SOUMARE, MOUSSAÏD ? ET PUIS QUOI ENCORE...

jeudi 25 février 2010
par  João Silveirinho
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Mis à part le tonitruant Georges Frèche, récidiviste, lui, de la blague crapoteuse, et semble-t-il et malgré tout favori de l’élection septimanienne, comme il dit, deux candidats aux élections régionales ont bénéficié de l’attention des médias, privilège dont l’un et l’autre, et pas seulement eux deux, se seraient bien passés. Ce vif intérêt a des motifs différents, mais les deux candidats ont un point commun, qui n’est pas pour rien dans la furia médiatique : Ali Soumaré est black, Ilham Moussaïd est rebeu, ils sont, dit la presse, « issus des « quartiers ». ce qui est d’une part faux et d’autre part impropre : faux, car issu voudrait dire qu’ils sont sortis des fameux « quartiers », alors qu’ils y sont toujours, ce qui est une des raisons de leur candidature ; impropre car quel candidat urbain n’est pas « issu » d’un quartier ? Effet de ce que Jytte Klausen nomme la tyrannie de la modération : cités, ça fait stigmatisant (et téci, quelle horreur), donc on va dire quartiers, « les quartiers », bon, vous voyez ce que je veux dire, hein, pas n’importe lesquels, on se comprend entre gens qui habitent des quartiers qui ne sont pas « les quartiers ».

Ilham Moussaïd est la candidate « voilée » présentée par le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) en Rhône Alpes. Contrairement au tonitruant Georges Frèche, elle n’a aucune chance d’être élue, même « issue des quartiers ». Ilham Moussaïd n’est pas voilée mais porte le foulard. Nuance ? Un peu que oui. Le voile cache le visage, le foulard cache les cheveux, comme le turban célèbre de madame de Beauvoir. En des temps révolus, dont les érotomanes distingués éprouvent une puissante nostalgie, les élégantes et les simples coquettes jouaient avec certains bonheurs de la voilette, extension galante d’une coutume précédemment réservée à l’état de viduité. Si le turban de Simone de Beauvoir peut ressortir de ces élégances surannées, il n’en va pas de même du voile de Ilham Moussaïd. Pas voilée, donc. Le foulard est cependant un signe religieux ostensible, qu’elle assume comme tel. Dans cette affaire, ou bien la règle est que tout élu ou candidat à une élection ne peut porter de signe religieux ostensible pendant ses actes de candidat ou d’élu, ou bien la règle ne dit rien. Dans le premier cas, il faudrait, par exemple, qu’aucun candidat ou candidate de porte de croix en sautoir. Nous pensons, à titre personnel, le nous est donc de majesté, que les signes ostensibles devraient être bannis du champ politique. Ils ne le sont pas, et de toutes façons, il n’y a aucune raison de focaliser sur la seule Ilham : les candidats ou candidates à croix plus ou moins ostensibles, ce ne doit pas être aussi rare que ça. Les médias – et les politiques – ne parlent pas de la croix, uniquement du foulard, qu’ils nomment voile. C’est pas juste. C’est parce que Ilham est arabe et vient des « quartiers ». Cela dit, que le NPA ait un problème avec la conception de la laïcité, c’est bien probable. On le lui laissera : comme le peignaient les anarchistes portugais sur les murs de Lisbonne au temps des oeuillets, si dieu existe, c’est son problème, pas le nôtre.

Ali Soumaré ne porte aucun signe ostensible, mais, sans y rien pouvoir, est ostensiblement noir de peau. Ce qui suffit à un dénommé Delattre, maire UMP de Franconville (tiens, le Canard Enchaîné n’a pas remarqué l’apparentement), pour en faire, dans un premier temps, un « joueur de l’équipe réserve du PSG » et pas un candidat. Le Delattre n’est pas raciste, non, mais fait partie de ces gens pour qui les noirs sont surtout doués pour le sport et la musique (« le rythme dans la peau »), et encore, doués relativement : « équipe réserve », dit le Delattre, quelle finesse. Comme ça ne suffit pas, avec l’aide son collègue Meurant (une bande organisée, donc), il transforme Ali Soumaré en délinquant multirécidiviste. Ce qui est faux, Soumaré n’ayant été condamné qu’une fois. Comme d’autres, amis du duo Delattre-Meurant, qui se sont ensuite présentés à des élections avec des fortunes diverses (Balkany élu à Levallois, Carignon gamellé à Grenoble…). Et ces deux là n’étaient pas, au contraire de Soumaré, des petits jeunots un peu à la masse au moment des faits, mais des notables établis. Ce petit monde a payé sa dette à la société. On passe. Comment, au fait, le duo a-t-il eu connaissance de l’erreur de jeunesse d’Ali Soumaré ? Demandez donc à Hortefeux, le blagueur anti-auvergnats bien connu. Il a peut-être une idée sur la question en tant que ministre de l’intérieur. Il serait étonnant que Delattre et Meurant soient « issus » des mêmes « quartiers » qu’Ali Soumaré.

A l’UMP, si un autre duo (le « rond » Xavier Bertrand et le « méchant » Frédéric Lefebvre) s’est engouffré dans le sordide, d’autres voix ont été plus convenables, dont la secrétaire d’état Chantal Jouanno. « L’affaire divise l’UMP », titrait un grand journal du soir. Mouais, remarquons aussi que cette diversité de points de vue permet de ratisser large : Lefebvre pour la droite beauf’, Jouanno pour la droite « éclairée ». Et quand bien même il y aurait division, tout ce monde demeurera uni pour au moins deux raisons : la crainte et/ou l’admiration pour le personnage et/ou sa fonction qui réside à l’Elysée ; et le sentiment qu’il y a des riches et des pauvres, et que c’est très bien comme ça.


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