https://www.traditionrolex.com/18 LE RAPPORT CAMDESSUS OU L'OCCASION MANQUEE - La Gauche Cactus

LE RAPPORT CAMDESSUS OU L’OCCASION MANQUEE

Par Michel Cabirol
jeudi 10 mars 2005
popularité : 100%

LE RAPPORT CAMDESSUS OU L’OCCASION MANQUEE

Par Michel Cabirol

Le rapport "Camdessus" (Vers une nouvelle croissance pour la France) a suscité des opinions tranchées : futur livre de chevet pour N. Sarkozy (qui n’aura pas d’insomnies de par la forme parfois difficile de ce document), un document trop provocateur pour être efficace (Enjeux-Les Échos) à des réactions très négatives de la part de syndicalistes ou de militants politiques de gauche qui n’y voient qu’un document libéral de plus. Une lecture avec du recul chercherait à mettre en avant les bonnes idées et à détecter ses insuffisances. Il faut notamment tenir compte des circonstances : ce rapport a été élaboré en quelques mois par une commission "impressionnante" mais dont la majorité des membres avait d’autres priorités. De plus, en dehors de la caution d’un ou deux syndicalistes et d’un spécialiste de l’humanitaire, cette commission rassemblait surtout des hauts fonctionnaires ou des chefs d’entreprises (l’annexe rassemblant le point de vue de quelques experts Européens est un des passages les plus intéressants). Cet environnement n’a pas donc permis de faire une vraie recherche ni de proposer des solutions originales ou détaillées : dans plusieurs cas (l’Ecole, le contrat de travail, ...), le groupe s’est défaussé sur d’autres (Commission Thélot, syndicats, MEDEF, ...) pour définir les vraies solutions sans même proposer de pistes ni d’architecture servant de base à une négociation constructive. Le rapport constate que la France connaît des zones de forte réussite (PIB/habitant, culture, réussites technologiques, ...) mais aussi des échecs importants (chômage, exclusion, recherche & développement et croissance en berne, ...). Le risque est donc de voir la France (voire une partie de l’Europe) incapable de maintenir son niveau de vie (biens matériels, protection sociale, ...) et de décrocher irrémédiablement du peloton de tête. Ce décrochage sera accéléré et amplifié par la mondialisation en cours. Le rapport Camdessus a donc le mérite de poser de bonnes questions (quelle place pour le travail dans notre société ? Comment le revaloriser ? L’emploi plutôt que l’assistance ?) et pointe des problèmes réels : le décrochage technologique de la France voire de l’Europe et la faiblesse des dépenses de recherche et développement, le faible développement des PME, le problème de la formation continue (et à un degré moindre, de la formation initiale) et de l’enseignement supérieur, la nécessité de mieux lutter contre l’exclusion, l’élimination de certaines rentes de situation comme celle de la grande distribution.

L’absence d’une analyse globale

Sur certains points, le rapport se réfère à des exemples de pays de l’Europe du Nord (Finlande, Suède, Danemark) qui ont su résoudre certains de ces problèmes. Surtout, il regarde avec envie la croissance et le dynamisme Américains jugés inaccessibles. C’est alors qu’on trouve le premier manque flagrant de ce rapport : l’absence totale (et sans doute volontaire) d’analyse globale : pas de critique de la notion de croissance (la croissance américaine actuelle est tirée par les dépenses militaires mais aussi par le boom des ventes des 4X4 qui consomment toujours plus d’essence !) ni de la notion de PIB/habitant. De plus, ce rapport ne parle que de l’offre. Le mot demande n’est mentionné qu’une seule fois pour parler de la demande de travail ! Les PME souffrent moins des contraintes administratives que de l’atonie de la demande actuelle ou du comportement des grandes entreprises (pression des services achats ou délais de paiements) ou les ponctions croissantes et souvent injustifiées des banques. L’évolution du partage des richesses entre salaires et profit qui est très défavorable aux salariés depuis 20 ans n’est pas analysée. Pas d’analyse non plus des causes réelles de l’échec de la « stratégie de Lisbonne » visant à développer une économie de la connaissance en Europe. Les propositions d’aménagement fiscal sont très limitées : transparence des taux, prélèvement à la source et la transmission anticipée des patrimoines (qui favorisent les gros patrimoines). Rien n’est dit sur la stupidité de la taxe professionnelle ni sur la nécessaire refonte des cotisations sociales qui sont des enjeux bien supérieurs .La création de fonds de pension est une des principales mesures proposées pour accroître l’indépendance de l’économie Européenne par rapport à l’économie Américaine ! Le rapport propose une vision économiste sans tenir compte des aspects culturels, du potentiel des associations ou de l’économie sociale.

Des lacunes et des propositions discutables

A l’opposé, au niveau des propositions concrètes, ce rapport présente de nombreuses carences : pas de proposition détaillée concernant la mise en place d’un contrat de travail unique (veut-on généraliser le CDI ou bien augmenter la précarité comme le proposait le rapport de Virville ? Quel mode rupture du contrat ?), peu de proposition sur l’Ecole. De vrais gisements d’emplois existent en France sans être exploités : fret ferroviaire (qui a été sacrifié au profit du TGV et du transport routier), logement (l’Espagne avec 40 M d’habitants construit près de 2 fois plus de logements que la France avec 60 M d’habitants), les énergies renouvelables ou les économies d’énergie ou de matières. Ces domaines ne sont pas abordés dans ce rapport Dans d’autres domaines, les propositions sont discutables. Ainsi, accroître le taux d’emploi des seniors est souhaitable mais les entreprises n’en veulent pas. La principale mesure est de permettre le cumul emploi/retraite qui risque de favoriser les plus aisés ou de servir de palliatif à des retraites faméliques. Les attaques contre une "cartellisation" de la grande distribution sont souvent fondées mais elles pourraient être reprises contre les banques pour lesquelles le rapport recommande plus de souplesse (avec notamment la facturation des chèques et la rémunération des dépôts qui favoriseront les plus fortunés). Le développement des services aux personnes (voire dans le commerce et la restauration) permettrait certes de lutter contre le chômage mais le rapport n’est pas clair sur le type d’emploi : emplois à horaires "atypiques" ou domesticité vs emplois avec une vraie formation et un vrai contenu (crèches, maisons de retraite, ...) Le rapport Camdessus a donc l’utilité de poser de bonnes questions et de fait quelques propositions intéressantes. Malheureusement, pour l’essentiel, il est affiche quelques « bonnes intentions », mais il se situe dans une logique libérale sans présenter de projet cohérent (comme les pays scandinaves ont su en élaborer) permettant de redresser la France. Les partis politiques surtout de gauche (voire des cercles de réflexion, des syndicats, ...) sauront-ils saisir l’occasion d’une réflexion en profondeur sur le nécessaire redressement de la France et sur l’émergence d’un modèle de développement plus équilibré ? Une telle démarche sera un bon test de la capacité de la France à se réformer et à élaborer démocratiquement un projet commun qui restaure la confiance.


Brèves

22 septembre 2011 - Manifeste contre le dépouillement de l’école

A lire voire signer sur http://ecole.depouillee.free.fr Nous, collectif contre le (...)

20 avril 2010 - NON AUX RETOURS FORCES VERS L’AFGHANISTAN

A la suite du démantèlement du camp principal de Calais, le 22 septembre dernier, où résidaient (...)

31 juillet 2009 - PETITION POUR L’HOPITAL PUBLIC, A SIGNER ET FAIRE SIGNER

la pétition de défense de l’hôpital public, à faire signer au plus grand nombre possible (...)
https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18