FRONTIERES
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Régis Debray, dont nous connaissons la posture ciselée de sage bougon sceptique, a commis un opuscule, intéressant, comme presque toujours, à propos des frontières. Il remarque, non sans ironie, que l’extension de la mondialisation libérale s’est accompagnée d’une multiplication des frontières : explosions de l’URSS, de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie, revendications autonomistes dans tous les continents ou presque. Et de la prolifération des ONG « sans frontières ».
Faut-il regretter, dans notre Europe, nos bons vieux douaniers, fleurant les histoires de Fernand Raynaud ? Ils étaient énervants, certes, tatillons, souvent. Mais j’avoue que je sais pas si j’ai gagné au change avec la multiplication des polices aux frontières, l’extension, lente, rampante des appareils capables de vous mettre à poil sans vous déshabiller (désormais, quand je prends l’avion pour un pays où il y en a, je mets le grand jeu, bas résille, jarretelles, string brésil ; tant qu’à se rincer l’oeil, laissons leur un mémorable souvenir).
On connaît le dilemme : frontière qui protège, frontière qui exclut. On voit bien ce qui est protégé : l’argent, qui circule sans douane, les marchandises, de plus en plus. On voit ce qui est exclu : les gens, qui ne circulent qu’avec police. Frontière gare de triage des femmes et des hommes, frontière « sans frontières » pour les capitaux. Ne soyons pas candides : nous ne réclamons pas la fin des contrôles aux frontières. Mais on contrôle tout pareil, ou ne contrôle pas.
Il est des frontières façonnées par la nature, d’autres, souvent les mêmes mais pas toujours, d’où le d’autres, par la culture, d’autres par ces éléments de l’histoire que sont les rapports de force. Parfois, la culture, au final, a raison du rapport de force. Parfois non. Les conflits sont alors fréquents. Ce qui se passe en Afrique, c’est aussi, pas seulement, d’accord, la rebellion de cultures contre les frontières issues de la colonisation.
Nous voudrions des frontières accueillantes (nous ne demandons pas cependant aux douaniers de retour d’offrir systématiquement des fleurs aux arrivants, encore que). Accueillantes pour les persécutés ailleurs, pour les amours transnationaux, pour les étudiants, les savants, les artistes, pour les voyageurs avides de découvertes, pour celles et ceux qui se sentent capables d’apporter leur pierre à une terre nouvelle. Est-ce trop demander ?
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