OUF, IL EST PARTI !

mercredi 9 mai 2012
par  Jean-Luc Gonneau
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Nous essayons, dans les titres de nos éditoriaux, de prendre soin de résumer une situation, ou un évènement, ou une réflexion. Mais nous sommes particulièrement contents de ce titre-là. Car ce ne sera pas mépriser le nouveau président d’écrire que le fait majeur de l’élection présidentielle qui s’achève, c’est la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. Aucun des présidents de la cinquième république n’avait été détesté autant que lui. Ce qui s’explique : aucun n’en avait autant fait pour être détesté. Nous ne reprendrons pas ici la litanie des catégories, parfois inventées (l’« apparence musulmane » demeurera dans les annales de la sottise infâme), de citoyens identifiés à la vite, puis stigmatisés, puis, si possible, dressés les uns contre les autres. Ni celle des services publics conduits à la casse, ou, au mieux, au délabrement. Nous avons perçu le sentiment dominant chez celles et ceux qui ont voté pour François Hollande : le soulagement de s’être débarrassés de son adversaire. Il est donc parti. Et assez dignement, pour la première fois de son quinquennat. Certes, il n’a pas complètement fermé la porte à un éventuel retour, mais n’est pas De Gaulle qui veut. Et surtout, nous pouvons penser que MM. Copé, Fillon et quelques autres feront beaucoup pour coincer la porte demeurée entr’ouverte.

La force paradoxale de François Hollande, nouveau président, c’est d’avoir au final bien peu promis. Le peu en question n’est pas négligeable, ce sera toujours ça de pris par rapport aux cinq années politiquement, socialement, moralement misérables que nous venons de vivre. Redonner quelques moyens (mais seront-ils suffisants ?) au système éducatif, à la justice, à la santé, rétablir les valeurs républicaines malmenées, ce sera bien et nécessaire. Ce sera long aussi, notamment pour retisser des liens de vivre ensemble considérablement malmenés par le président sortant, ce qui explique pour une grande part le succès électoral du Front National. Sur ce plan, la bataille idéologique doit, comme le dit à raison Jean-Luc Mélenchon. Qui promet peu, est-il loisible de penser, devrait peu décevoir. Ce n’est pas si sûr.

Car l’état d’une partie de la société française est profondément dégradé : ghettos éducatifs (ou non-éducatifs), logements trop rares et hors de prix, pratiques de voyous d’une frange du patronat, entraînant des conditions de travail détériorées, des salaires profondément inégalitaires, des conditions de vie à la limite du supportable. Si la force de François Hollande est d’avoir peu promis, sa faiblesse est de risquer de fortement décevoir celles et ceux qui ont en tête le mot espoir. Le désespoir engendre sans doute parfois des chefs d’œuvres poétiques, mais il est aussi facteur de violences.

Jusqu’à présent, la garde rapprochée de celui qui était jusqu’au soir du 6 mai le candidat Hollande a été constituée par la frange la moins à gauche (donc la plus à droite) du Parti Socialiste, lui-même, et depuis longtemps, embourgeoisé. Il est probable que c’est cette frange qui sera dominante dans le prochain gouvernement, et qu’en conséquence nous nous orienterions vers un gouvernement de ce qui est habituellement qualifié de centre-gauche, ce que la présence éventuelle de ministres écologistes (dont on connait la plasticité idéologique) ne modifiera pas vraiment.

Il est probable, en tout cas dans un premier temps, que l’action de ce gouvernement ne modifie qu’à la marge (mieux que rien, mais pas grand-chose) le paradigme dominant de la financiarisation et de la compétition comme éléments structurants de l’économie et de la société, alors qu’il nous apparaît nécessaire de changer de paradigme, d’asservir la finance et de substituer la coopération à la compétition.

Il est possible que François Hollande et ses équipes prennent, avec le temps (qui sera court), conscience que c’est vers ce changement de paradigme qu’il faut aller. Une bonne condition pour aider à cette transition serait que le Front de Gauche sorte renforcé des prochaines élections législatives. Le mode électoral en vigueur, majoritaire à deux tours, rend cette hypothèse problématique (mais il faut essayer, hein).

Il faut savoir gré à François Hollande d’avoir contribué fortement à nous débarrasser d’une droite devenue nauséabonde. Il a probablement répondu à une attente d’une partie importante de l’électorat qui aspirait à un calme politique retrouvé, à la fin des outrances, au retour à la mesure et aux fondamentaux républicains. Il lui faut maintenant répondre à autre chose : aux espoirs des classes populaires. A nous de l’y aider, sans complaisances, avec vigilance.


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