https://www.traditionrolex.com/18 COMME UNE LETTRE A LA POSTE - La Gauche Cactus

COMME UNE LETTRE A LA POSTE

mardi 6 décembre 2011
par  Olivier Cabanel
popularité : 31%

L’entreprise nationale file-t-elle un mauvais coton, abandonnant son statut de service public, pour devenir une entreprise qui se doit d’être rentable, à n’importe quel prix ? Ce n’est pas anodin, car ce serait oublier que La Poste est, avec ses 236 930 employés, la 2ème entreprise de France. C’est à Jean Paul Bailly, son président, que le gouvernement a confié sa transformation en société anonyme en 2010, puis l’ouverture au capital en 2011. Bien sur le gouvernement affirme n’avoir fait que respecter l’ouverture à la concurrence voulue par l’Union Européenne, ce qui reste à prouver. En effet, Christian Estrosi a tort lorsqu’il affirme que le changement de statut de la poste est une « obligation européenne » : ce n’est pas une obligation, mais une décision politique et industrielle prise par le Gouvernement et la direction de la Poste.

Pour la petite histoire, c’est par un subtil et habile processus que « la Poste » est devenue ce qu’elle est. Nous sommes bien loin de l’époque, au 17ème siècle, où le port était payé par le destinataire, et où cette vieille institution était dirigée par un « surintendant général des postes ». En 1987, Gérard Longuet, son ministre, introduit par décret la concurrence dans le domaine des cabines téléphoniques, de la télévision par câble, des services téléphoniques et du radiotéléphone. Puis en avril 1989, le socialiste Hubert Prévot, ancien secrétaire confédéral de la CFDT remet un pré-rapport à Paul Quilès, affirmant : « un service public à vocation industrielle et commerciale ne peut ignorer les lois du marché ». Au mois d’août suivant, il produit son rapport définitif, lequel propose de séparer la Poste et France Télécom, ouvrant la porte à la modification du statut des 435 000 agents PTT. Le 15 décembre 1997 la commission européenne adopte la directive 97/67/CE qui a ouvert le marché postal à l’Union Européenne, mais ça ne concernait que le courrier de plus de 500 grammes. Puis le 10 juin 2002, la directive postale 2002/39/CE, ouvre le marché postal à la concurrence pour le courrier de plus de 100 gr (dont le prix est supérieur à 3 fois le tarif public) et, à partir du 1 janvier 2006, pour le courrier de plus de 50 gr (dont le prix est supérieur à 2 fois ½ le tarif public) et enfin, la directive a prévu au 1 janvier 2009 l’achèvement du marché intérieur des services postaux. Cette vieille institution créée sous Louis XI est enfin devenue une S.A. (société anonyme) le 1 mars 2010, et en 2012 ce sera l’ouverture totale du marché pour les états membres ayant eu recours à la période de transition, donc pour la France, à moins que l’élection française ne mette en place une femme ou un homme courageux qui dise non à cette logique de rentabilité.

On se souvient qu’en 2008, le PS (et d’autres) refusait cette privatisation, mais qu’en dira Hollande en 2012 ? En tout cas, dans toute l’Europe, les mêmes causes produisent les mêmes effets, et de l’Italie, à l’Allemagne, en passant par la Belgique, l’Angleterre, et d’autres, on réduit les effectifs à tour de bras. Et puis les Banques sont monté au créneau, évoquant le danger d’atteinte à la concurrence crée par la nouvelle Banque Postale (lien) obtenant la fin du monopole sur le livret A. « Le Post » à lancé un sondage pour connaitre le sentiment des citoyens sur ces changements. A la question « une directive sur la libéralisation des postes en Europe a été adoptée par le parlement européen. Bientôt des entreprises privées dans le secteur. Qu’en pensez-vous ? » Aux dernières nouvelles ils seraient 57% à penser que « la commission européenne pratique une politique de destruction des emplois par une privatisation sur le secteur public, sans aucune possibilité de s’y opposer », 28,6% à affirmer que « la déréglementation sera synonyme de hausse de prix », et seulement 14,3% à estimer que « les monopoles doivent disparaitre au profit du secteur privé pour optimiser la qualité ».

Même si Attac est monté au créneau, même si 2,3 millions de français ont signé des pétitions, réclamant un référendum, et que des députés s’indignent en haut lieu, l’avis du citoyen compte peu, et la décision fut prise : la Poste serait privatisée, provoquant la détresse de nombreuses communes. En effet, pour arriver à ses fins, Jean Paul Bailly a incité les directeurs régionaux d’agence de postes à fermer régulièrement les petites agences, poussant les communes à accepter de gérer ce lieu, leur octroyant une aide limitée, qui ne permette pas d’ouvrir tous les jours, et qui assure ainsi une rentabilité à l’entreprise. En même temps, Bailly a responsabilisé les directeurs d’agence en leur disant : vous n’êtes plus receveurs, dirigeant une agence postale, mais vous êtes devenus les patrons d’une micro entreprise, et vous êtes tenus à une obligation de résultats, comme tout chef d’entreprise : en cas de résultats, vous en récolterez les fruits. On le voit, la mission de service public, n’est plus à l’ordre du jour, puisque Bailly est préoccupé par le seul souci de la rentabilité et ce n’est pas étonnant que La Poste affiche un résultat positif net de 789 millions d’euros.

Mais la réduction des effectifs, rabotés en 2010 de 11 700 agents, aggravant fatalement le chômage, la précarité, plombent la croissance, puisque que le postier, privé de revenus, consomme fatalement moins. Et que se passera-t-il le jour probable ou Bailly décidera de ne plus verser cette contribution aux petites villes et villages ? La mairie aura un choix cruel : fermer la poste, ou payer à sa place. Mais un service public a-t-il mission d’être rentable ? Une école, une prison, un hôpital, une gendarmerie se doivent-ils d’être rentables ? Aurons-nous un jour un commissariat poussé au rendement, qui va verbaliser à tous vents pour pouvoir payer le salaire de ces « aubergines » ? On connait les suicides à France Telecom, mais rares sont ceux qui entendent parler des suicides à « la Poste ». En effet, devant le stress imposé aux employés de la Poste, ils sont de plus en plus nombreux à perdre les pédales, la santé, voire la vie. 2 suicides en 8 jours, c’est la réalité d’aujourd’hui, les disparus ayant clairement dénoncé leur souffrance au travail, et, comble de dérision, l’ont fait par courrier. La Poste rendrait-elle ses employés timbrés ?

A l’instar de Corinne Py, postière CDI en Isère depuis 16 ans qui, prenant une « année sabbatique », pour retrouver une maman qui vivait au Québec et qu’elle avait perdu de vue depuis l’enfance, dut retourner précipitamment en France, se retrouvant à la rue, sans droits sociaux, sans revenus, sans emploi, et ceci depuis bientôt 3 mois, toutes ses tentatives de réintégration anticipée ayant échoué à ce jour. La psychiatre Brigitte Font le Bert reçoit des employés de la poste et dit entendre dans ses consultations « souffrance et travail » des mots identiques à ceux qu’évoquent les employés de France Télécom. Comme l’écrit Laura Raim dans les colonnes de « l’Expansion », la Poste est victime du syndrome « France Telecom » : le syndicat des médecins de la poste, y évoque : « un épuisement physique ou psychique et une très forte augmentation des accidents de travail ». Depuis le 18 octobre, une vingtaine de facteurs indignés ont installé des tentes devant la direction départementale de La Poste, à Grenoble. Ils contestent « une logique ultra libérale, où les réductions des coûts et les suppressions d’emplois sont l’alpha et l’oméga de toute politique ». Jean Paul Bailly, qui se fait un champion du dialogue social, joue les autistes, et se déclare choqué de telles accusations.

Mais qui est donc Jean Paul Bailly ? Ce polytechnicien chiraquien, diplômé du MIT de Cambridge, accumule les casquettes et aura passé toute sa carrière dans le service public. Ancien PDG de la RATP, il se retrouve propulsé à « La Poste » pour mettre en place les choix gouvernementaux. Hélas pour lui, fin 2010, âgé de 64 ans, il ne pouvait plus postuler à ce poste sans enfreindre la loi, ayant bientôt atteint l’âge de la retraite. C’était sans compter sur la volonté de l’autocrate présidentiel qui ira jusqu’à promulguer un décret, pour permettre le renouvellement de son mandat. Et le cumul des mandats ne lui fait pas peur : lors du conseil des ministres du 27 octobre 2010, il a été nommé membre du CESE (conseil économique, social et environnemental), mais il est aussi administrateur aux CNP assurances, président du conseil de surveillance de la Banque Postale Asset Management, membre du comité de nomination rémunération, du conseil d’administration de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix en Provence, du comité pour l’éthique, l’environnement, et le développement durable de GDF Suez, administrateur du groupe Accord, de Sopassure, d’Edenred, de Xelian, SF12, Poste Immo, Sofipost, Géopost, président de l’association « entreprise & personnel ». Comme on le voit, le chômage ne frappe pas tous les français de la même façon. Car comme dit mon vieil ami africain : « une pirogue n’est jamais trop grande pour chavirer ». Merci à Corinne Py pour sa collaboration et son témoignage.


Commentaires

Brèves

22 septembre 2011 - Manifeste contre le dépouillement de l’école

A lire voire signer sur http://ecole.depouillee.free.fr Nous, collectif contre le (...)

20 avril 2010 - NON AUX RETOURS FORCES VERS L’AFGHANISTAN

A la suite du démantèlement du camp principal de Calais, le 22 septembre dernier, où résidaient (...)

31 juillet 2009 - PETITION POUR L’HOPITAL PUBLIC, A SIGNER ET FAIRE SIGNER

la pétition de défense de l’hôpital public, à faire signer au plus grand nombre possible (...)
https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18