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QUEL PRESIDENT, ET POUR QUELLE REPUBLIQUE ?

lundi 30 avril 2012
par  Gérard Bélorgey
popularité : 57%

Avant de dégager ceux des points du premier tour de scrutin qui commandent à très court et à plus long terme l’avenir politique français, il est capital de marquer les dominantes de cette consultation. C’est un scrutin révélant une volonté populaire (cette importante participation que n’avaient su pressentir ni les médias, ni les sondeurs, ce qui atteste bien de la difficulté de la classe politique de ressentir l’état des sensibilités du pays) de se mobiliser largement pour exprimer des rejets et, pour le moins, des réserves et des désenchantements : rejet à un titre ou un autre, justifié ou non, du président sortant ( ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut rebondir) ; rejet par tout le monde du « capitalisme financier » (sans qu’on sache bien ce qu’il y a derrière ces mots, ni par quoi le remplacer) ; clair rejet par un tiers au moins de l’électorat de l’euromondialisation qui totalise contre elle les électorats de l’extrême gauche, du FG, de DLR, du FN ; absence de succès des candidats les plus europhiles (Bayrou, Joly) ; grande réserve de la campagne sur les thèmes positifs européens ; et pour le moins appréciation critique de l’Europe par les partis de gouvernement eux-mêmes (et promoteurs du traité de Lisbonne !) , puisque le leader du parti sortant a longuement énoncé tout ce qu’il n’a pas réussi à faire dans l’U.E. et que le favori a indiqué qu’il fallait en renégocier certains aspects. Encore qu’il faille noter que le plus conformiste de tous en matière européenne, n’ayant pas fait de grands pas dans le sens des changements nécessaires de principes (sur la précaution au lieu de l’ouverture commerciale ; sur le rôle de la BCE vis à vis des États) est F. Hollande et qu’il pourrait encore payer bien cher cette part d’immobilisme…

Cette soirée de scrutin a aussi bien mis une fois de plus à jour le paradoxe entre de grandes convergences d’opinions et une France en morceaux. Les convergences sont faites des défiances à l’égard du système mondial de globalisation financière et de libéralisation des échanges, faites également d’appréciations critiques ou colériques envers ceux qui malmènent la France, comportent enfin ce tronc commun d’appels à moins d’injustices et à plus de morale collective. Pour autant, elle est néanmoins vive la confrontation entre les manifestations de joie lepeniste (pour une razzia électorale sans butin politique… à moins que…) et , derrière les apparences, ces inquiétudes réelles - pour leur sort et sur le fond – que ressentent les deux camps en bien incertaine compétition, et la confrontation aussi entre les "rassurismes" des finalistes avec ces grandes tristesses de ceux (écologistes, gaullistes, militants de gauche) qui ne sont pas parvenus à faire entendre assez leurs messages. Quelle peut être alors le bénéficiaire au second tour (et ensuite…) de ces rejets, réserves, désenchantements et explosions ?

Les éléments plus précisément porteurs de ce premier tour de l’élection présidentielle sont de portées inégales. Le premier est l’effacement du centre incarné par François Bayrou : non seulement parce que celui-ci n’a pas su faire ( ni aller au bout de la logique institutionnelle qui, pour casser la bipolarisation, aurait dû le conduire à soutenir le passage au régime présidentiel et à la répartition proportionnelle, ni rendre crédible la manière dont produire français sans changer d’Europe et celle dont faire des économies sans remettre en cause notre modèle social), mais surtout parce ce qu’il n’y avait plus de place au centre dès lors que la candidature de François Hollande occupait largement un terrain plus central que socialiste. C’est bien pourquoi d’ailleurs le second élément significatif du scrutin est la réapparition restant un peu trop cantonnée mais significative d’une force de gauche proprement dite triplement caractérisée par des positions de société, des ambitions sociales et par le rejet de l’euromondialisation. Ce rejet de l’euromondialisation est lui-même (avec quelques variantes) partagé d’une part avec le Front National, d’autre part avec Debout la République. Le premier a été plus couronné de succès que le Front de Gauche parce qu’il a mobilisé la démagogie contre l’immigration ; DLR a percé au niveau national selon des thèmes qui n’en font pas une pensée de droite, mais un héritage du gaullisme de gauche ce que valide, à nos yeux, le très digne refus de N. Dupont Aignan d’appeler pour l’un ou l’autre des finalistes, facteur qui n’est pas négligeable puisque les choix de ce petit électorat peuvent être un apport décisif d’arbitrage dans une équation nationale évidemment incertaine.

De fait, la grande constante politique française ( certes dans les diversités) que fait une nouvelle fois apparaître ce scrutin est un rapport national de forces très serrées entre la propension à droite (qui a, comme toujours, l’avantage arithmétique si l’on totalise les électorats de Sarkozy, de Le Pen et une part de celui de Bayrou) et la propension à gauche qui ne progresse pas, si bien que voir apparaître un président socialiste dans une France où la majorité est détenue de peu, mais arithmétiquement détenue, par les droites tiendrait d’un miracle dont l’explication simple reste une division toujours récurrente et tenace entre ces droites. Mais, cinquième point, le score du FN - parce que ce mouvement est le seul mouvement qui se soit le plus clairement et frontalement opposé à tous les aspects de l’euromondialisation - est bien l’élément majeur du jour et qui peut annoncer une recomposition des droites .

Il est évident que peu de choses en politique intérieure, en réactivité psychologique, en affects fondamentaux, séparent en fait aujourd’hui la droite sarkozyste du Front National, tandis que le réel fossé fossé qui existe entre eux est constitué par leurs manières totalement différentes de ressentir l’Europe. Malgré ce fossé, la clientèle lepéniste, à notre sens, va être portée à se déplacer très largement en faveur de Nicolas Sarkozy en ce que celui-ci s’oppose à la sensibilité de gauche honnie par un électorat hyper droitier pour une large part sincèrement convaincu d’être victime des politiques n’ayant pas su préserver la préférence et l’"identité" nationales. Et cet électorat va largement oublier l’engagement libéral international du Président candidat. Celui-ci , au galop, va savoir d’une part agiter tant de peurs pour faire craindre aux Français des destins grec ou espagnol, d’autre part s’engager à faire changer l’Europe dans un sens beaucoup plus protecteur pour nos entreprises et nos marchés et nos emplois comme contre l’immigration, et va, en bref, travailler tellement au ralliement du populisme , qu’avec l’avant garde des facteurs communs affichés entre sa droite populaire et la droite frontistes, il va se constituer une extrême droite à la française .

La première étape sera pour la Présidence qui vient ; la seconde pour les législatives et , pour la suite, c’est une bataille de pilotage qui va se dérouler . Ce pilotage va être revendiqué par l’une et l’autre tête : N.Sarkozy (ou l’un de ses séïdes) dans l’approfondissement d’une ligne tactique sans complexe ; M. Le Pen dans la volonté de devenir un chef de l’opposition antisocialiste : elle a lancé son OPA sur la droite. On pourrait même imaginer que le 1er mai, elle ouvre à ses électeurs la faculté ( ou sa compréhension) qu’ils votent Sarkozy pour ménager cette possibilité de recomposition de la droite et sortir d’un vieux ghetto . A moins qu’elle ne cherche à jouer pour de plus lointaines échéances ? Qu’a-t-elle à perdre ou à gagner entre manœuvre et bras de fer avec le président sortant ? Comment peut-elle faire si elle ne veut rester stérile ? Si elle ne joue un jeu subtil, sa « bataille de France » au soir du 22 avril pourrait bien n’être qu’un chant du cygne.

Le combat prioritaire aujourd’hui - comme Jean-Luc Mélenchon l’avait bien senti - est donc essentiellement de faire barrage à la montée d’une force globale de la nouvelle droite. La droite traditionnelle française que nous avons pu comme citoyens critiquer dans certaines de ses politiques en même temps que, en tant que fonctionnaires, nous n’avons pas eu de cas de conscience à la servir, cette droite traditionnelle (avec Pompidou, Giscard, Chirac et même Juppé et d’autres aux affaires aujourd’hui ) a porté l’honneur et a eu la raison de n’avoir jamais transigé avec un Front National dont les attractivités actuelles restent tout à fait enracinées dans le terreau des ignominies passées ( la collaboration, l’antisémitisme, les racismes, le colonialisme répressif). Mais il faut bien comprendre que de ces passés, les exclus, les invisibles, les victimes sociales d’aujourd’hui se moquent plutôt et que ce ne sont pas ces vieux thèmes qui feront le barrage. Celui-ci ne peut venir que d’un Front Républicain. Sinon, demain les droites globalement majoritaires dans le pays peuvent l’emporter. Cette probabilité ne peut être écartée que si la candidature de François Hollande sait répondre aussi à la colère qui nourrit des citoyens respectables ayant voté à l’extrême droite. On ne demande pas au candidat socialiste et humaniste de les suivre dans leurs réactions épidermiques à l’encontre des immigrés, mais on demande au candidat socialiste de savoir – comme va d’ailleurs le faire son rival – répondre à leurs attentes et à leurs inquiétudes en ce qui concerne l’euromondialisation.Il faut qu’il sache leur dire à ces électeurs frontistes comme à bien des électeurs de gauche , avec son lieutenant Montebourg et avec le soutien d’un Jean-Luc Mélenchon qui a réfléchi et qui a déminé en ce sens qu’il saura défendre leurs emplois contre les ravages de l’ouverture commerciale à tous les produits des pays à bas prix de revient, et défendre leurs revenus, leurs services publics et sociaux et leur niveau de vie contre la dictature monétaire de la banque centrale européenne. S’il ne sait pas franchir ces deux pas il est menacé, et la République avec lui.


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