https://www.traditionrolex.com/18 TUNISIE : INTERNET, LE MOTEUR DE LA REVOLUTION - La Gauche Cactus

TUNISIE : INTERNET, LE MOTEUR DE LA REVOLUTION

lundi 7 février 2011
par  Olivier Cabanel
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Sans oublier une seule seconde le rôle décisif qu’a joué Mohamed Bouazizi, lequel en s’immolant par le feu a été le déclencheur de la révolution tunisienne, on ne peut passer sous silence le travail souterrain et intelligent des blogueurs tunisiens. Mohamed Bouazizi avait 26 ans, son bac, et un stand ambulant de fruits et légumes, avec lequel il faisait vivre sa famille. Le 17 décembre 2010 une femme flic, au sein d’un groupe de policiers, tente de lui extorquer un peu d’argent, chantage coutumier du temps de Ben Ali, afin de permettre à Mohamed de continuer d’exercer son métier d’épicier ambulant. Mohamed refuse, se prend une baffe de la part de cette femme et son étal de forain lui est confisqué. Il se rend donc à la Préfecture pour récupérer son outil de travail, mais les bureaucrates de l’administration refusent de le recevoir, malgré les menaces de celui-ci d’attenter à ses jours. Quelques minutes plus tard, il s’immole par le feu devant la Préfecture. Ben Ali va même avoir le culot de s’inviter au chevet de Mohamed agonisant, menaçant « le terrorisme », qui d’après lui est le responsable de cette situation. Son agonie durera 18 jours. Cette tragique immolation va mettre le feu à tout un pays qui va réussir en quelques jours à chasser le dictateur du pays.

Ce n’est pas une raison pour oublier les sacrifices qui ont suivi celui de Mohamed Bouazizi, tel celui d’Allaa Hidouri qui se donne la mort en se jetant sur un câble à haute tension, ou d’Ayoub Amdi, d’Ayem Namiri, qui vont chacun s’immoler par le feu. Les 78 morts sous les balles de la police de Ben Ali vont s’ajouter à ces sacrifices et mener la révolte à son paroxysme, multipliant les manifestations, les barrages, jusqu’au jour décisif ou malgré les gestes d’apaisement du dictateur, utilisant le célèbre « je vous ai compris », le peuple continuera a résister, et qu’un général, Rachid Amar, refusera de faire tirer sur la foule en colère. C’est ce geste ultime qui provoquera la fuite honteuse du dictateur déchu.

Au-delà de ce drame décisif pour la victoire, c’est aussi tout le réseau de la toile qui, via FaceBook, Twitter, et tous les relais numériques possibles vont permettre aux citoyens de se débarrasser en 29 jours du despote. Voila par exemple un échange d’infos entre internautes : « Tu viens de dire que notre situation est chaotique. Mais alors pas du tout. Il ne faut pas suivre les infos toutes crétines de F2 ou TF1. Vraiment jusqu’ici, il y a un « sans faute » très clair pour continuer à tracer les chemins de la révolution de jasmin. Le danger de la milice de Ben Ali n’est plus qu’un souvenir. Les destructions et pillages n’ont touché que les maisons et les boites des mafiosos. Quand aux débats sur nos 4 chaînes de télé depuis l’abolition totale de la censure, ils sont d’un niveau ahurissant pour le tunisien moyen. Jamais il n’a entendu des analyses aussi profondes et des vérités très vérifiables… » Les internautes tunisiens ont très habilement réussi à contourner les « erreurs 404 » symptômes habituels de censure, et ont appris, entre autres, à surfer anonymement. Un groupe d’internautes anonymes appelé fort judicieusement « Anonymous » estime avec raison avoir joué un rôle prépondérant dans la chute de Ben Ali.

Ils se mobilisent maintenant pour faire tomber les régimes contestés d’Egypte, Arabie saoudite, Algérie, Libye, Syrie, Jordanie, et Maroc. Ils ont mené des attaques informatiques, appelées « DDos » contre de nombreux sites gouvernementaux, en rendant inaccessible par exemple celui du premier ministre. Ils savent aussi manier l’humour caustique. Dans un texte rédigé collectivement les Anonymous appellent à poursuivre leur mouvement en faveur de la liberté d’expression et affirment que la peur a changé de camp. Ils élargissent maintenant leurs attaques contre tous les autres dictateurs d’Afrique du Nord. Le blogueur Slim Amamou, qui après avoir quitté les geôles tunisiennes est devenu ministre, affirme que le rôle des Anonymous, dont il était membre, a été déterminant, et que sans eux, la révolte n’aurait pas eu autant de répercussion internationale. Il était accusé d’avoir participé à l’opération internationale de hacking des sites gouvernementaux tunisiens lancé par les Anonymous. Ceux-ci viennent de refaire parler d’eux en piratant le site de la bourse d’Alger.

Wikileaks a aussi son importance dans ces luttes. Après avoir ridiculisé les services secrets algériens en faisant savoir que les américains les qualifiaient « incompétents, sclérosés, paranoïaques », ils nous ont appris que les services secrets algériens avaient accepté de coopérer avec les services secrets américains, et que les algériens ne voulaient surtout pas que çà se sache et qu’on puisse le prouver un jour.

La révolution de jasmin va-t-elle faire tache d’encre dans toute l’Afrique du Nord ? En tout cas, en Algérie, la contestation continue, et le 22 janvier, malgré l’interdiction du gouvernement, une marche de la dignité devait dérouler avec des mots d’ordre très clairs : « Ne pas répondre aux provocations, empêcher violence et pillage, filmer tout au long de la marche, identifier les infiltrés et les filmer, dire aux policiers et aux militaires qu’ils sont des nôtres, marcher fièrement convaincus que personne n’a le droit de s’accaparer notre rue, dire que nous avons des alliés à travers le monde, ne pas se laisser intimider, refuser la violence, concluant : nous n’avons pas peur, la peur à changé de camp ». Le pouvoir a envoyé 3000 policiers pour bloquer le rassemblement en blessant 42 manifestants sur les quelques 500 qui étaient parvenus malgré tout à se retrouver. Le groupe APCA (action pour le changement en Algérie) est l’un des moteurs des actions menées actuellement. Rappelons qu’en Algérie, Il y a eu entre le 6 et le 9 janvier des émeutes qui ont fait déjà au moins 5 morts et plus de 800 blessés.

Il y a aussi la crainte des « infiltrations ». Quand on voit de quelle manière les « infiltrés » peuvent agir en toute impunité lors des manifestations, ils ont raison de s’inquiéter. Au Maroc, les manifestations sont régulièrement interdites. La dernière en date a été sévèrement réprimée. Interrogé par Médiapart sur la situation, Elias Sanbar, représentant la Palestine au sein de l’Unesco, tire les leçons de la révolution tunisienne : « Il est intéressant de constater à ce propos la vitesse supersonique à laquelle l’admiration de certains pour Ben Ali a cédé la place à un appui sans bornes au peuple tunisien et à son amour de la liberté » déclare-t-il et il ajoute « la liberté ne relève pas de l’import-export et doit se penser plus profondément. Il est cependant de la plus haute importance de se rendre compte que, plutôt que de « contagion », il s’agit surtout d’un spectacle exemplaire, une scène qui montre à des millions d’Arabes que la liberté est possible, qu’il est possible d’être dans la modernité sans forcement se renier ». En Europe, on sent le gène de quelques dirigeants, dont celle du gouvernement français, suite à l’énorme gaffe d’Alliot-Marie, qui proposait « généreusement » l’aide de « nos forces de sécurité françaises » pour ramener l’ordre en Tunisie. Les liens d’amitié connus qui unissaient Sarkozy et Ben Ali n’ont rien arrangé sur la popularité de notre gouvernement de l’autre coté de la Méditerranée. N’avait-il pas récemment félicité Ben Ali des « progrès de la démocratie en Tunisie » ? Pour faire contre mauvaise fortune bon cœur, on assiste a un virage à 180° de Sarkozy. Comme l’a fait fort justement remarquer « arrêt sur image », le site de l’ambassade de Tunisie a rapidement fait disparaître une photo d’accolade entre l’ancien dictateur et Sarkozy. Un vent de révolte se lève donc au Sud, et pourrait bien relancer la contestation en Europe, qui au fond, n’est guère mieux lotie que nos voisins d’outre méditerranée. Car comme dit souvent mon vieil ami africain : « Quand un chien aboie, il faut être prudent avant de lui retirer son os ».

Article également paru sur Agoravox


Commentaires

Logo de maya Jed
lundi 11 juillet 2016 à 12h04 - par  maya Jed

Elle était une belle révolution spontanée au début, maintenant ce n’est plus une révolution c’est plutôt un désordre total ... Hélas

Site web : Tunisie
Logo de Gourmel Michel
mardi 15 février 2011 à 09h20 - par  Gourmel Michel

Quel dommage d’avoir repris le terme "révolution de Jasmin" qui a été sorti après la fuite du dictateur par les services occidentaux, pour faire croire qu’il s’agissait d’une révolution colorée ! Les révolutions colorées depuis 20 ans étaient organisée par la CIA pour renverser les régimes démocratiques et mettre à la place des dictatures US par révolte organisée et/ou coup d’État.

La Révolution tunisienne n’est pas une révolution colorée.
La seule révolution colorée est celle du 25 avril 1974 au Portugal, victorieuse contre la dictature Salazar, la "révolution des œillets". Toutes les autres sont des victoires de la CIA.
La révolution tunisienne est une victoire qui n’est pas colorée, sauf en rouge par la dictature

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