Pour qui fréquente régulièrement les soirées de fado parisiennes, il était difficile de ne pas avoir croisé Augusto Graça. Une figure cultivant volontiers un côté « canaille », masquant mal une sensibilité parfois à fleur de peau. Un colosse aussi respirant la santé, entré dans le fado à 15 ans, voilà près de quatre décennies, ayant côtoyé à Lisbonne quelques grandes figures du fado (dont le regretté Carlos Zel, avec lequel il effectua son service militaire) avant de rejoindre la France. Augusto a été frappé, voici quelques mois par un sévère accident vasculaire cérébral. Aussi, la famille du fado, emmenée par un trio énergique (Luis Gonçalves, très actif dans le monde associatif lié à la paroisse Nossa Senhora de Fatima à Paris, Joaquim Campos, le fadiste, de Lisbonne, bien connu, et Antonio Alves de Oliveira, le fadiste, de Coimbra, non moins connu) a voulu rendre hommage à Augusto Graça.

Pour l’occasion, Augusto a pu quitter l’hôpital où il poursuit, avec un moral d’acier, sa rééducation pour assister à la plus grande partie de l’après-midi de fado proposée en hommage, et adresser à ses nombreux amis présents d’émouvants remerciements, qui étaient aussi un message d’espoir. L’occasion aussi de dire ce que le fado représente pour lui. Une quarantaine de chanteuses et chanteurs, une dizaine de musiciens se sont relayés tout l’après-midi du dimanche 3 juin pour offrir, six heures durant, un magnifique hommage à Augusto Graça, dans la salle de la crypte de N. S. de Fatima aimablement prêtée par le recteur de la paroisse.

Impossible de les citer tous, et excuses donc pour les oublis, mais elles et ils étaient (presque) tous là pour l’occasion, depuis la jeune garde du fado francilien (Lucia Araujo, Vanessa Botelho, Monica Cunha, Jenyfer Rainho la benjamine Diane Santos, 15 ans…) jusqu’aux « vétérans », qui ont gardé la jeunesse du cœur (les deux coorganisateurs déjà cité, Tony Lopes, Carlos Neto, Sousa Santos, Casimiro Silva…) en passant par des fadistes confirmés (Vitor Do Carmo, Conceição Guadalupe, qui rendit à la fois hommage à Augusto et aux mères, dont le 3 juin était aussi la fête, Paulo Manuel, Maria Manuela, João Rufino, Julia Silva…), des amateurs (Conceição Sarmento, les deux « français du fado », Karine et votre serviteur…), Humberto Delgado, fadiste lisboète de passage à Paris, et bien d’autres encore.

Manuel Miranda, Manuel Corgas et Philippe De Sousa se sont relayés à la guitare portugaise, Tony Carreira, Agripino et Philippe Leiba à la guitare basse ou contrebasse, et Flaviano Ramos, Vitor Do Carmo et Tony Lopes à la viola.

Outre le formidable travail des trois coorganisateurs et la participation des artistes, l’organisation et la communication qui ont permis le succès de ce bel après-midi ont bénéficié du soutien des périodiques Lusojornal, Portugal Sempre et Portugal Mag, de Radio Alfa ainsi que de plusieurs commerces portugais d’alimentation qui ont fourni les boissons et petiscos de rigueur dans une fête. Mentionnons aussi la participation de l’association des jeunes de la paroisse N.S. de Fatima, qui ont tenu avec gentillesse le bar, et préparé la salle, ce qui n’est pas un mince travail. Un remerciement aussi à Maria Manuela qui outre ses talents de fadiste est aussi créatrice de poteries et céramiques, et qui a pour l’occasion créé des souvenirs, offerts à chacun des artistes présents et bien sûr à Augusto Graça.

Après son terrible accident, Augusto, demeuré lucide, était resté presque entièrement paralysé et avait perdu l’usage de la parole, il l’a retrouvé aujourd’hui, et peut, avec difficulté certes, se tenir debout et faire quelques pas. Il a pu nous dire combien cette manifestation l’avait rempli d’émotion « bien au-delà de ce que j’avais imaginé », précise-t-il. Puisse cette émotion l’aider à recouvrer tous ses moyens et rendre au fado l’une de ses plus attachantes figures