EDUCATION : VOLONTAIRES SANS SERVITUDE

mardi 23 février 2010
par  Samira Comingant
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Les enseignants ne demandent qu’à se rendre utiles, sauf quand leur employeur se fout d’eux à l’évidence ; alors là ils se "retirent", mais le cas échéant très très en arrière dans ce qu’on peut considérer l’adaptation au réel et, et oui, au temps présent. Exemples.

L’Etat envoie des candidats au concours enseigner 15 jours seuls et à temps plein à l’école primaire, stage original d’application de la théorie avant la théorie, et avant la formation professionnelle, qui est prévue en deuxième année, pour leur apprendre à conduire une classe. Résultat 1 : les formateurs de ces stagiaires se disent que leur métier ne sert à rien, se sentent inquiets car assumeront malgré tout une responsabilité aux yeux de l’extérieur si le futur peut-être lauréat patauge tout à fait avec les CP que l’Académie lui a confiés. Résultat 2 : ils boycottent la seule et unique visite qu’on leur a demandé de faire, pour montrer leur désaccord avec cette "immersion" prématurée. Résultat 3 : les futurs peut-être lauréats sont doublement lâchés par l’institution, qui règle ses affaires qui de budget, qui d’honneur, sur leur dos. Total : entrée optimiste et confiante dans le corps des fonctionnaires de l’éducation nationale, probablement source de quelque chose de fragilisant dans la pratique du métier avec les élèves, et boulevard pour mobiliser l’opinion contre les-profs-du-public.

On supprime les postes d’infirmières, de médecins scolaires, de pions, les crédits des associations, et on sous-forme les nouveaux enseignants. Résultat 1 : la tension sociale bien antérieure à LACRIZ, mais accrue pas le discours suspicieux tous azimuths (package classique du chômeur-étranger-jeune-dragon-chinois etc.), et qui, comme le nuage de Tchernobyl, ne se détourne pas pudiquement à la grille des lycée, mais entre dans les établissements scolaires. Résultat 2 : les adultes encore présents, profs principalement, doivent accueillir cette tension, ce qu’on ne leur a jamais appris à faire, question de perception française de l’enseignement toujours fondée sur la transmission des seuls programmes, mais aussi question d’acuité des phénomènes de soupape explosée. Résultat 3 : ils passent sur France 2 chez le grand reporter P…das (Poujadas ?), attablés dans un bistrot sur invitation de la chaîne (le plateau n’était pas libre ?), coupés au montage, pour répéter durant un trois minutes appelé "le dossier de cette édition" (si ce n’est l’"enquête", à vérifier) les mots "violences", "moyens", montrer leur visage indigné, invités à tout sauf à formuler une pensée ou une analyse, et s’engouffrant dans ce piège parce qu’il n’est jamais désagréable de se plaindre en raccourcis, au café du commerce...

Ne pourrait-on rêver que ces professionnels du raisonnement et de la pensée, que cette élite intellectuelle, car les professeurs ont bel et bien pour profession de savoir des choses et de savoir les réfléchir, c’est ça, leur temps plein, que ces intellectuels, donc, trouvent un peu d’espace et de répit, assez pour ne plus participer à la manipulation gouvernementale du tout, assez pour ne plus être les cautions d’une vision simplificatrice et donc fascisante que certains relais journalistiques installent soir après soir ? Si boycott il doit y avoir, émettons l’hypothèse que c’est de la réponse aux provocations de la classe politique dominante, qui ne domine que parce qu’on lui donne la réplique : laissons la parler seule, et déployons, dans le silence et la discrétion, des stratégies partagées qui feront un mur le jour venu contre les offensives à jet continu qui cherchent à abattre tout ce qui n’est pas marchand, et tout ce qui sert l’intérêt général. Plus de réponse à Poujadas, plus de réponse publique aux annonces incessantes de réforme, mais des pratiques collectives qui refassent voir l’intelligence des éducateurs, formateurs, professeurs, médecins hospitaliers, psychiatres, sociologues, juristes..., intelligence dont il faut cesser et d’avoir honte, et de faire un étendard. Faisons la servir, au plus grand nombre, et elle réduira à la pantomime les propagandistes.

Point de grammaire en guise de post scriptum : les poujadas parlent de "violence scolaire" : dans ce cas, il s’agit d’un adjectif relationnel, qui a le même sens que "la violence de l’école", violence liée à l’école ; c’est un plaisir de voir les media grand public remettre sur le devant de la scène la violence institutionnelle, en effet ô combien d’actualité ! Tout autre aurait été la banale formulation "violence à l’école", partiellement fausse d’ailleurs, puisqu’il s’agit de la violence dans l’école, et pour tout dire, dans quelques écoles seulement. Mais nous aborderons les déterminants dans un autre chapitre, ainsi que le lexique, car de "violence" à "sécurité", de "video surveillance" à "sanctuarisation", d’ "états généraux" à "tolérance zéro", peut-être trouverons nous des trous logiques et thématiques ; bon potentiel de matériau scolaire, oui, le communiqué ministériel.


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