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UN ETE ROCK’N ROLL

lundi 26 juillet 2010
par  João Silveirinho
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L’été avait mal commencé : la mort d’un grand nom de la littérature mondiale, José Saramago, qui revendiquait sans réserves son militantisme au sein du Parti Communiste portugais, mais sans s’embarrasser des consignes de son appareil. Nous l’apprîmes lors du congrès (tristoune) du parti Communiste français lorsqu’un militant, qui avait tout du brave homme, intervint, avec à la main deux ouvrages de Saramago, La Lucidité et L’Aveuglement. Après un hommage vibrant au disparu, notre ami livra au congrès quelques réflexions, concluant par sa proposition de candidature du PCF à la prochaine élection présidentielle : celle d’Alain Bocquet, député du Nord. Sans remettre en cause les qualités d’Alain Bocquet, nous avons pensé sur l’instant que notre militant avait beaucoup plus passé de temps sur L’Aveuglement que sur La Lucidité. Au passage, si ce n’est déjà fait et puisque c’est l’été, lisez Saramago : L’Aveuglement, ou ce qui se passe lorsque toute une ville devient aveugle, La Lucidité, ou ce qui se passe quand tout un peuple vote blanc, le désopilant Les Intermittences de la mort, ou ce qui se passe lorsque plus personne ne meurt dans un pays, l’admirable Le Jour de la mort de Ricardo Reis, magnifique méditation dans l’univers de Fernando Pessoa, « le » grand poète portugais du siècle dernier, L’Evangile selon Jésus-Christ, un temps censuré au Portugal, où les bigots n’apprécièrent guère la description des turlutes entre Jésus et Marie-Madeleine, et d’autres encore, de quoi largement tenir jusqu’en septembre.

Après ce décès, reconnaissons que notre été s’est emballé, d’abord avec le foot, ce qui est logique, puis avec les Folies Bettencourt. Deux feuilletons comme on n’en faisait plus depuis longtemps. Argent, pouvoir, sexe, haines, tout y est sauf le sang (espérons, sur ce point, que ça dure). Des stars du ballon qui se traînent sur le terrain, mais apparemment moins dans les bordels, flanqués d’un entraîneur certes beaucoup moins rigolo mais tout aussi foutraque que Groucho Marx, avec des seconds rôles de luxe puisque ministériels, Rama Yade en reine du rétropédalage entre un palace et une quasi auberge de jeunesse, Roselyne Bachelot en grotesque infirmière en chef pour panser les bobos psychologiques de nos stars encalminées avant de se transformer en procureure inflexible de leurs dérives.

Et puis la saga Bettencourt, avec des personnages que les plus trash des scénaristes du défunt Dallas auraient eu peine à imaginer. Savions-nous, avant l’affaire, que nous avions en France le comique le plus cher payé au monde ? Maintenant, nous le connaissons, il s’appelle François-Marie Banier. Pas le genre Bigard à remplir le stade de France avec des blagues graveleuses, non. Lui, son public est choisi : distraire de l’ennui des dames du troisième âge. Pas dans les maisons de retraite, il y a des limites, mais dans les hôtels particuliers. Cachet de l’artiste, un milliard d’euros environ, selon les gazettes. Quel talent ! Saviez-vous qu’il est normal qu’un ministre du budget, censé être le chef suprême de la traque aux fraudeurs fiscaux, aille draguer des fonds pour des partis politiques auprès de donateurs établis en Suisse ? Maintenant, nous le savons. Saviez-vous qu’il est normal qu’un ministre du budget ne voie aucun inconvénient à ce que son épouse gère la fortune de la plus grosse contribuable du pays (et par miracle sans doute épargnée par les contrôles fiscaux) ? Maintenant, nous le savons. Saviez-vous que certains citoyens très fortunés distribuent des enveloppes d’argent liquide à des personnalités politiques ? Ah, ça, oui, nous le savions, mais nous manquions de cas concrets. Maintenant, on en a.

Auprès de ces feuilletons-là, les cigares de M. Blanc, qui ne l’était donc pas tout à fait, les travaux domestiques et les vols de luxe de M. Joyandet, les occupations excentriques des appartements de fonction de Mme Amara et de M. Estrosi manquent singulièrement d’épices.

Dans ces rocambolesques affaires, un point est commun : l’argent, le fric, le pognon. Depuis le dîner du Fouquet’s et le yacht de Bolloré, il colle aux basques du sarkozysme comme, pour reprendre l’image d’un confrère, le sparadrap aux semelles du capitaine Haddock. Nicolas Sarkozy et sa clique vivent à des années lumière de leurs administrés ? Pis que cela (ce travers est partagé dans une large partie de la classe politique, à droite comme à gauche) : ils ont la conviction que l’argent, et son usage ostentatoire, sont un signe de réussite qui devrait leur valoir l’admiration ébaubie du bon peuple. Anecdote tout à fait véridique, datant de quelques années : un chef d’entreprise, pas le plus mauvais des bougres, devait partir en Normandie pour annoncer aux salariés d’un de ses établissements des suppressions de postes. Il demanda l’avis d’un consultant : « Dois-je y aller avec ma Ferrari ou avec ma BX ? ». Devant la surprise du consultant, il précisa : « Vous comprenez, les ouvriers, ils aiment bien les belles voitures ». Le consultant, sans doute amateur lui aussi de belles voitures, obtint finalement gain de cause et évita le probable caillassage de la Ferrari.

Les liens entre le pouvoir et l’argent sont bien sur anciens. La nouveauté sarkozyenne, c’est qu’ils apparaissent en pleine lumière, sans fards, sans honte, et même en s’en vantant. La phrase de Jacques Séguéla, génie autoproclamé de la publicité est symbolique de cette époque : « les gens qui n’ont pas de Rolex à cinquante ans ont raté leur vie ». Elle contient tout le mépris pour la plèbe, toute la fierté de la richesse, toute la vanité des apparences qui caractérisent nos « élites ». Séguéla dira certes plus tard qu’il avait « fait une connerie » en lâchant cette phrase, mais le plus grave est peut-être qu’il l’a pensée profondément. Des gamins qui ne pensent au sport que comme moyen de faire de la thune aux paroles de certains rappeurs américains ou français qui glorifient le dollar (à condition qu’il y en ait plein), l’argent vérole nos sociétés. Celui de la rente, le plus discret (enfin, avant Bettencourt) et le plus puissant ; celui de la finance, issu du premier et complété par la course à la consommation-apparence orchestrée par les cohortes de séguélas ; celui des trafics, alimentés notamment par le chômage persistant d’une partie de la population.

La droite a des obsessions. L’une des plus ancrées (Pompidou la reprit après l’intermède allant du Front Populaire à la présidence de Charles de Gaulle) est de faire de la France « un pays de propriétaires ». Le travail de la gauche est de (re)faire de la France un pays de citoyens. Tout le projet du sarkozysme est de détruire la citoyenneté, en s’attaquant frontalement aux services publics, école et santé en tête, en protégeant les plus riches par des avantages exorbitants, en stigmatisant certaines catégories de populations : les étrangers, les habitants des « quartiers », les jeunes (sauf ceux de l’UMP, ce qui ne fait pas beaucoup), les chômeurs, en gros, tous ces salauds de pauvres. Retisser les liens citoyens après les démolissages en règle perpétrés par Sarkozy et ses séides sera une tâche ardue, qui prendra du temps, qui nécessitera avant tout une redistribution des richesses, qui sont essentiellement le résultat du travail, un immense effort pour permettre à la population, toute la population, de se loger dignement, d’être soignée correctement, d’être éduquée sereinement. Ce ne sont pas les cautères sur jambe de bois des sociaux-libéraux qui apporteront la solution. Ils sont trop convertis aux « bienfaits de la concurrence », à la « culture de performance » et autres billevesées. Nous ne demandons pas à nos universités ou à nos hôpitaux d’être « performants », mais qu’ils soient excellents. Alors que commencent vraiment les cogitations pour proposer au pays une alternative pour 2012, la gauche ne doit pas oublier ces priorités.


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