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LETTRE A JEAN-LUC MELENCHON

mercredi 9 mai 2012
par  Jean-Pierre Lefebvre
popularité : 48%

Cher Jean-Luc Mélenchon,

Tu as fait une magnifique campagne. Avec Laurent, vous êtes parvenus à concrétiser un rêve poursuivi en vain depuis trente ans : rassembler l’excellence plurielle et créative des Gaulois critiques et généreux, dispersés par l’histoire dans cent sectes irréductibles, toutes animées de la même passion démocratique et anticapitaliste. Tu as en outre inventé une parole qui soit audible par les délaissés, les plus exploités, précarisés, souvent tenus éloignés de la culture. Le bond est considérable : neuf points gagnés ! Les médias asservis au CAC 40, aux cent familles les plus riches qui décident de tout, ne s’y sont pas trompés en glorifiant honteusement le soir du premier tour le soi-disant triomphe de la millionnaire archéo-fasciste aux courtes dents acérées, prêtes à bouffer le fromage étatique, quand la Marine nationale n’a gagné que 2 % sur 2002, 8 % sur 2007. Beaucoup trop, merci Sarko ! Mais il fallait désespérer Billancourt, stopper ta vague car elle est pour eux le vrai danger. Si tu avais fait quinze, Hollande élu aurait été obligé de nommer Aubry premier ministre : ce n’était pas le Pérou mais mieux que ce qu’on risque d’avoir, une sociale démocratie déjà prête à tous les abandons comme Mitterrand l’a formatée. Le CAC 40 respire, les fonds reviennent déjà des paradis fiscaux.

La magouille des sondeurs (même patron) était claire : il fallait avant le premier tour surestimer ton score et sous estimer celui de Le Pen pour créer ensuite la déception et dissoudre le fait politique le plus important, l’existence des prémisses politiques, certes difficiles, d’une vraie solution à la crise. Tu as raison : personne n’est allé au charbon pour dénoncer ce proto fascisme relooké blond platine, sauf une Eva Joly courageuse, qui a rappelé que l’extrême–droite française de la millionnaire Le Pen à la richesse douteuse est la même que celle qui a nourri en Norvège l’assassin des 77 jeunes au nom des mêmes idées ultra nationalistes sur « la pureté de la race et de l’intégrité du territoire ».

Je parle de prémisses, car en matière de projet, il faut convenir que tu es resté un peu au milieu du gué de ta 6e République. S’identifier au style d’orateur de Marchais, puis de Mitterrand voire de De Gaulle à la Bastille, passe encore (sauf que le père Marx disait que l’histoire se répète toujours deux fois, la première en tragédie, la seconde en comédie) mais ça ne peut remplacer un argumentaire rigoureux. En rester, après la juste dénonciation de l’oligarchie, aux remèdes démagos de Marchais, ne pouvait tromper personne. L’addition de toutes les revendications sociales jamais chiffrées (demain on rasera gratis), le Tout Etat comme solution à la crise, sont au mieux des impasses irresponsables, au pire une promesse de réédition des catastrophes bureaucratiques de l’Est.

Il fallait un peu de courage théorique et de réalisme pratique et pousser plus avant l’analyse : le capitalisme honni ne peut être remplacé positivement que par une véritable propriété collective des moyens de production, c’est-à-dire, à terme, l’autogestion. Avec le dépérissement de l’Etat comme corollaire indispensable, afin d’éviter le piège soviétique : les hauts fonctionnaires remplaçant les bourgeois dans l’exploitation éhontée du peuple. Un tel changement ne pourra se faire en une élection : l’essentiel serait d’ouvrir le chemin par de premières étapes crédibles que le peuple aurait à vérifier lui-même : extension des pouvoirs des comités d’entreprise pour bloquer les licenciements, les délocalisations, les bas salaires, la précarité. Comité de surveillance des banques élus par les titulaires de comptes pour empêcher la spéculation. Comités de quartier souverains, début d’autogestion concurrentielle des services publics pour éliminer le mandarinat et la manipulation démocratique. Bien entendu il faudrait aussi augmenter les bas salaires et faire payer l’essentiel des déficits aux riches qui les ont creusé.

Excusez ces souvenirs d’ancien combattant : J’ai croisé une première fois Le Pen en 1954. J’arrivais à l’UNEF, il en partait torturer le fellaga en Algérie, déjà tenue léopard, béret rouge para, tonitruant dans l’amphi de la Sorbonne contre nous autres, adversaires de la guerre coloniale ! Son groupe rouennais Tixier-Vignancour, pétainiste notoire, nous traquait dans les rues le soir pour nous passer à tabac. Un certain Hollande (le père !) soutenait ce groupe qui nourrit ensuite l’OAS pour attaquer la République. Il est vrai qu’un autre Hollande s’occupait de laïcité mais en excluant les ouvriers communistes de la tribune, tout juste bons à remplir leurs meetings ! Ses copains maire, Monguillon et premier adjoint, Osmont, du Havre étaient, seuls socialistes, élus par 17 droites, contre 18 communistes minoritaires ! C’est vrai que ces derniers étaient un tantinet staliniens. Ils ont quand même gagné la mairie en 1956 ! Les choses ont certes bien bougé depuis. Les mignons lepénistes avaient été jusqu’à me faire rayer de la liste des ingénieurs de l’école de chimie dont j’étais diplômé ! Ils reviennent ! On croit rêver ! Le danger du retour d’une extrême-droite musclée, de Sarkozy à Le Pen, se profile avec netteté. En Italie ce fut le cas déjà avec la plantureuse petite fille de Mussolini (ils adorent la blondeur aryenne), relookée démocrate elle aussi, grâce au vertueux milliardaire Berlusconi. Continuité : le papa milliardaire de mamie Zinzin était fasciste avant guerre, copain d’un certain Mitterrand qui ne se mua en résistant qu’en 43 ! Français, vous avez le mémoire courte, disait leur maréchal félon ! Les lepénistes ont déjà servi au grand capital, toujours aux pires heures de notre histoire. Cher Jean Luc, la France compte 92 % de salariés parmi ses actifs, tu as de loin les plus grandes réserves de voix ! Mais faudrait tenter de viser plus juste. Bon courage !

Jean-Pierre Lefebvre est urbaniste


Commentaires

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jeudi 10 mai 2012 à 14h15 - par  Dazen-Li

Votre "pousser plus avant l’analyse" ressemble plutôt à un " faire pousser dans les consciences un programme politique de société idéalement autogérée".... sans expliquer comment vous parvenez à animer (mettre en route ?) le pouvoir de toutes ces personnes actuellement divisées que sont les citoyens de ce pays.
Vous reprochez à Mélenchon d’avoir fonctionné dans le système, avec les règles de celui-ci, pour rassembler ceux qui aspirent à le révolutionner, c’est à dire ceux qui, à terme, devront prendre le pouvoir pour que le monde change réellement.
Je ne sais si vous avez lu l’humain d’abord, mais il a pour objectif clairement défini d’ouvrir la voie au pouvoir du peuple, du moins à sa capacité à s’en emparer et à inventer une forme de gouvernance nouvelle...
Une forme certainement inédite, non imaginée(-able) encore, car si les vieilles recettes libertaires l’étaient, libertaires, peut-être qu’elles auraient été mise en œuvre, depuis le temps qu’elles créent nos utopies, non ? L’autogestion que vous décrivez est idéalement quelque chose de formidable, comparée à ce que nous vivons, mais depuis le temps.... !
Ne pensez-vous pas que le peuple soit capable - au cours de son appropriation de ce pouvoir (d’)être libre - d’imaginer comment y parvenir, et que ce "comment" ne soit pas encore pensé, parce que justement complètement interdépendant avec le mouvement en marche ?
Le dire autrement : comment passer d’un peuple majoritairement esclave et hostile à toutes les Cultures qui le composent (savoirs être et savoirs tout court notamment) à un peuple majoritairement libéré de ces jougs (entraves) mentaux et comportementaux qui sont les siens actuellement passe nécessairement par l’agir de ce peuple lui-même, à son rythme, et non dans un schéma pré-conçu tant dans le temps que dans sa mise en actes...
Tout cela pour vous avouer que si je constate comme vous que nous n’en sommes pas encore "sortis", de cette dynamique capitaliste, je regrette que, contrairement à Jean-Luc Mélenchon - et surtout à tous les rédacteurs de l’humain d’abord - vous n’ayez pas compris que seul, le peuple est souverain de la mise en pratique ses révolutions....
Il s’agit de l’aider sans l’encadrer. De suivre et non de précéder... De proposer, d’accompagner. Bref : d’être un parmi tant d’autres.
Cuisiner le futur ne peut se contenter d’une vieille recette adaptée au présent.
Sans l’imagination des citoyens - et la confiance, le respect, l’amour mutuel qui va avec - , nous tournerons en rond !

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jeudi 10 mai 2012 à 12h07 - par  Dazen-Li

Vous écrivez : "L’addition de toutes les revendications sociales jamais chiffrées (demain on rasera gratis)", alors c’est quoi, ce tableau ?

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