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PROJET DE CHARTE POUR LE PARTI LAÏQUE DEMOCRATIQUE EN ALGERIE FONDAMENTAL

Transmis au Cactus par Fabienne Courvoisier
mercredi 2 mars 2011
par  Algérie Laïque
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Chapitre premier : Pour une République Algérienne Laïque

1. Une modernisation sans modernité.

Dès l’indépendance, les dirigeants du pays refusent de faire la séparation entre le politique et le religieux d’où l’introduction de l’article 2 dans la première constitution algérienne « Islam, religion de l’Etat ». Ils se sont ingéniés ainsi à instrumentaliser l’islam pour légitimer leur pouvoir mais aussi et surtout pour empêcher toute autonomisation politique de la société. Les pouvoirs en place se sont opposés farouchement à toute ouverture démocratique qui aurait pu mettre en perspective la construction d’un Etat de droit. Une convergence de fait a émergé entre les courants nationaliste et islamiste. Le courant nationaliste mit en œuvre une politique de modernisation des infrastructures économiques et sociales du pays, mais à aucun moment cette politique ne s’est accompagnée par la démocratisation de la sphère politique. L’aile islamiste s’est ralliée à l’idée de modernisation du pays à condition que celle-ci ne débouche pas sur les acquis de la modernité, en un mot oui à la modernisation de l’Algérie- mais sans modernité. Car cette dernière signifie un État de droit, avec des élections libres, des libertés de conscience et d’expression, des libertés individuelles et collectives, et une réelle séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, etc. En fait l’idée dominante à cette époque là qui a présidé à tous les choix stratégiques du pays, largement approuvée par tous les patriotes et le courant socialisant, est qu’un programme socio-économique moderne et ambitieux de développement assurant une justice sociale véritable à lui seul, pouvait assurer le décollage de l’Algérie au niveau social et économique et permettre dans son sillage l’ancrage du pays à la modernité.

Le summum de l’alliance entre les nationalistes et les islamistes fut atteint avec le virage ultralibéral de l’économie algérienne, à partir de 1980. Mais les desseins de cette alliance ont été fortement contrariés par la crise économique mondiale avec la chute du prix du baril de pétrole en 1986, le discrédit du parti unique et la disparition du bloc socialiste. L’instauration d’un état théocratique en Iran a encouragé le mouvement islamiste dès le début des années 1980. Il a permis l’infiltration de ce dernier au sein de l’université algérienne. Les premières violences armées ont vu le jour avec le « maquis » de Bouyali. La prise des mairies en 1990 par le FIS fut une étape dans la confiscation totale du pouvoir politique par les islamistes. L’arrêt du processus « électoral » en janvier 1992 a permis de sauver l’Algérie. Depuis 1992 l’islamisme politique est responsable de l’assassinat de dizaines de milliers de citoyens algériens et algériennes, dont beaucoup dans des conditions particulièrement atroces ; des milliers de blessés, dont certains mutilés à vie ; des centaines de ses jeunes filles et jeunes femmes kidnappées et soumises à des viols collectifs et répétés, avant d’être le plus souvent décapitées, quant d’autres ont perdu la raison ; des millions d’habitants poussés à l’exode des campagnes vers les villes ou d’une région vers une autre, fuyant les terroristes ; des centaines de milliers de ses citoyens, constitués principalement de cadres, d’artistes et d’intellectuels, se sont exilés ; sans compter les milliards de dollars de dégâts dus aux destructions, au sabotage et aux incendies commis par les islamistes. Ni la loi sur la rahma, ni celle de la concorde civile, ni celle de la réconciliation nationale, ni le projet d’amnistie générale ne feront oublier au peuple algérien le génocide islamiste. Malgré cela, nous assistons, à l’instar de tous les pays musulmans, à la montée en puissance de l’islamisme politique dans toute sa diversité qui vise à l’instauration d’un Etat théocratique plus inégalitaire et un ordre moral encore plus attentatoire aux libertés de conscience et d’expression des musulmans et des croyants des autres religions, ainsi que des agnostiques et de non-croyants. Les islamistes ne sont toutefois pas les seuls à exploiter la religion à des fins sordides. Les dirigeants politiques de nos pays font de même, pour se maintenir indéfiniment au pouvoir et continuer à opprimer leurs peuples. C’est pourquoi, l’Algérie doit tirer toutes les conclusions de cette expérience sanglante et adopter un antidote pour sortir de cette crise. Notre pays doit pour cela s’inspirer de certaines expériences historiques à valeur universelle et fécondes qui sont parvenues à mettre fin aux guerres de religions qui ont sévit plusieurs siècles. Toutes les tentatives de musellement de la société depuis 1962 n’ont fait toutefois que ralentir, mais non à empêcher, l’inéluctable marche de notre pays vers la modernité et la sécularisation des institutions officielles et l’évolution des mentalités en dépit de la persistance de l’islamisme politique dans la société algérienne et de manoeuvres au sommet de l’État.

Grâce à leur génie, des peuples ont contribué à des degrés divers à la séparation du politique et du religieux. Mais la plus grande avancée émancipatrice dans ce domaine est sans conteste, la laïcité. Les militants du Parti pour la Laïcité et la Démocratie (PLD) sont convaincus que l’instauration de la laïcité en Algérie est le seul moyen de se protéger des conséquences des manipulations politico-religieuses, d’où qu’elles viennent pour construire une Algérie républicaine, démocratique, moderne et sociale. Il nous faut cependant préciser le sens de la laïcité, pour lever toutes les confusions qui l’entourent d’autant que ses ennemis la confondent sciemment avec l’athéisme.

2. Qu’est-ce que la laïcité ?

La laïcité est la forme d’organisation politique la plus aboutie, consacrant le long processus d’autonomie de l’individu par rapport à la communauté ; processus enclenché, à partir des XVe-XVIe siècles en Occident, et porté intellectuellement pas les philosophes des Lumières. Elle est en ce sens un puissant vecteur de l’affirmation des libertés individuelles et collectives. Elle est un ordre juridique d’organisation de l’État, fondé sur une séparation radicale entre les institutions religieuses et l’État. Pour autant, la laïcité n’est pas antireligieuse, puisqu’elle garantit la liberté de conscience, c’est-à-dire le droit de chacune et de chacun d’adopter la religion de son choix, d’en changer ou de n’en croire à aucune. Ceci est également valable pour toutes les opinions politiques, philosophiques, culturelles… De même qu’elle garantit leur libre expression dans la sphère privée. C’est ainsi qu’on peut être tout naturellement laïque et musulman, laïque et chrétien, laïque et juif, laïque et bouddhiste, laïque et athée… La laïcité est en revanche anticléricale, dans la mesure où elle s’oppose à la prétention des religions, dont l’islam, à vouloir régenter tous les domaines de la vie des individus. Elle assure de ce fait la primauté de la citoyenneté sur l’appartenance religieuse ou communautaire. Voilà pourquoi, elle bannit les religions et les particularismes de la sphère publique, tout en garantissant leur libre expression dans la sphère privée.

3. Qu’entendons-nous cependant par sphère publique et sphère privée ?

La sphère publique, c’est l’espace de la puissance publique. C’est, autrement dit, l’État et les collectivités territoriales (wilaya, commune). Elle ne doit être régie ni par les lois religieuses ou d’inspiration religieuse, ni par les particularismes de quelque nature que ce soit, mais par des lois positives, modernes et communes à tous les citoyens, au-delà de ce qui les particularise en tant qu’individus (religion, irréligion, sexe, langue, couleur de peau…) C’est pour cette raison que cette sphère est soumise au principe de neutralité. Il faut comprendre ce principe dans le sens d’indifférence de la puissance publique envers aussi bien les religions que les diverses opinions et appartenances existant dans la société, afin d’être en mesure de traiter sur un pied d’égalité tous les usagers, en leur qualité de citoyens, tout en faisant abstraction de leur qualité d’individus. Cette neutralité s’applique aux lois et règlements qui régissent le fonctionnement de cette sphère, ainsi qu’à ses rapports avec ses citoyennes et citoyens ; à son personnel, qui ne doit afficher, conformément à sa mission de service public, aucun signe d’appartenance ; et à ses locaux où ne doit s’afficher aucun symbole, en dehors de ceux de la République, qui sont des valeurs communes à tous les membres de la nation. Elle s’applique aussi aux élèves des établissements scolaires primaires, moyens et secondaires de l’enseignement public, qui sont des êtres en formation, des sujets en voie de constitution. Quant à la sphère privée, elle se compose de deux espaces : public (rue, mosquée, entreprise commerciale ou industrielle, lieu de loisirs, local syndical) et de l’espace personnel (domicile). La liberté n’est toutefois pas absolue dans les sphères, aussi bien publique que privée. Elle s’exerce dans les limites du respect du principe de l’ordre public, qui n’est pas non plus réductible à la notion de trouble de l’ordre public, bien que cette dernière en fasse partie. Ce titre générique inclut ce que les juristes intitulent les lois impératives. Le respect de ce principe s’impose au citoyen et au chef de l’État. Par séparation radicale entre la sphère publique et la sphère privée, il faut entendre l’autonomie entre ces deux sphères. Chaque sphère ne doit pas s’ingérer dans le fonctionnement de l’autre. C’est pourquoi, c’est un abus de langage que de qualifier par exemple de laïcité, l’anti-religion, voire l’athéisme militant, dans l’ex-URSS. Certes, Lénine avait promulgué, la loi du 23 janvier 1918, relative à la laïcité de l’État soviétique, en s’inspirant de la loi française, du 9 décembre 1905 qui stipulait que tout citoyen est « libre de professer le culte de son choix ou de n’en professer aucun. ». Mais l’implication de l’Église orthodoxe russe aux côtés de la contre-révolution intérieure et les États impérialistes, et les graves menaces qu’ils avaient fait peser sur la survie de la jeune République des Soviets, obligèrent les bolcheviques à déclencher de violentes représailles, contre elle, jusqu’à la soumettre au nouveau pouvoir. Ce qui a signifié la mort de la laïcité dans ce pays, car il fut porté atteinte à la liberté de culte et à l’autonomie du religieux par rapport au pouvoir politique. Bien plus tard, la liberté de culte fut rétablie, mais non l’autonomie du religieux envers les pouvoirs publics. Il en est de même de ce qu’on appelle improprement en Turquie, la laïcité, alors qu’elle s’apparente à la sécularisation qui s’est effectuée à sens unique, puisque la religion est placée sous l’autorité du pouvoir politique. Il s’agit en effet d’une laïcité « bancale », dès la tentative de sa mise en place de fait, en 1923, avec l’abolition du système théocratique, incarné par le califat. Elle a consisté également en la nationalisation des mosquées et des écoles coraniques, de la prise en charge de la formation des imams, et celles des théologiens à la faculté d’Istanbul, ainsi que le contrôle du culte, par la création, en 1924, d’un ministère des Affaires religieuses. L’abrogation, en 1928, dans la Constitution de l’article : « L’islam est religion d’État » n’eut aucun effet pour la rétablir. Dans les années 1970, le pouvoir « laïque » turc enseignera l’islam dans les écoles, comme cela s’est passé dans tous les pays musulmans, croyant couper ainsi l’herbe sous les pieds des islamistes. Aujourd’hui, la « laïcité » en Turquie est à la croisée des chemins avec un président et un gouvernement islamistes, ainsi qu’une Assemblée nationale majoritairement islamiste. Le risque de la dérive vers un État théocratique n’est pas à écarter.

4. La laïcité : un combat démocratique.

La lutte pour la laïcisation de l’État algérien n’est ni une utopie, ni une question, qui doit être posée dans un horizon lointain, dans le meilleur des cas. Nous pensons, au contraire, que ce combat est plus que jamais d’actualité, car la séparation des religions et de l’État en Algérie constitue l’une des options fondamentales pour sortir notre pays de son marasme. La laïcité est une tâche de nature nationale et démocratique, car elle est conforme à l’intérêt de la grande majorité de notre peuple et de notre pays. Elle protège la religion, dimension spirituelle essentielle du musulman, de tous les charlatans. Elle répond en effet à un besoin patent chez certains et latent chez beaucoup d’autres. Ses partisans seront encore bien plus nombreux, lorsqu’ils prendront progressivement conscience des liens étroits entre laïcité et réalisation de plusieurs de leurs aspirations profondes et légitimes, telles que l’élargissement du champ de leurs libertés individuelles et collectives, le droit aux libertés d’expression et de pensée, la libération du carcan de traditions conservatrices étouffantes, l’accès à l’égalité totale en droit et en dignité entre les Algériennes et les Algériens. Ceci d’autant plus, que nous sommes conscients du caractère anachronique, liberticide ou misogyne, de plusieurs lois et pratiques qui régissent notre État et notre société ; et contre lesquelles il nous faut continuer à lutter pour les abroger. Il s’agit avant tout de l’article 2 de la Constitution algérienne qui stipule que : « l’islam est religion d’État », ainsi que de toute loi ou disposition analogues. Car elles sont en contradiction avec la démocratie et le droit moderne qui accordent la liberté de critiquer tous les dogmes, notamment leurs dimensions misogynes et attentatoires aux droits de l’Homme, sans craindre pour sa vie ou sa liberté. Il en est de même du Code de la famille, fondé sur des préceptes de la charia, qui bafoue la dignité et les droits de femmes, et qu’il faut remplacer par des lois civiles. Il faudrait que dans les écoles, le cours d’instruction civique fondé sur la critique des savoirs et l’imprégnation par les valeurs humaines universelles soit inscrit dans le programme scolaire.

5. La laïcité en Algérie : une utopie réaliste.

En dépit de la montée de l‘islamisme politique, ainsi que de la régression partielle et temporaire qu’il a imposée aux peuples et aux États musulmans, nous observons néanmoins, surtout depuis la décolonisation des progrès de la sécularisation dans nos sociétés et nos États. Les deux processus de sécularisation et de modernité entraîneront immanquablement l’allègement croissant du poids des religions, des particularismes nationaux, ethniques ou linguistiques, ainsi que des pouvoirs politiques sur les libertés individuelles, collectives, et sur les choix de vie des femmes et des hommes. Cette évolution est appelée à s’accélérer avec la mondialisation, et la révolution scientifique et technique en cours, surtout pour ce qui est des technologies de la communication et des moyens de transports. Conjugués à d’autres dimensions de cette révolution, ils réduiront davantage les distances entre les pays, entre les continents et les peuples. Ces derniers seront alors incités à partager des valeurs humaines communes, et à faire reculer encore plus leurs préjugés respectifs. Nous ne voyons toutefois aucunement cette évolution, comme un processus uniforme et univoque. Mais comme une tendance, avec ses avances, ses stagnations et ses reculs sur les court et moyen termes, mais avec des progrès inéluctables sur le long terme. Nous sommes également attachés à une conception matérialiste et dialectique de l’évolution des sociétés humaines, à savoir que ce sont les conditions matérielles des Hommes, qui, en dernière analyse, déterminent leurs consciences, cela ne fait pas de nous pour autant les adeptes d’un déterminisme social, qui minore le rôle des êtres humains dans la lutte pour la transformation de leurs conditions d’existence et leur émancipation. L’instauration de la laïcité dans notre pays est une œuvre de longue haleine, les laïques algériens ne doivent pas moins s’atteler, dès aujourd’hui, à en poser les jalons. C’est en tout cas l’une des raisons d’être essentielle de la création du Parti pour la Laïcité et la Démocratie. Vive la République Algérienne Laïque, Démocratique, Moderne et Sociale !

Alger le 5 juillet 2010, Le Bureau National. (publié dans le soir d’Algérie du 13 juillet 2010, dans la Dépêche de Kabylie du 15 juillet 2010, et dans El Watan du 19 juillet 2010)

NB : Toutes les remarques, critiques et enrichissements peuvent être adressés à l’adresse suivante : algerielaique@yahoo.fr


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