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NI GERMANOLATRIE, NI GERMANOPHOBIE, MAIS COMMENT FAIRE BOUGER MERKEL ?

jeudi 29 décembre 2011
par  Gérard Bélorgey
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La "germanophobie" que certains bien à tort, croient déceler, en y trouvant prétexte pour enfoncer le clou d’une campagne contre Montebourg et Hollande, pourrait bien être comprise comme l’écho inversé de la "germanolâtrie" dont le pouvoir, et d’autres, font religion. Prospérant largement au delà de la droite, la "germanolâtrie" est l’idolâtrie d’une Allemagne capitaliste libérale ayant su profiter de la zone euro. Sans cesse, de partout, le modèle allemand est loué comme le meilleur exemple de gestion d’une économie et d’une société. Un président de la République française a invité ses concitoyens à s’y conformer ; des seconds couteaux se relaient en permanence pour en faire les louanges et des harkas de journalistes ne cessent d’en montrer des sélections d’images et des résultats (pas tous) pour nous inviter à "faire comme les allemands". C’est d’emblée nous mettre, on y reviendra, à merci de leurs positions dans les négociations : dans la gueule du loup, avec pour ambition d’être le bon second de la meute.

Cette invitation qui porte quelques mauvais relents des années trente et quarante est une forme de détestation des Français qui sont dénigrés ; (comme ils le furent par les "Ligues" d’autrefois ), un appel à renier une part de notre culture exprimant le mépris pour ce que nous avons réussi à assurer de positif dans notre type de société et ne s’embarrassant pas de ce que nous risquons en la jetant aux orties, puisqu’on ne nous cache même plus que ce qu’il faut boucher c’est, à n’importe quel prix, "le trou de la sécurité sociale" . Cette germanolâtrie est une injure à nos concitoyens : elle demande à reconnaître, et sans barguigner, dans l’Allemagne une société exigeante mais bonne sur laquelle s’aligner. La germanolâtrie ne respecte pas la France ; elle est bien sœur de la germanophobie : une posture qui ne respecterait pas le peuple allemand, en invitant à détester l’Allemagne. Or il n’y a rien de germanophobe dans une juste critique portée sur d’intraitables et inadmissibles positions de l’actuel gouvernement de la RFA.

Il faut bien distinguer le regard d’estime à porter sur un peuple et le jugement qu’appelle son pouvoir d’un moment. Depuis l’écrasement des révolutions succédant à la première guerre mondiale, en passant par les terreurs puis l’anesthésie, la tétanisation collective par lesquelles le nazisme a pu faire des robots de tant d’honnêtes gens, jusqu’aux victoires alliées qui n’ont pas été obtenues sans un nombre considérable de victimes civiles, puis avec des occupations dures ayant engendré bien des détresses, avant que les alliés n’aident à se tirer d’une misère souvent inouïe des populations ayant, dans les ruines, démontré un courage remarquable, les Allemands ont fait preuve de capacités exemplaires incluant, à grand prix, d’assumer les coûts de la réunification. Mais la chute du mur et celle du communisme (dont la disparition a permis au capitalisme de penser qu’il ne risquait plus rien et pouvait tout faire) ont ouvert - à la faveur en même temps de la fin de l’isolement de la Chine - un monde de concurrences sans règles et sans limites.

L’Allemagne a su bien y jouer, mieux que d’autres, ses propres cartes : par ses talents propres enracinés dans une culture du "savoir bien faire" et du "devoir d’obéir ", et aussi, très largement, parce que l’Union Européenne a été de plus en plus conçue et pilotée d’une manière si déséquilibrée entre développement des libéralisations économiques et insuffisance des contrepoids et contrôles démocratiques, que la main est forcément passée, après des périodes de flottement, à ceux qu’ont servi les atouts de faire prendre le niveau de leur monnaie pour celui de la monnaie partagée, d’avoir un type d’industries pouvant s’accommoder mieux que d’autres du libre-échange, et de préférer les arbitrages des banques à ceux d’une autorité politique qui aurait pu être régulatrice des échanges, des crédits et des marchés. Et c’est ainsi que Maastricht, puis Amsterdam, puis Lisbonne furent vendus à des responsables français soit convaincus par les nouvelles valeurs du libéralisme, soit inconscients des risques qu’ils faisaient prendre à notre communauté.

Ceux de ces responsables qui sont au pouvoir en sont venus à la double adoration de l’intouchable euro et de l’exemple allemand, et ces adorations désarment la France. En effet - en ne laissant même pas imaginer à nos interlocuteurs qu’il puisse advenir des circonstances ou nous (et d’autres) préférerions sortir de l’euro plutôt que se soumettre à des diktats - on se prive de pouvoir mettre notre partenaire au pied du mur. Or, au contraire, le langage à tenir - celui d’un rapport de forces, le seul que peut entendre l’interlocutrice et son entourage - est le suivant : ou bien l’Allemagne consent aux demandes d’assouplissement de politique monétaire, de réforme de la BCE et de partielle mutualisation d’émission de titres d’emprunts d’État (la contrepartie bien normale des avantages qu’elle a tirés de la Zone) ; ou bien il faut imaginer que la France - et d’autres - ne voit plus d’intérêt à rester dans cette zone euro. Or sans celle-ci - qui n’y survivrait pas - l’Allemagne serait conduite à assumer un isolement de monnaie encore plus renforcée, en perdant bien des avantages d’être centre de gravité de l’ensemble européen. Elle devrait donc plutôt entendre ceux qui demandent un fonctionnement plus solidaire de l’Europe et sa protection contre l’extérieur que d’envisager de faire cavalier seul, d’autant qu’elle n’a pas la solidité qu’on lui prête.

Le succès actuel de la RFA - essentiellement en matière de commerce extérieur et, à proportion, en matière d’emploi, mais tournant le dos au progrès du marché intérieur et des conditions de vie - a pour origine les grandes réformes des sociaux-démocrates (les lois Hartz) ayant mis en place flexibilité et précarisation des contrats de travail et réduction des allocations des chômeurs obligeant ceux-ci à reprendre emploi quel qu’il soit - réductions de coûts qui ont donné un avantage relatif appréciable à l’Allemagne dans les échanges intra européens - puis a été favorisé par la fiscalité ciselée par la coalition d’A. Merkel pesant largement sur tous les contribuables, et favorable, par ailleurs, aux investisseurs ainsi qu’aux entreprises. Enfin (comme nous l’avons déjà indiqué sur ce site), le suréquilibre des comptes commerciaux tient notamment à des importations faites avec le bénéfice d’un euro fort nourrissant en particulier la position charnière d’activités de montage dont les produits finis de haute gamme sont vendus hors compétition prix . Ces niveaux d’activité autorisent des assiettes fiscales convenables pour les recettes publiques, ce qui permet le faible apparent déficit public allemand (tandis que nos insuffisances de croissance, unies à nos évasions ou fraudes considérables envers les impôts, et aux réductions bien inopportunes de ceux-ci sont les causes majeures des trous de nos finances publiques).

Mais, avec les plans d’austérité généralisés, la diminution des demandes de ses clientèles va toucher l’Allemagne dans son niveau d’activité , comme dans ses recettes fiscales et cette donnée conjoncturelle va se télescoper avec des problèmes structurels qui la fragilisent : une démographie déclinante et vieillissante qui diminue aussi les recettes et fera exploser les coûts de la sécurité sociale et de l’assurance maladie ; un endettement cumulé des collectivités publiques et des ménages qui est globalement un des plus lourds d’Europe et sur lequel pèse le doute d’un redressement un jour de comptes publics que certains estiment "truqués" (1) : "les dizaines de milliards déboursés , après le choc de 2008, pour relancer l’économie et sauver le secteur financier auraient été logés dans un fonds spécial qui a contribué à faire grossir la dette , mais qui n’est pas pris en compte dans le déficit public". Enfin, comme l’indique le constat d’un défaut récent de couverture d’une émission de titres du Bund, montrant que l’Allemagne va, sans doute, devoir consentir, elle aussi, des taux d’intérêt plus élevés au regard d’une certaine réserve des souscripteurs, la RFA "a des fondamentaux solides, mais pas inébranlables" (2). Cette équation plus nuancée qu’on ne le pense souvent doit permettre - si l’on cesse de se désarmer et par notre germanolâtrie, et par l’exclusion de toute hypothèse de "négociation musclée" (oui, Emmanuel Todd a raison, c’est la seule qui peut marcher) - de faire bouger la position des dirigeants allemands et, par là, de chercher à faire évoluer l’Europe, plutôt que d’être un jour contraint à l’abandonner.

(1) comme l’indique un article en date du 19/11/11 in Le Monde de ses correspondants à Berlin et reprenant les propos d’un analyste de Natixis.

(2) in Le monde du 24/11/11.

Le blog de Gérard Bélorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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