TRIBUNE LIBRE : DEMOCRATIE ABSOLUE OU REPUBLIQUE POUR TOUS ?

mardi 12 juillet 2011
par  Gérard Bélorgey
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Le bouillonnement de l’opinion, la richesse des media, le sérieux de la recherche, la floraison des études, enquêtes et débats, en bref, le pluralisme intellectuel et politique qui fait la société française masque que celle-ci, en définitive, reste gouvernée par deux absolutismes idéologiques. Notre régime institutionnel s’est progressivement caricaturé en tombant dans « la démocratie majoritaire présidentialiste absolue ». Elle est en train d’exploser à raison des fractures de la majorité comme de l’opposition et sous les contestations populaires qu’inspirent les effets pervers de la mondialisation, les souffrances sociales et les incapacités publiques à garantir les sécurités des citoyens. L’impérialisme du libre-échange finit de liquider « l’État nation » et « l’État providence » sans qu’ait pu, en contrepartie, se mettre au moins en place une gouvernance mondiale régulatrice. Le « désemploi » va de pair avec la résignation sociale : tout responsable sait que l’on ne peut significativement réduire des inégalités qui sont, en fait, absolument nécessaires à la compétitivité internationale par les prix. Les économies qu’implique la confrontation avec les pays à bas coût de revient s’opposent à sanctuariser des garanties sociales que l’on baptise donc « machines à exclure », comme à maintenir leurs statuts et moyens aux services publics que l’on met donc en accusation. La manière dont est rendue la justice est critiquée, au demeurant de manières opposées, de toutes parts. Les vives lignes de tension - entre composantes ethno culturelles, sexes, générations, familles socio professionnelles, convictions d’avenir – qui parcourent la communauté nationale se reflètent dans les attentes contradictoires des gouvernés auxquels les candidats au pouvoir offrent une palette d’offres politiques de plus en plus diversifiés : autant d’illusions dès lors que des changements clefs ne se font pas jour.

Au regard des offres « low cost » qu’obtient, désormais sur les produits de toutes les gammes, la conjugaison – par des puissances prenant, comme la Chine, revanche sur l’Histoire - de l’oppression politique, du retard social, du mépris environnemental, des hautes capacités capitalistiques et technologiques, ainsi que de la priorité à l’export sur leurs marchés internes, il est clair que les recherches de rééquilibrage explorées par les pays occidentaux sont d’autant moins efficientes que divers puissants intérêts (dans une part de la banque, du négoce, dans l’actionnariat des firmes multinationales) de leurs propres nationaux s’accommodent bien de cet ordre du monde. Sans un « juste échange » mondial – à bâtir plus sur des protections commerciales raisonnables que sur de seules dispositions monétaires et financières – une stricte politique néo libérale, non loin sur le fond de celle que conduit le gouvernement en place - reste la seule possible, sans que ses rigueurs puissent, dans une économie ouverte, empêcher le déclin inéluctable des niveaux de vie du plus grand nombre. La gauche européiste n’a jamais voulu admettre ou a toujours camouflé que la libre mise en communication des marchés de sociétés très hétérogènes cantonnait étroitement ses ambitions de correction des injustices. La droite aux affaires ne veut pas voir que la protection envers les dumpings serait plus décisive qu’envers les migrants. Son parti pris en faveur de l’investissement privé lui fait méconnaître aussi que seuls certains mécanismes d’économie mixte pourraient permettre d’assurer de front un minimum de précautions sociales et la réduction de l’endettement public et privé externe, ce qui est bien la condition d’une indépendance indispensable pour ne pas dépendre des prêteurs mondiaux qui sont aussi d’impitoyables concurrents commerciaux.

Le refus de la culture de compromis est le fruit de la logique d’affrontement de notre régime fondé sur l’addition des scrutins majoritaires et sur la confusion des pouvoirs. Il est à bout de souffle et de légitimité. La démocratie semi directe, par l’élection du chef de l’État et par l’emploi, à restaurer, du referendum peut rendre du souffle ; la légitimité ne se trouvera que dans la coopération de deux pouvoirs effectivement séparés et s’équilibrant. C’est ce qu’assurerait le passage du régime « présidentialiste » à un régime « présidentiel », qui serait bien plus respectueux du Parlement. En ayant pour exécutif unifié, ne pouvant être renversé, un Président de la République cessant d’être un chef de parti pour exprimer l’unité de la nation, ce serait le seul modèle compatible avec, pour exprimer le pluralisme de la société, l’élection de l’Assemblée à la représentation proportionnelle. L’absence de bloc de majorité qui en résulterait est en effet souhaitable, comme au Sénat, pour obliger enfin les diverses formations non extrémistes à des recherches de convergences pour le vote des lois et des budgets en trouvant des lignes d’accord avec la Présidence. Ce n’est pas la quatrième république, parce que tel régime, s’il impose – c’est le but - des coalitions parlementaires, n’est pas sous risque d’instabilité de l’exécutif. Et il n’y aurait pas de risque de blocage de type américain dès lors qu’en cas de fortes divergences non résolues entre pouvoirs, il serait prévu que chacun d’entre eux puisse déclencher un referendum d’arbitrage. La campagne présidentielle pourrait-elle être une bonne circonstance où poser ces questions ? Un chemin à ouvrir pour tenter de passer de « la démocratie absolue » à « la république pour tous ».

Le blog de Gérard Bélorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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