Du revers d’Obama aux défis de l’Europe

dimanche 30 janvier 2011
par  Gérard Bélorgey
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Il faut revenir sur le revers subi par Obama ; parce qu’il traduit clairement une forme d’impasse américaine. Aurait-il eu plus de temps pour faire face à son si mauvais héritage, aurait-il eu moins à subir des réactions extrémistes nourries d’une hostilité viscérale, dont celle de la finance internationale à son égard, , peut-être aussi , par des forces ne lui pardonnant pas d’avoir franchi une ligne jaune dans ses leçons si fondées données en vain à Israël, surtout par les misères qui assaillent à un point que nous imaginons mal (parce que nous avons au moins la sécurité sociale) les nouveaux pauvres rejetés du rêve des classes moyennes américaines, expulsés de leurs maisons, endettés jusqu’au cou et ne trouvant pas de travail, oui, aurait-il pu, même avec un cumul moins défavorable, dessiner des perspectives de sortie de la crise des États Unis ? Il faut en douter et en tirer leçon de prudence.

Les moyens auxquels il a fait appel ont été ceux que des conseillers économiques, en débats manifestes entr’eux, ont trouvé de plus consensuel dans la boîte à outils des remèdes habituels aux dépressions économiques : l’injection de liquidités pour soutenir les grands acteurs bancaires, puis, de manière plus générale une demande dont on attend une nouvelle croissance. Mais telle reprise se heurte à bien des facteurs : le double énorme déficit commercial et budgétaire qui met en particulier les État-Unis dans le piège d’être les débiteurs de la puissance chinoise dont les exportations ont déjà colonisés ses consommateurs et qui ne veut pas consentir à des ajustements monétaires ( dont d’ailleurs les effets seraient non seulement limités, mais encore ambigus en conduisant sans doute aussi à une réappréciation de la devise américaine) ; l’impossibilité vraisemblable, au point où on est arrivé de rapports de forces, de faire usage de dispositions protectionnistes qui seraient sans doute plus provocatrices que significatives ; le fait que la recherche d’un rééquilibrage entre épargne et consommation ne pourra sans doute venir, dans la douleur et dans les larmes, que par des mécanismes automatiques sévères au détriment des plus défavorisés, ce qui pourrait bien conduire cet électorat qui a eu le plus intérêt à un succès démocrate à se réfugier dans des bras républicains.

Un scénario qui ne serait pas sans parenté avec celui que connaît la Grande Bretagne qui a rertrouvé comme solutions à tous ses problèmes, la polique de classe : punir les chômeurs, faire payer les pauvres, mettre d’abord à contribution (et au pilori) les agents publucs, économiser sur les politiques sociales, etc..

Pour se garder de ces deux types de danger , il faut avant tout ne pas tomber dans la gueule du loup asiatique. Par ses sacrifices le peuple chinois a gagné depuis dix ans surtout, grâce au libre échange garanti par l’OMC, à un point qu’aucune étude sérieuse ne met sans doute en évidence, le contrôle de bien des marchés, et beaucoup , beaucoup d’argent dans les échanges commerciaux et ce pactole est employé par ses dirigeants pour répondre aux besoins d’ emprunts des États occidentaux et de fonds longs de bon nombre d’entreprises occidentales. L’Europe moins que les États Unis est dans ce piège , mais elle y va tout droit si ce n’est elle même qui répond aux crises de ses membres ( Portugal, Irlande, Espagne, et autres à venir) et laisse la Chine racheter des obligations et ouvrir des facultés de prêts, prendre tête de pont pour le contrôle d’économies comme celle de la Grèce. Il n’y a pas de volonté de gouvernance mondiale concertée à attendre d’un compétiteur furieusement nationaliste et imbu de sa supériorité qui a à prendre toutes les revanches de l’Histoire. Donc, aussi critique que l’on puisse être à l’égard de l"Union et à l’égard de l’Euro, c’est à eux qu’il faut faire appel car c’est la seule planche de salut. La première raison de réduire dette et déficit c’est de ne pas devenir prisonnier des prêteurs étrangers, notamment asiatiques.

Mais il ne faut pas laisser l’idéologie qui dirige cette Europe bénéficier de ce rapport de forces pour nous obliger à l’alignement social et fiscal avec une Allemagne qui a choisi les voies de la concurrence dure et pure pour guider son modèle de profits.

Il faut revenir sans cesse sur le thème que les politiques qu’on veut nous imposer ne sont des mécanismes inévitables que dans le monde de la globalisation commerciale. S’il n’est pas encore établi - compte tenu des doctrines dominantes qui n’ont cessé d’enserrer la réflexion économique même universitaire - que ce libre échange serait défavorable au niveau d’emploi des occidents avancés, il y a longtemps que les études ** sur les effets de l’ouverture commerciale sur les marchés du travail ont mis en évidence des conséquences qu’ on a acceptées sans mesurer les mutations conséquentes qui se sont fait jour depuis lors.

Oui, on a d’abord allégrement accepté que l’ouverture commerciale pénalise en facultés d’emplois comme en niveau de rémunération les moins qualifiés et/ou les plus vulnérables aux concurrences ciblées s’appuyant sur de moindre coûts de revient du Sud et de l’Est notamment du travail ; c’était le prix du progrès par des échanges libérés et le moyen de contenir la revendication sociale. En même temps, dans l’illusion tenace de la vérité intangible de la division internationale du travail et de la spécialisation des différents pays du monde dans leurs meilleurs coûts comparatifs, on s’est rassuré depuis les années 90 des pertes industrielles subies : d’une part en se félicitant des gains de productivité ( utiles à la croissances compétitive) qui résultaient aussi de la pression des concurrences, d’autre part en trouvant dans les performances occidentales en haute technologie, des réponses pouvant satisfaire aux besoins d’intensité de capital et de culture qu’exige la capacité d’offrir des produits et services de forte valeur ajoutée. Dès lors qu’on gardait des longueurs d’avance sur ces créneaux , on serait à l’abri de la désagrégation économique en pouvant compenser des poches de chômage par des redistributions sociales et en croyant pouvoir développer des activités de services peu sophistiqués pour l’emploi des moins qualifiés, alors qu’ils sont trop nombreux pour ne pas tomber pour une partie d’entr’eux tout simplement en chômage structurel.

On nous a fait valoir, en plus, par toutes ces études des cercles orthodoxes s’intoxiquant les uns les autres, que nos échanges avec les nouvelles puissances, même si elles étaient un peu destructrices d’emplois, ne représentaient qu’une part très marginale de nos PIB , tandis que l’essentiel des échanges se faisait entre pays occidentaux de niveaux comparables qui, loin de se ruiner, se stimulaient ainsi les uns les autres , en laissant entendre en quelque sorte que si les Émergents progressaient, il en serait de même dans des rapports avec eux comme dans nos rapports inter-occidentaux entre pays et sociétés comparables. Or ce postulat - cachant en fait la conception néo libérale selon laquelle une nouvelle société économique financière n’a pas besoin d’un socle productif matériel - prenait mal en compte trois facteurs changeant complètement la donne.

D’abord, les expansions de modèle chinois, restant appuyées avant tout sur l’export, suscitent bien insuffisamment ces marchés intérieurs qui eussent pu rapprocher ces sociétés des conditions de production et de coûts totaux de ce que sont celles des occidentaux. Ensuite, fournisseurs appréciés sur les marchés de produits de main d’oeuvre, les Émergents - grâce à leurs talents, à leur puissance de recherche et d’acquisitions technologiques nourrie par leurs énormes gains commerciaux sur les produits de base - devenaient aussi des compétiteurs structurellement plus performants et moins chers que nous dans bien des productions et services de moyenne gamme et désormais bientôt capables aussi de fournir leurs propres marchés et nos anciens clients de produits de haute gamme. En synthèse, des échanges souvent fructueux fondés sur la division du travail sont devenus des échanges souvent destructeurs dès lors qu’ils s’exercent à qualités égales tous azimuts et par la compétitivité des prix.

En attendant les pertes de pouvoir d’achat infligées aux catégories les plus modestes contribuaient, parfois aggravées par des activités spéculatives favorisant l’endettement , au défaut de solvabilité qui a été, avec le défaut d’investissements productifs moteurs, l’une des causes majeures de la grande crise dans laquelle nous sommes rentrés...

....avec une implacable logique ! le système unifié mais hétérogène de productions/distribution/compétitions suscitant les déséquilibres commerciaux que l’on connaît, il n’y a qu’une réponse classique possible : l’ajustement des taux de changes - laquelle ne pouvant se faire automatiquement comme l’aurait assuré (?) une vieille économie internationale de marché - demande la réforme du système monétaire de la planète , ce qui impliquerait une forme de gouvernance mondiale,....à l’opposé des intérêts actuels de ceux qui ( puissances publiques et intérêts privés) sont désormais en tête de la compétition .Si bien que pour avancer un peu il faudrait montrer à ces leaders que leur intérêts mieux compris serait d’aller dans ce sens ...

ce qui est évidemment improbable si l’on ne peut ou ne veut pas manier en même temps les outils de la négociation politique et commerciale, ce qui suppose avant tout , pour en avoir la conviction, de reconnaître entre nous un certain nombre de choses .

La première est d’admettre enfin la part que jouent les échanges internationaux dans le niveau d’emploi et donc de sécurité politique de nos pays, mais ce n’est que très progressivement que des études dont toutes ont le défaut de dater un peu et de s’appuyer sur des séries satistiques de plus de dix ans, commencent à sortir du conformisme imposé par les modèles utilisés et par les patrons universitaires et les think tanks mondiaux. La seconde est qu’on n’attende pas d’une inclinaison des perspectives démographiques tenant à l’achèvement de l’onde du baby boom (plus de départs en retraite que d’arrivées sur le marché du travail) une réduction garantie du chômage, tant celui est important à résorber et tient à d’autres facteurs que démographiques ; néanmoins certains trouvent un confort illusoire à attendre - et de la démographie et de la fin des gros progrès de productivité apparente du travail qui ne joue plus guère aujourd’hui comme mécaniquement réductrice d’emplois - que la pression de la demande d’emploi diminue toute seule... Or, dès lors qu’elle ne diminue pas - loin de là - malgré de tels facteurs lourds en ce sens , c’est qu’il y a bien quelque part des causes rémanentes occultées ou non convenablement traitées. La troisième chose à obtenir pour parvenir à ce traitement est que les uns et les autres cessent de mettre en exergue un levier politique préférentiel pour la croissance et pour l’emploi, mais reconnaissent qu’il faut doser dans la compréhension des causes et dans l’application de remèdes.*

Les partisans du traitement par la demande doivent savoir que la prise en compte de revendications sociales aussi sympathiques soient-elles ne remplace pas une stratégie économique ( ce qu’ a oublié un B. Hamon qui s’est fait un moment reconnaître au sein du Ps parce qu’on y voyait un homme de réflexion stratégique , alors qu’on n’y a trouvé qu’un homme de catalogue démagogique ) ; les moyens de réduire les inégalités ne sont pas dans des mesures prescrivant des égalisations, mais dans une politique économique des échanges et de l’investissement qui n’attend pas de l’inégalité ( cf. sur ce site les rubriques des 8 et 9 août 2009 " pour une nouvelle économie") qu’elle soit le carburant nécessaire de notre société . Que les mêmes qui restent optimistes quant au recours à des remèdes Keynésiens mesurent aussi combien l’efficience de ceux-ci est écrêtée en économie ouverte et doivent donc être utilisées jumelés soit avec une totale concertation internationale, soit avec une part de protections. C’est également ce que doivent reconnaître les tenants de l’explication du chômage par les rigidités du marché du travail ; non seulement la déréglementation, la déflation salariale , en bref la flexibilisation ne constituent facteurs d’ajustement qu’au regard d’autres économies occidentales sans être à l’échelle des défis de prix de revient des Émergents ; enfin il ne faut plus nier contre toute évidence au nom d’études rassuristes dépassées la dimension meurtrière prise par le libre échange, non assorti - comme il est clair aujourd’hui - de la moindre chance de gouvernance mondiale.

Si nous restons dans ce cadre, il est certain qu’on ne parviendra jamais au bon dosage que de si nombreuses bonnes volontés de tous bords (et inspirées d’attentions envers les électeurs ) recherchent entre, d’une part , les nécessaires réformes devant mieux nous placer dans la compétition mondiale et , d’autre part, les indispensables précautions de justice humaine et sociale sans la mise en oeuvre desquelles notre société va soit à la cruauté systématque envers les faibles, soit à l’explosion et à la paralysie .

* On trouvera sur le blog à l’adresse http://www.ecopublix.eu/search/labe... max=2007-11-23T01%3A31%3A00%2B01%3A00&max-results=20 une bonne récap. des diverses positions des économistes à l’’égard du chômage , sans - ce qui est éloquent - on n’y trouve aucune référence au rôle que peuvent jouer les échanges internationaux... mais il est vrai que c’est une note de 2007

** Il y a eut en France de nombreuses tentatives d’étude sur la balance emplois du commerce extérieur que récapitule jusqu’en 2002 l’ouvrage insuffisamment audacieux d’un spécialiste , J.M. Cardebat, "la mondialisation et l’emploi" ( collection Repères, la découverte). Depuis lors l’ ’une d’entr’elles qui progresse vers les prises de conscience s’intitule « Libre-échange,protectionnisme : comment sortir d’un faux dilemme ? » (2007). On la doit à Raphaël Wintrebert (Paris-Descartes) ,chargé de recherche senior à la « Fondation pour l’innovation politique », thinkj tank ouvert au demeurant proche de la majorité présidentielle (http://www.fondapol.org/ ). La dernière en date ( « globalisation et flux d’emplois que peut dire une approche comptable ? » de Murielle bardet et Didier Blanchet, Laure Cruson in économie et statistique mai 2010) conduit à réviser naturellement le chiffre de 15 000 destructions précédemment admis au niveau de 36 000 en moyenne par an entre 2000 et 2005. Bien entendu, comme le souligne cette étude, celle-ci ne mesure que les aspects négatifs au regard desquels il conviendrait de placer les aspects positifs. Mais ceux-ci ne restent-ils toujours apprécié de manière infiniment plus littéraire que scientifique, selon des constats globaux qui ne sont pas des constats de causalité. Aussi, lorsque les supporters du libre-échange considèrent que celui-ci n’a pas empêché le nombre total d’emplois de l’économie française de progresser pendant la période de l’étude de 176 000 par an, ce qui aurait plus que largement compensé les effets réducteurs d’emplois des gains de productivité (qui auraient été 14 fois supérieures à ceux des délocalisations... au sens strict ) cela ne signifie rien, puisque les effets respectifs des différents facteurs qui aboutissent à cette résultante ne sont pas quantifiés . On sait seulement que lorsque la conjoncture a été convenable les producteurs français ont pu regagner des parts de marché en tirant parti du dynamisme de la demande. Mais que dès que se conjuguent un ralentissement de la conjoncture et la même pression internationale l’effet négatif de celle-ci devient plus visible "à partir de 2003 , la contributions des échanges aux créations d’emplois redescend aux alentours de 11 000 et la contributions des mêmes échanges aux destructions d’emplois plongent à -58 000 ». D’autres données majeures permettent de penser que le poids négatif des échanges s’accroît de plus en plus : la crise de 2009 ayant fortement renforcé une tendance qu’on a, à notre sens, sciemment occultée depuis deux décennies. .

Le blog de Gérard Bélorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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