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SEULE LA PAROLE MILITANTE N’EST PAS INCESTUEUSE

mercredi 28 septembre 2011
par  Jacques Broda
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Nous sommes passés du temps de l’exploitation (les trente glorieuses, 1974), au temps de l’exclusion (chômage masssif, 1995), à celui de l’extermination (destruction des services publics, 2007). Les trois procédures se chevauchent, s’intriquent, se contredisent dans une souffrance sociale indicible. Une véritable détresse. Dans son dernier ouvrage, Monique Schneider, psychanalyste, parle du ’nebenmensch’, chez Freud, celui, celle, qui peut entendre, le cri, l’angoisse, l’effroi, du nourrisson, de l’enfant, il l’interprète, passe du besoin au désir, par la parole (1).

Opérateur magique du lien social, l’autre, ici figure bienveillante, autorise l’homonisation et l’humanisation. En irait-il de même pour le Parti Communiste, le Front de Gauche, lieux possibles d’une écoute, d’une interprétation, d’une traduction politique de besoins en désirs, et d’une mise en forme par la vraie parole de lutte ?

Si oui, il y a urgence à resignifier notre combat dans le champ de l’éthique et de l’extermination. Face à la plongée, au gouffre abyssal dans lesquels se trouvent des millions de personnes, il y a urgence non seulement à entendre le cri, fut-il etouffé dans leur gorge, l’appel à ne pas mourir. Ce cri est muet ; il peut prendre des formes paradoxales, dépressives, mélancoliques, haineuses, dans la torsion du désir.

Désigner la cause du malheur, et projeter l’objet du bonheur possible, désigne le travail du politique, d’une politique de l’énonciation. Cette politique s’appuie sur les forces vives, et sur les forces en souffrances, non pas comme boulet, poids mort assistanciel, mais comme braises, où la souffrance est cause du savoir. Il y a ici un gisement, une humanité de possibles pas encore complètement détruits par les ravages de l’exploitation, l’exclusion, la maladie, le désespoir...

Les politiques d’assistances ne sont pas une assistance politique, où l’on déverserait un discours populiste (fut-il de gauche) à des populations placées de fait en position d’infériorité sociale et politique. La conquête de la dignité réside dans la re-connaissance de la dignité. Pour travailler depuis vingt ans dans les quartiers populaires de Marseille, je peux témoigner des trésors d’inventivité, de résistances, de générosités ; le sauvetage déploie l’humain dans l’intime du geste, du regard, du sourire, de la parole, de l’action. Avoir résisté à quarante ans de casse sociale, de racisme, de mépris, de haines forge le caractère de millions de personnes, de jeunes issus du l’extermination.

A l’inverse, à l’opposé, le populisme exerce des ravages inouïs, de l’absence d’organisation de classe, d’identités de classe, de luttes de classes. Aujourd’hui la lutte de classes se mène dans la classe.

Un espoir se lève, à gauche, il deviendra réalité dans sa rupture intransigeante avec tous les populismes, ne pas éviter la confrontation, en appeler à la responsabilité et re-connaitre le travail de la pensée, de l’organisation, des élus. Ré-affilier l’histoire du mouvement ouvrier et du mouvement social, dans le savoir des luttes. Etres sujets historiques, c’est connaître, et reconnaitre une forme de dette symbolique à l’égard des formes historiques et politiques de nos droits conquis. Effacer cet héritage, cette connaissance consubstantielle au genre humain est déréalisant, déshumanisant. Révisionniste et négationniste le populisme fait de chacun le reflet de lui-même, il coupe la filiation à la racine de l’être.

Nier la filiation, l’engendrement, comme essences même de la subjectivité, émergence vitale de l’autre est mortifère. Seule la parole militante n’est pas incestueuse.

Bannir le ’je’ du discours politique, insuffler le ’nous’ comme émergence d’une parole collective, en train de se construire, telle est la mission du Front de Gauche. Le programme certes, co-construit, co-élaboré, doit créer une connivence avec ceux à qui il s’adresse, créer un ’nous de lutte’, non pas un ’nous imaginaire’, vaste rassemblement informe, qui tairait et tuerait la lutte des classes, pour faire consensus, fausse homogénéité par le bas de l’utopie naissante. Un ’nous symbolique’,

"L’idéologie interpelle l’individu en tant que sujet", souligne Louis Althusser. Il alerte sur toute dérive narcissique du discours politico-médiatique. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, et forçons le sujet comme être de désir et d’action, le sujet collectif. Revendiquons le, comme le ’nous’ du sujet historique, à même d’inverser le cours d’une histoire où l’extermination sociale frappe les tympans percés de beaucoup.

(1)Schneider, M ; "La détresse aux sources de l’éthique", Paris, Seuil, 2011


Commentaires

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dimanche 16 octobre 2011 à 11h26 - par  Debra

A 55 ans, J’ai traversé un certain nombre d’engagements dans les idéologies.
Seule la parole militante n’est pas incestueuse ??
Et ben... depuis le temps que les idéologies (libérale/communiste/psychanalytique) s’inspirant de notre héritage judéochrétien s’attaquent à LA FAMILLE, on commence à en avoir un peu marre.
Marre de l’incessante insatisfaction qui fait rechercher les lendemains qui chantent, et la prochaine UTOPIE en prêchant LE SALUT. (Songez un peu.. pour être sauvé, il faut d’abord être PERDU.)
A croire que le Christ, qui dans un moment délicat a affirmé que son royaume n’était pas de ce monde, est mort en vain.
Un peu de capacité de trouver le bonheur LA OU ON EST dans ce bas monde pourrait faire perdre le moteur de ces utopies, qui marchent main dans la main avec.. LA CROISSANCE (et le progrès...) aussi.
Ne supposez pas que je défends notre héritage/modèle judéo chrétien COMME UTOPIE non plus.
Ni que je suis une nihiliste mélancolique.
Non, je dis bien, comment faire pour SE CONTENTER DE CE QU’ON EST/A dans ce bas monde ?
Là me semble la question.
Et de grâce, svp, laissons l’inceste en dehors de ce problème.
Il a déjà trop servi les causes idéologiques...
Il n’y a pas que le discours RELIGIEUX qui fait de la morale...
Je vous réfère aux derniers livres d’Ivan Illich pour un plus ample traitement de ces questions ("La Corruption du meilleur engendre le pire", par exemple).

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vendredi 7 octobre 2011 à 16h59 - par  Damien Cru

Merci à Jacques Broda pour cet article (et d’autres avant et ailleurs). Articuler le sujet au politique sans écrabouiller ni l’un ni l’autre, ne pas nier la souffrance mais retourner la question de ce que l’on en fait, écrire si bien, "la souffrance, cause de savoir", autant d’actes importants aujourd’hui, des actes courageux et contagieux. L’expérience le prouve. Peut-être au Front de Gauche, en tout cas au travail, au syndicat et ailleurs.

Courageux parce qu’ils ne vont pas de soi, et même à rebrousse poil d’une ambiance qui s’accommode de l’insatisfaction, d’un Mélanchon ou d’une direction confédérale. Mais pour peu que l’on ose, que l’on n’ait pas (trop) peur du débat, des conflits, la contagion gagne et nous retrouvons la joie parfois, de ne plus être seuls ou entre soi, pour parler, pour penser.
La lecture de Broda me remet dans cette dimension de contagion joyeuse car combattante. Une éthique du combat, d’un combat de proximité, où l’on risque d’y laisser quelque chose, quelques plumes.

A plus, l’ami, à plus les amis, les camarades.

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