VISIBLES, INVISIBLES, PERES, OU ES-TU ?

dimanche 16 mai 2010
par  Jacques Broda
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Il en est des pères comme de la classe ouvrière, invisibles, voire muets, ils n’en demeurent pas moins les réels des complexes familiaux et des rapports sociaux. Souvent détruits, marginalisés, exploités, épuisés, en perte d’identités, ils continuent à produire les valeurs d’usages, d’échange, les valeurs morales. On ne les voit pas, on ne les entend guère dans l’orgie médiatique. Ils sont là debout, ils veillent, sentinelles de la nuit.

L’attaque a été frontale, violente, inhumaine, générale et sans appel. La classe ouvrière et le père sont finis, morts, anéantis, du même geste, du même mépris, de la même violence insolente, on a voulu en faire des débris de l’histoire, à la schlague de l’imaginaire, à coups de fouets.

Ils résistent. Ils travaillent, se lèvent à pas d’heure, cumulent les emplois, cherchent des issues, produisent les plus-values sans lesquelles il n’y aurait pas ni capital, ni gâchis de tous les surplus. Ce travail est sourd, invisible, il est quotidien, répétitif, lancinant, dans les formes les plus éhontées de l’esclavage contemporain, sous-traitant, intérimaires, précaires, des contrats de deux heures par jour. Il y a une errance ouvrière dans la quête d’emploi qui est pathétique.

Quant au travail concret, il est complètement insu, il n’apparaît que dans sa psychopathologie, sa souffrance, mais jamais dans sa création, sa force, sa vitalité, émergence des subjectivités, réalisation de soi, et des valeurs sociales. La classe ouvrière existe, du mal d’être nommée, elle disparaît à sa propre conscience. Elle existe sans se dire. Ravages.

Lorsque émergent les conflits, le scandale de l’amiante, on voit apparaître sur la scène, ces hommes ravagés, détruits, debout. Ils meurent jeunes. Ils mènent des luttes peu visibles, peu connues, dans la solitude et l’isolement, conséquents à la disparition du prolétariat comme concept de la lutte des classes.

Tout comme les pères (dont ils sont partie prenante), ils peinent à se faire entendre, à se faire respecter, à se faire aimer. Il y a ici un point aveugle, qui n’est pas sans rappeler le complexe d’Œdipe. Il y a une forclusion du nom de la classe ouvrière, qui s’appuie sur celle du Nom du père, et/ou l’inverse. Au détour, la loi, la règle, les valeurs et les normes sont mises au défi permanent de leurs destructions. Il ne s’agit pas de l’autorité, ou de sa représentation, il s’agit des places réelles et symboliques.

Visibles, invisibles. Père où es-tu ?

Dans le creux de ton travail, de ta volonté, de ton courage, des actes quotidiens, dans le creux de cette présence solidaire tu maintiens le syndicat, dans le pli du geste humanitaire quand il s’agit de décharger tel camion dans la nuit du Secours Populaire, pour venir en aide à ceux qui dans ta cité souffrent de la faim, tu ne pactises jamais.

Dans telle église, mosquée ou synagogue, tu restes digne et résiste aux intégrismes, fidèle à cette idée de l’homme universel dans la force de ton signe. A vouloir balayer d’un coup de manche, le père et la classe ouvrière, la classe dominante et son allié libéral-libertaire, engendrent la barbarie. Une société sans père, est une folie. Une société sans classe ouvrière façonne le travail sans travailleurs.

Il y aurait quelque urgence à réhabiliter simultanément et dans le même geste les forces réelles du vivant-produit, de l’humain-marchand. C’est à la classe ouvrière et aux pères, de (re)prendre la parole et le pouvoir sur la vie. Je n’ai aucune nostalgie quant à la dictature du prolétariat, le patriarcat, mais je pointe le désastre conséquent à la dissolution de la notion et de la fonction : ce déni occulte le réel du travail et de la transmission.

Rendre visible l’invisible, tel n’est-il pas le rôle du militant ? D’aucuns parmi les militants, les militantes n’ont-ils pas participé à ce fantastique désaveu ? Ce soir, le roi est nu.

Demain, il va (re)prendre son destin en main, dans l’alliance, le respect, la fierté et la dignité de l’être historique, celui de la dette insoumise.


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