EUROPE ET DOM-TOM
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EUROPE ET DOM-TOM
Par Pascal Basse et Jean-Claude Soupramanien
S’ il a fallu attendre le début du XXi° siecle pour que l’on reconnaisse enfin aux départements d’outre-mer français la pleine égalité sociale, c’est vers la recherche de l’égalité économique que tous les efforts se doivent désormais de converger.Pour atteindre cet objectif, l’outre-mer doit pouvoir continuer de bénéficier de l’ensemble des dispositifs nationaux et européens qui permettent de rattraper ses retards de développement et de pallier à ses handicaps structurels. Le projet de traité de constitution européenne ne l’engage malheureusement pas dans cette voie. Pire, il risque même de constituer un recul sans précédent pour l’outre-mer en fragilisant l’ensemble des dispositifs qui lui permettent de réduire ses retards, d’atténuer ses handicaps structurels et de renforcer ainsi les bases de son développement. La transformation de l’article 299.2 du traité d’Amsterdam en article III.330 du projet de traité n’est pas sans conséquences sur le fond : jusqu’à présent la possibilité, pour les sept Régions ultrapériphériques européennes (RUP,à savoir Açores, Canaries,Madère, Guyane, Martinique, Guadeloupe et Réunion), de bénéficier de "mesures spécifiques", et donc dérogatoires, concernant l’application des politiques communautaires, dépendait d’un vote du conseil à la majorité qualifiée. Le projet de traité de constitution européenne, qui passe à la trappe la notion même de "mesures spécifiques", entend soumettre les politiques douanières, commerciales,fiscales, les conditions d’accès aux fonds structurels (aides aux régions en retard de développement), à un vote du conseil à l’unanimité.Au sein du conseil, les pays membres concernés par la défense des intérêts des RUP sont au nombre de trois(France, Espagne, Portugal) sur 25 pour l’instant, sur 27 bientôt...Le rapport de force parle de lui-même. En outre, en subordonnant toute mesure en direction de l’outre-mer à la règle de l’unanimité, le projet de traité "constitutionnel" est , dans le contexte de l’élargissement, source de tensions budgétaires accrues entre les différentes régions éligibles à l’objectif 1 (régions en retard de développement, dont le pib par habitant est inférieur à 75% de celui de la moyenne communautaire), notamment entre la plupart des régions des dix nouveaux états membres d’Europe centrale et orientale et les sept RUP. Véritable clé de voûte du projet de traité constitutionnel, le principe de "la libre concurrence non faussée", menace la fragile cohésion sociale de l’ensemble de l’outre-mer. Le projet de traité ne place le principe de service public ni dans ses " valeurs" (I.2) ni dans ses "objectifs"(I.3). Son ersatz, les " services d’intérêt économique général", n’est conçu que comme une dérogation juste tolérable à la libre concurrence.Toute perspective de rattrapage en outre-mer du niveau et des moyens des services publics métropolitains parait désormais illusoire. En outre, si le projet de traité n’évoque jamais le principe de préférence communautaire en matière d’agriculture et de pêche, le dogme de la "libre concurrence non faussée" suppose l’application pure et simple de la loi du marché, laquelle, en favorisant les importations à bas coûts, fait peser de lourdes menaces sur les productions agricoles d’outre-mer subventionnées jusque là par la PAC. Il y aurait beaucoup à dire sur le projet de traité "constitutionnel" et son application en outre-mer.Il tend pour l’essentiel à limiter les dispositions concernant l’outre-mer à celles relevant du droit commun à toutes les régions de l’Union Européenne, ce qui ne permet pas de réunir les conditions d’un développement qui prenne réellement en compte l’ensemble des problématiques auxquelles sont confrontés ces espaces.Dans des espaces ultramarins,où la cohésion sociale et le développement économique restent fragiles, le projet de traité "constitutionnel" suscite de réelles inquiétudes et rend l’avenir de plus en plus incertain.
Jean-Claude Soupramanien est secrétaire fédéral du MRC Réunion, Pascal Basse est délégué national du MRC à l’outre-mer
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