JOSE SARAMAGO : UNE GRANDE CONSCIENCE S’EN EST ALLEE

lundi 19 juillet 2010
par  Pedro Da Nobrega
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Le décès de José Saramago, unique Prix Nobel de la littérature lusophone, nous laisse tous plus pauvres car son parcours est celui d’une grande conscience qui aura su rester fidèle jusqu’à son dernier jour à ses valeurs et à ses convictions forgées dans des conditions difficiles.

Né le 16 novembre 1922 à Azinhaga dans la province rurale du Ribatejo, au sein d’une famille pauvre, il ira vivre à Lisbonne juste âgé de deux ans en suivant sa famille. Travaillant comme ouvrier pour payer ses études puis comme fonctionnaire, autodidacte acharné, il s’engage très jeune dans la résistance antifasciste notamment lors de la candidature Norton de Matos en 1948 puis plus tard au Conseil Portugais pour la Paix et la Coopération ou au sein de la C.D.E (mouvement d’opposition « toléré » par la dictature fasciste après la mort de Salazar) dans les années 70. Ses premières œuvres publiées sont des recueils de poésie, notamment le premier « Poèmes Possibles » en 1966 dont le titre en dit déjà beaucoup sur le contexte de l’époque.

Même si c’est en tant que prosateur qu’il connaîtra la notoriété, la poésie n’a jamais été absente de son œuvre, lui qui excellait dans les métaphores pour interpeller parfois frontalement les mythes fondateurs du Portugal. Du « Radeau de Pierre », métaphore sur l’insularité continentale du Portugal en pleine période de « mirage européen » à « L’évangile selon Jésus-Christ » où il campe un Christ très « révolutionnaire » jusque dans ses rapports avec Dieu qui lui vaudra les foudres du Vatican, avec « L’histoire du siège de Lisbonne » où pour la première fois, il situe le point de vue chez les assiégés musulmans face aux envahisseurs catholiques, Saramago n’a jamais hésité à questionner avec autant de vigueur que de talent bien des piliers de l’Histoire officielle. Il savait allier la précision de l’écriture à la gourmandise du verbe, une sobre élégance avec une chaleureuse cordialité, une humanité constante et toujours concernée par les injustices de ce monde.

Militant du Parti Communiste Portugais depuis 1969, président (pendant quelques semaines avant de démissionner, ndlr) de l’Assemblée Municipale de Lisbonne élu sur les listes de la CDU (Coalition Démocratique Unitaire regroupant les communistes et les écologistes au Portugal) en 1989, il en restera militant jusqu’à sa mort. Il aura été également un combattant infatigable de la solidarité et de la fraternité : du Mouvement de la Paix au Portugal à la défense de la juste cause du peuple Palestinien, des Sans-Terre du Brésil aux Zapatistes du Mexique, jusqu’à sa participation active à la Révolution des Œillets au Portugal, ses luttes n’ont jamais cessé de s’inscrire dans la fidélité à ses valeurs d’internationaliste, lui qui se définissait, notamment lors d’un célèbre passage dans l’émission de Bernard Pivot « Apostrophes », comme un produit du « communisme hormonal ».

De l’opéra au cinéma son œuvre aura inspiré bien d’autres artistes, notamment le cinéaste brésilien Fernando Meirelles avec « L’aveuglement » présenté à Cannes en 2008, inspiré de son essai sur l’aveuglement pour lequel il aura refusé toutes les propositions alléchantes venues des majors états-uniennes parce qu’il craignait trop de voir son propos dénaturé par des impératifs commerciaux.

Pour rappeler combien la Révolution des Œillets avait pu jouer un rôle majeur dans l’épanouissement de son œuvre, il avait déclaré dans un entretien : « Je crois que rien ou presque de ce que j’ai pu faire depuis le 25 avril, n’aurait été possible auparavant. » Modeste et fraternel jusqu’au bout, toujours aux côtés des plus humbles et des plus démunis, son décès a donné lieu à un jour de deuil national au Portugal où il a été enterré le 20 juin au cimetière du « Alto de São-João » à Lisbonne. Puissent son souvenir, la puissance et la générosité de son œuvre, nous accompagner dans les combats à venir.


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