fait délocalisables, et de plus en plus délocalisées dans le monde entier

Trois clefs successives ont ouverts ces chemins de notre déclin : le différentiel entre coûts d’approvisionnement et de vente a motivé ( au nom du consommateur !) le lobbying libre-échangiste du négoce mondial ; la course aux rentabilités financières élevées réalisables par le fait d’obtenir des productivités occidentales dans des pays à coûts de production plusieurs fois moindres que les nôtres a inspiré les stratégies de placements des actionnariats les plus cupides ; la haute qualité des prestations intellectuelles de service de beaucoup de pays d’Asie et du Sud a emporté la conviction de l’aristocratie de l’innovation.

Discipliner nos propres acteurs économiques vers de meilleures directions pour notre emploi et niveau de vie n’est possible que si on les sort d’un système où tout les pousse à jouer contre nos intérêts nationaux. Il ne s’agit donc pas de leur interdire de faire ce que la logique économique leur impose aujourd’hui (comprimer les rémunérations, licencier, délocaliser, s’installer d’emblée ailleurs) mais de leur offrir une autre logique économique : une logique comportant la part nécessaire de rééquilibrage des conditions concurrentielles entre nos pays et les Émergents qui offrent aujourd’hui à la fois des bases d’implantation dotées d’avantages imbattables aux entreprises et des moyens d’approvisionnement en main d’oeuvre et en produits de toute nature d’une compétitivité sans pareille. Facteurs qui expliquent par exemple que la chute des carnets de commande de la sidérurgie sera supportée par l’Europe ( la « crise » ne change pas les données de base, mais accélère tout), que l’industrie automobile va, sous quelques années, se transférer inévitablement en Asie, comme un dossier explicite d’Alternatives économiques de ce mois le met évidence en suffisant à lui seul à, paradoxalement, démentir le « rassurisme général » dont fait preuve cette publication à l’égard des effets de la mondialisation.

Les freins à un basculement qui fait notre ruine peuvent tenir à deux facteurs.

D’une part, les émergents ont encore besoin de nous. Ils ne peuvent pousser leurs avantages concurrentiels au point de détruire nos économies et pouvoirs d’achat, parce qu’ils gardent provisoirement un intérêt - jusqu’à la relève par leurs propres consommateurs et par des pays pauvres qui vont quand même progresser - à ce que nous soyons leurs marchés, tandis qu’à l’inverse nous n’aurions guère besoin des leurs (ni en export , ni en import - sauf pour des approvisionnements particuliers et des matières premières - si nous avions (cf Todd) une grande Europe gérée en préférence communautaire) ; mais combien de temps encore auront-ils besoin de nous ?

D’autre part, le développement des niveaux de vie, notamment à l’échelle démographique de l’Asie, conduit tout droit dans le mur écologique – alors que toutes ces populations du monde ont un droit imprescriptible à progresser.

Ce droit et l’avenir de la planète ne sont compatibles que moyennant de considérables précautions qui ont deux versants : l’innovation technologique, en particulier en matière d’énergie, de transports, d’alimentation ; le ralliement partout à des modes de vie moins consommateurs et moins prédateurs.

Deux exigences qui impliquent les coopérations scientifiques, technologiques et prudentielles entre pays de tous niveaux économiques et modes de vie. Ces enjeux communs peuvent-ils freiner la logique qui porte les Émergents à ne pas s’embarrasser des conséquences meurtrières des formes prises par leur développement sur les vieilles sociétés ?

8 - Notre univers est à la bifurcation de deux voies : ou bien, dans la ligne actuelle de la plus grande pente, la poursuite d’une loi de jungle de fait, allant de pair avec le libre échange, et conduisant à la régression sociale garantie, ou bien, par un ressaisissement de nos responsables, la découverte de la stratégie indispensable à la fois de « containment » des conséquences des développements des Émergents et de coopération avec eux pour négocier et gérer des rééquilibrages.

Il ne s’agit pas de futurologie ; la menace est imminente. Il ne faut pas être grand clerc pour la lire, sauf si l’on est complètement intoxiqué par les modes de la vie publique. Sous quelques années, nos emplois vont partir en fumées, nos charges vont devenir de plus en plus à la fois insuffisantes pour faire face aux besoins et insupportables pour beaucoup de ménages et d’entreprises, nos niveaux de vie vont plonger ; c’est une question de protection contre un scénario catastrophe, comme je le disais en 1998 dans « trois Illusions qui nous gouvernent » et une question de survie comme je le disais en 2005 dans l’article de Passages sur les localisations d’activités. Mais les Cassandre ne reçoivent que des ricanements ou des baillons.

Par contre, tous les jours, des personnalités politiques de premier rang et une foule de commentateurs de deuxième ligne (et qui font métier de bonimenteurs d’estrade dans des rôles convenus à l‘avance) continuent, par leurs gesticulations, leurs incompétences, sur les podiums, dans la presse et sur les ondes, à se livrer à des jeux partisans, médiatiques et intellectuels, comme si nous étions dans la benoîte France de Pompidou ; et ne pensent qu’aux paillettes ou aux mythes de droite ou de gauche par lesquels séduire les électeurs ou les lecteurs et auditeurs sans être à même de penser à les prémunir contre ce qui les attend, tout simplement parce qu’ils ou qu’elles ne le conçoivent pas.

La situation est d’une extrême gravité. Des lignes d’évolution régressive, non réversibles, sont en train d’être franchies. C’est à un véritable état d‘alerte qu’il faut appeler.


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