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De mes analyses à la cohérence de mes convictions à contre-pied

vendredi 10 août 2012
par  Gérard Bélorgey
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I- CONSTATS

1 – Les refus exprimés par le second tour .

Si l’on ajoute à une abstention inégalée (44% en moyenne, très importante dans l’électorat ouvrier et employé, majoritaire chez les plus jeunes (1) ), les bulletins blancs et nuls, les votes qui se sont portés sur des candidats du Front de Gauche, du Modem, de Debout La République(2), c’est sensiblement plus que la moitié des Français qui, lors du second tour législatif, n’ont pas jugé bon de choisir entre une droite aggravée ayant nourri l’extrémisme, une social-démocratie toujours très européiste, et un lepénisme mélangeant désormais un rejet largement fondé du libre-échange et du système européen avec sa constance dans des « valeurs » valant repoussoirs, notamment en matière de société et à l’encontre de l’immigration.

2 – Les contre-sens institutionnels

Ce refus massif, par la majorité des citoyens, des conformismes – la droite, la gauche, le FN - partout mis en valeur de manière privilégiée – n’empêche pas que l’on célèbre comme à l’accoutumée les vertus du régime bipolaire ; celui-ci serait le bon héritage des institutions nées en 1958 en assurant la cohérence des votes présidentiel et législatif , alors que c’est surtout le produit du quinquennat qui a vidé de son sens la dyarchie entre d’une part Président de la République et, d’autre part, chef du gouvernement ; ce qui porte à la dernière déformation ( déjà demandée et prévue) de la Constitution : le regroupement en un même temps des votations pour les gouvernants, afin que, comme dans les autres démocraties bipartisanes, les citoyens aient, pour diriger le pays, à choisir entre deux chefs de partis, exactement ce que n’avait pas voulu le Général de Gaulle.

3 - Le « centre », un fantôme joué par d’autres.

L’erreur de jugement sur notre régime institutionnel est bien illustré par le fait que certains ânes de journalistes le nomment "présidentiel" (ce qui est le terme de science politique définissant un régime à pouvoirs séparés non renversables l’un par l’autre), alors que, par la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée, le régime français est au contraire bien un régime "parlementaire", mais que l’addition et la quasi simultanéité de scrutins majoritaires en font un régime "présidentialiste".

Un tel système excluant une réelle répartition proportionnelle (parce que ce mode de scrutin est incompatible en régime parlementaire avec le besoin de stabilité de l’exécutif) a, évidemment, pour effet automatique d’interdire un tiers parti influent si bien que « le centre » n’y existe que si ce rôle est joué, comme il advint autrefois, par une droite raisonnable, ou, comme il semble aujourd’hui, par une gauche modérée. Droite raisonnable et gauche modérée qui sont en fait invitées, notamment par les medias dominants qui s’y consacrent avec toute leur énergie lobbyiste, à réussir des stratégies tout à fait cousines dont le facteur commun essentiel, malgré quelques variantes, est constitué depuis Maastricht par des cadres européens contraignants.

4 – La célébration européenne.

Voilà pourquoi, après la célébration du régime bipolaire, la seconde célébration médiatique (atténuant d’ailleurs d’autant la première) est celle de l’Europe. Ainsi quasiment tous les organes de la presse écrite et audiovisuelle poussent très fort les notes de leurs chansons convergentes, comme s’il n’y avait qu’une voie unique de salut, fut-ce au prix de quelques fausses fenêtres et de vraies concessions : celle de sauver l’euro et de construire donc une « gouvernance », c’est à dire en terme clair, une souveraineté européenne vidant plus encore qu’aujourd’hui de beaucoup de ses contenus et de son sens la notion de souveraineté nationale.

C’est bien partout l’illusion européenne qui l’a emporté : en France, en donnant à penser, à la faveur du succès électoral social-démocrate, que l’on pourrait vraiment changer d’Europe ( mais ce qui en serait - on le rappellera plus avant - la condition sine qua non, revenir sur le principe du libre échange, n’est pas à un quelconque ordre du jour et, en France même, est loin d’être seulement envisagée) ; en Grèce, même les opposants de la gauche radicale voulaient l’euro, mais sans son prix et on ne voit d’issue que dans l’acharnement thérapeutique.

Que tout organe de presse, même ayant prétendu ne pas être de l’establishment, se coule dans la liturgie européenne est bien donné par le ton adopté par « Marianne » ; l‘hebdomadaire n’a posé, la semaine dernière, la bonne question « L’Europe doit-elle disparaître ? » que pour payer son écho pluraliste à quelques voix dissidentes (la meilleure étant celle du philosophe Paul Thibaud qui parle de « piège »), tout en laissant évidemment entendre par des voix majeures (Julliard ; Attali, etc.) qu’il ne saurait en être question, sauf à choisir la catastrophe, ce qui est cohérent avec le soutien de F. Hollande.

Certes, une longue et bonne analyse rappelle que les institutions européennes « se font déteste » parce que les citoyens nationaux ne peuvent jamais faire jouer la responsabilité de celles-ci : en effet, le pouvoir d’élection et de sanction s’exerce au niveau national, tandis que les pouvoirs de faire les choix stratégiques sur lesquels l’électeur « lambda » n’est pas consulté s’exercent de manière opaque au niveau de l’Union ; mais cette analyse ne débouche que sur l’évocation de propositions fumeuses tant il est vrai qu’on voit mal, malgré quelques contributions incantatoires, comment obtenir une démocratisation par une perspective fédérale : des Etats Unis d’Europe sur le modèle américain sont effectivement tout à fait inconcevables entre des pays qui ne partagent ni une même langue, ni une même culture, ni un marché fluide du travail.

5 – Les dominations, prétentions et prescriptions des souverainistes européens

Le questionnement qui se voudrait panoramique sur la question européenne tourne en rond dans les thèmes monétaire et budgétaire, sans mettre en évidence que c’est l’option fondamentale de l’Europe pour le libre échange qui explique l’ensemble des prétentions des souverainistes européens. Ceux-ci ont déjà trouvé dans l’ouverture commerciale, gérée sans retenue et sans contrôle par la Commission, aux produits et services des pays à bas coût de revient le moyen systématique de faire pression pour des concurrences tout à fait faussées par les dumpings, dotées de hautes marges de rentabilité et d’une attractivité prédatrice envers les activités beaucoup moins profitables situées dans les pays avancés, contre des niveaux salariaux et des modèles sociaux corrects, contre les concours publics à l’économie productive, pour la privatisation maximale des modes de financement (ce qui rend indispensables de fortes inégalités pour que les mieux pourvus puissent être épargnants sources de placements et investissements), pour le cantonnement des prélèvements obligatoires et donc des services publics et des couvertures sociales, afin de réduire les coûts pesant sur les prix de revient (conséquence des concurrences par les prix) et sur les bénéfices et valorisations des entreprises (conséquence des concurrences entre rentabilités financières totales mesurées par l’addition des dividendes et des plus-values de valorisation).

Tels sont, beaucoup plus que la lutte contre l’endettement public, lequel est moindre que ceux des entreprises et des ménages et lequel est tout à fait supportable lorsque l’accès aux emprunts n’est pas assorti de flambée des taux d’intérêts, les vrais ressorts de la promotion paranoïaque (depuis les critères subjectifs au doigt mouillé de Maastricht) de la "règle d’or" contre les déficits publics et les endettements souverains.

Ces offensives triomphantes du néo libéralisme ont conduit, en même temps qu’au développement des extrémismes contestataires, à de véritables régressions économiques et sociales, à des niveaux inouïs de chômage et de précarité dans nos pays qui, il y a trente ans, avant la nouvelle mondialisation et les dérégulations, avançaient vers l’équilibre et auraient même pu en venir aux principes de la Charte de La Havane.

6 – Les « fondements compétitifs » de la croissance.

La systématisation et le perfectionnement de cette ligne politique s’exprime aujourd’hui dans la volonté d’imposer à nos sociétés des « fondements compétitifs »(3) qui seraient les clefs de la croissance.

On peut les ramener à quatre
- une monnaie forte pour prémunir contre l‘inflation et pour profiter aux entreprises afin que celles-ci puissent, au meilleur rapport de change, acquérir soit énergie et matières premières, soit des composants (à monter dans des productions terminales) soit des produits finis (à distribuer avec des différentiels assurant de bonnes marges ) provenant de pays à monnaie faible et à coûts de revient imbattables, notamment du fait du bas prix du travail, d’absence de protections environnementales et de fiscalités et prélèvements modérés à raison de la médiocrité de leurs services publics et sociaux. L’instrument de cette politique monétaire d’économie dominante est la BCE dont la devise forte écrase les pays faiblement outillés en leur imposant une remise en cause des acquis sociaux ;

- la garantie du respect obsessionnel de la règle d’or, dans le double objectif de stabilité monétaire et de compression des prélèvements, au moyen de la supervision et du suivi de l’exécution des budgets nationaux par des autorités technocratiques dont aucune responsabilité politique n’est susceptible d’être engagée ;

- la flexibilité du marché de l’emploi et du droit du travail, bien au delà de l’adaptation des temps aux fluctuations des plans de charges : selon des normes aujourd’hui clairement prescrites par les autorités européennes consistant à mettre les salariés sous pression (absence ou bas niveau d’une rémunération minimale, aisance des licenciements, couverture chômage suffisamment courte et faible pour obliger les chômeurs à reprendre n’importe quel type de travail) ;

- l’extension de la technique de la privatisation, comme conséquence de la rigueur budgétaire et du désengagement public (assorti de la réduction du champ statutaire pour les agents administratifs), pour le financement non par l’impôt, mais par les marchés, et pour la gestion sous leur contrôle non seulement du secteur de l’économie productive, mais aussi des champs de services sociaux et même d’activités administratives et régaliennes.

7 - Les engrenages imparfaits du « Monde »

Ces prétentions/prescriptions européennes sont toutes des conséquences logiques du principe de libre échange mondial et celui-ci est bien d’ailleurs à l’origine de tous les grands récents dysfonctionnements, de même que l’absence de sortie de ceux-ci tient au principe même qui gouverne le système central bancaire européen construit pour se plier à ce libre-échange.

Un grand mécano illustré de roues dentelées présenté dans une entière double page du « Monde » du 15 juin 2012 entend, par la figuration d’une suite d’engrenages, expliquer « d’ où vient la crise » et pourquoi il y a « récession européenne : des désaccords sur la sortie de la crise ». Mais, de bout en bout, le schéma présenté procède, au moins pour moitié, de raisonnements convenus faussés par des omissions.

S’il est vrai que les « racines américaines » sont dans le crash immobilier et dans une récession mondiale dans laquelle la crise financière est une part des causes, s’il est vrai que les « racines européennes » sont dans les illusions de l’euro qui a leurré les investisseurs, caché le surendettement et s’il est pour partie exact que la compétitivité industrielle en serait ici et là oubliée, la roue majeure d‘entraînement en amont de l’ensemble systémique dépressif, c’est la diminution des capacités d’emplois, l’affaissement des revenus modestes ( mal pallié par l’endettement des ménages : les subprimes), c’est le défaut d’investissement de l’Occident dans son économie réelle dès lors que ses marchés internes et externes ont été (et sont toujours) siphonnés par les pays émergents et les contrées est-européennes en retard ; c’est la nouvelle (en fait depuis presque dix ans) donne de localisation des activités créatrices d’emplois telle qu’elle résulte de la seconde mondialisation qui est à l’origine de la dépression occidentale confrontée à l’expansion asiatique par l’exportation : aucune roue initiale du mécano n’évoque même cela.

La seconde omission est que les remèdes apportés à la récession par injection de liquidités au profit de divers agents économiques, et notamment des banques en tant que redistributeurs de moyens, n’ont pu apporter aucune stimulation à l’emploi, donc au niveau de la solvabilité des ménages et à la capacité d’auto investissement des entreprises parce que l’argent ainsi injecté dans une économie ouverte n’a pas eu les effets keynésiens classiques attendus, mais d’une part a bénéficié aux grands vendeurs en amont de biens et de services, c’est à dire aux Pays émergents et non aux États consentant les dépenses, d’autre part a fortement contribué au surendettement de ceux-ci ( résultant lui-même, on le sait, très largement du libre-échange, tandis que la prise en charge publique des prêts ou des découverts des institutions financières ( ce que la BCE continue à faire quasiment à guichet ouvert pour les banques à condition qu’elles ne soient pas publiques !)… a transformé, sinon en France qui a été prudente, mais largement ailleurs, des passifs privés en dettes souveraines. La troisième omission est celle d’une roue de fin de schéma qui offrirait l’icône d’une banque centrale apte, comme la Réserve fédérale américaine ou la banque d’Angleterre, à monétiser une partie de la dette des États ; voilà qui balancerait par une dose supportable d’inflation (qui devrait rester raisonnable à raison des effets sociaux pervers d’excès en ce sens, et à raison du prix en dollars des approvisionnements en pétrole) et par donc une nécessaire moindre appréciation de l’euro (ce dont bénéficierait les économies européennes dominées par une devise trop forte) les effets de plans d’austérité sans doute excessifs dans certains de leurs aspects, mais inévitables (cf. même sous gestion « socialiste », ce qui se passe au Danemark ) si l’on reste dans la logique européenne actuelle.

8 – Sans protectionnisme, la recherche de la croissance par la demande va à l’échec.

Si l’on ne change pas de logique, ce sont les recettes allemandes de « croissance », donc ces « fondements compétitifs » dont on a vu tous les dangers sociaux, qui sont les bonnes recettes. Car il ne faut pas croire, à une petite échelle, que ce sont des mutualisations (difficile à faire admettre au bénéfice des plus pauvres et des plus imprudents par les plus « vertueux » riches et exigeants) d’une fraction marginale des emprunts qui vont résoudre d’énormes distorsions internes à la zone ; et il ne faut pas croire à une échelle globale que de l’injection d’argent public ( le plan Hollande par exemple, bien inspiré dans ses financements et dans ses objectifs, mais bien incertain dans ses résultats) peut être la garantie de croissance et surtout de plus d’emploi : si une part de protection des marchés créés par une demande supplémentaire n’est pas assurée au bénéfice des entreprises localisées en Europe, cette nouvelle politique keynésienne bien sommaire n’aura pas plus d’effets positifs que ce qui a été fait sans accompagnement protectionniste en 2008 et 2009 et qui n’a abouti qu’à la crise symétrique des surendettements mise en exergue en 2011, d’abord aux Etats-Unis comme machine de guerre contre B. Obama, ensuite en Europe comme bouclier contre les dépenses pesant sur les entreprises et contre les impôts à demander aux mieux pourvus.

II - CONVICTIONS

9 - Aussi, me démarquant des clefs de pensée de la vague rose et de la vague europhile, je pense que le salut est dans une sortie de l’Europe telle qu’elle est : parce qu’on n’obtiendra sans doute jamais à temps ce raisonnable protectionnisme européen qui devrait être l’un des produits de bon sens d’une construction fédérale européenne resserrée, mais elle-même très difficile à construire. Je crois donc qu’il faut faire droit à une inspiration stratégique faisant d’une part de souverainisme français un rempart contre le souverainisme européen. Ce qui n’ira pas sans crises politiques externes et internes. Défendre la Nation suppose qu’elle soit capable de rassembler, dans un nouveau régime institutionnel, un bon éventail de ses forces politiques sur des lignes partagées.

C’est pourquoi ma conviction souverainiste va de pair avec ma conviction du besoin d’une construction institutionnelle (une VI ème République) permettant un champ majeur de rassemblement national : une politique faisant droit à une inspiration souverainiste ne peut se concevoir et se faire qu’en front largement uni vis à vis des autres pays et des institutions supra nationales : dans une réelle solidarité nationale et donc avec certaines compréhensions transpartisanes et réconciliations. Aussi, je ne peux trouver dans la démocratie bi partisane une réponse satisfaisante à ce besoin et j’appelle donc de mes vœux un réel régime présidentiel assorti d’une représentation proportionnelle pour la constitution de l’Assemblée.

10 – Une logique transversale lie politique économique et régime politique, parce que vont, à mon sens, solidairement de pair une stratégie faisant place au souverainisme économique et social, et un régime politique obligeant à des convergences françaises. C’est ce que devrait pouvoir produire un système associant un Président élu au suffrage universel et une Assemblée détentrice des pouvoirs législatifs et budgétaires et devant trouver ensemble des compromis, des transactions d’union nationale. Non loin de ce qu’a plaidé F. Bayrou, mais en vain parce qu’il n’a pas été au bout de sa logique institutionnelle : le besoin de la RP sans laquelle aucun centre politique ne peut ni sortir des urnes, ni se créer pour gérer le pays par des coalitions de gouvernement.

Je suis donc "proportionnaliste" (pour le mode de scrutin législatif) et en faveur d’un exécutif présidentiel unifié qui devrait, pour être garanti de la stabilité (que peut menacer la RP) ne pas être responsable devant l’Assemblée. Le Parlement, pour sa part, deviendrait ainsi honnêtement et réellement pluraliste (et non pas simplement assorti d’un codicille proportionnel pour donner une portion congrue à quelques minoritaires). Ce serait donc aller résolument dans un autre sens que celui de la démocratie majoritaire absolue enchaînant des quinquennats d’alternance pilotés par des présidents éjectables par les coups d‘essuie-glace des élections.

En cas de conflits, s’ils étaient autrement insolubles, entre exécutif et délibératif (il se peut, il est normal, il est riche, il est sain que puissent apparaître à tel ou tel moment des divergences non surmontables par la négociation entre un Président et une majorité forcement composite) la situation devrait être déloquée, arbitrée s’il le faut, à l’initiative de l’un ou l’autre des pouvoirs, par recours au referendum ; la réponse de la souveraineté populaire à celui-ci indiquerait le choix à mettre en œuvre aux deux titulaires de la souveraineté nationale : Président exécutif, dont s’il était désavoué, une démission de type gaullien ne correspondrait nullement à ce modèle, et Assemblée délibérante qui si elle n’était pas suivie, devrait de même se soumettre. Faire que l’un et l’autre des pouvoirs ait, l’un et l’autre, le devoir constitutionnel de continuer après un arbitrage populaire ne donnant satisfaction qu’à l’un des deux, exprime qu’il s’agit de concilier plus de démocratie représentative et plus de démocratie directe : en fait d’assurer plus de pouvoir au peuple.

11- Reconnaître une Nation française composite à tous titres, politiques, territoriaux , ethnoculturels, que ses solidarités doivent rendre unitaire (4).

Composite comme elle devrait être représentée au Parlement, composite par les souverainetés limitées mais réelles et un peu protégées des collectivités locales, la France est aussi de plus en plus composite au niveau ethno culturel. C’est une bonne chose qui fait sa diversité, sa force, pour une part sa démographie et, de plus, ses chances relationnelles dans le monde entier. C’est aussi la suite, en partie apaisée, d’un Empire dont les temps ont été difficiles sans avoir été tous négatifs.

Appréciant tout l’intérêt de l’unité nationale, je vois son contenu, l’identité de la Nation, ainsi peu à peu logiquement changer en incorporant de nouveaux habitants – selon, ce qui est tout à fait normal, des degrés inégaux d’intégration. L’intégration n’est d’ailleurs pas une valeur à reconnaître comme unique, mais elle doit au contraire être combinée avec, c’est aussi un héritage d’Empire, la valeur de diversité. C’est l’union de ces valeurs qui, réunit des Français, et des résidents, de toutes les origines. A l’égard de ces nouveaux et, souvent par le sang versé et le travail accompli Français de longue date et de grands mérites, je comprends mal ces dénis de réalité que sont les procès de « communautarisme ». Il me semble en effet d’abord inévitable qu’il y ait des phases d‘adaptation (vécues par les provinciaux qui sont longtemps restés, et sont encore assez souvent, très caractérisés par les attaches et les larges fratries de leurs origines régionales, bien connues de Juifs venant de l’étranger, éprouvées par les Polonais, les Italiens, les Maghrébins, les Africains, les Libanais, les Asiatiques, les Européens de l’Est), oui, des phases d’adaptation pour des arrivants qui ont besoin, alors qu’ils sont en transition de type de vies, de l’existence d’un esprit communautariste. Il me semble ensuite historiquement vérifié et sociétalement positif que puissent persister (parce qu’il est normal que les immigrés ne veuillent pas rompre avec des racines vis à vis desquelles ils gardent des liens légitimes, en entretenant aussi dans certains cas des perspectives de retour au pays d’origine) des facteurs culturels marquants et récurrents (comme ceux tout à fait acceptés de diverses communautés, par exemple israélite ou chinoise) qui doivent à mon sens être respectés dès lors que ceux qui y sont attachés observent les lois de la République.

C’est pourquoi je suis aussi résolument favorable au « différentialisme » qu‘attaché à l’existence d’une nation unitaire et restant largement souveraine : les différences ethniques, culturelles, religieuses, de mœurs et de convictions sont – comme il est vrai dans toutes les grandes nations – constitutives, dès lors que des solidarités existent, d’une force nationale aux facettes plurielles. C’est ainsi qu’il faut bien solidariser les Français et ceux qui veulent le devenir par l’acceptation de l’arc en ciel de leurs constituants ethno culturels, voire par la facilitation de l’expression des différences.

En outre, et de manière cohérente, je suis aussi naturellement, sinon jacobin, du moins clairement unitariste à l’encontre de décentralisations des pouvoirs normatifs et sociaux pouvant morceler la Nation en fiefs et en inégalités, tout en considérant que des collectivités territoriales mieux regroupées à un niveau significatif devraient recevoir un pouvoir propre de création fiscale qui les responsabiliserait plus correctement qu’aujourd’hui où elles reçoivent trop de subventions ( que devraient surtout fonder le besoins de péréquation) .

12 – Gouverner c’est plus encore savoir bien doser que radicalement choisir et c’est donc en venir à rassembler

Reconnaître toutes les composantes, toutes les diversités de la Nation en trouvant à celle-ci, par la conservation et l’exercice de pouvoirs propres essentiels, des moyens opérationnels adéquats négociés entre ses groupes d’intérêts, ne peut être obtenu que par la recherche des bons dosages tant il est vrai que, malgré l’adage - qui a fait beaucoup de mal et couvert beaucoup d’erreurs - gouverner c’est, en permanence, plus savoir doser que radicalement choisir, ce qui n’est impérieux que dans les spasmes de l’Histoire. Malgré les tensions partisanes et les difficultés de fond, je crois aux vertus d’un rassemblement faisant bouger les lignes d’aujourd’hui, défendant des intérêts proprement nationaux, je crois à une forme de synthèse possible (que la France a, sinon connu, du moins voulu dans des périodes exceptionnelles comme la Libération) entre des valeurs sociales de gauche, des valeurs morales de droite, des valeurs économiques nationales : une trilogie bien contraire aux bases du néo libéralisme construit sur la lutte de classe pilotée par les dominants, sur la permissivité généralisée et sur la suprématie des paris internationaux sur les précautions nationales. Ce n’est ni un frileux repli, ni le modèle égocentriste - encore qu’intéressant - d’une économie « helvétisée » ( ce qu’il eut peut être fallu plutôt faire pour la France à la fin des années 60 que l’intégration à une Europe se préparant à ne plus se protéger ). C’est un challenge qui demanderait beaucoup d ’efforts, mais en donnant sens enfin à ces efforts de toutes façons inévitables. En outre, la reconnaissance des diversités internes est la garantie contre la fermeture au monde, et la forme par laquelle préparer, en particulier, comme il a été rêvé, autour de la Méditerranée, un fécond univers de réciprocités commerciales, culturelles et politiques.

13 – Mes contre-pieds .

La variété de mes expériences, comme responsable d’administrations, d’entreprises ou d’intérêts professionnels, mon attention pour la vie publique nourrie par trois dizaines d‘années d’enseignement de science politique et de politique économique et par ma ténacité depuis lors à suivre et analyser les questions clefs de ce temps, voire mes incursions trop personnelles dans des champs politiques, en bref cette combinaison d’approches complémentaires me donne à mes yeux une légitimité d’intervenant et d’observateur participatif qui me semble cruellement manquer à bien des chroniqueurs et universitaires ayant chacun leurs sillons tout tracés et le bénéfice de trouver des audiences du seul fait de leur notoriété et de leurs titres. En présentant aujourd’hui mes contre-pieds de manière provocante j’ai tenu à annoncer mes couleurs qui ne sont toujours d’aucun camp et dont, en conséquence, la seule chance d’influence est dans la force des choses qui contaminera toutes les orthodoxies d’aujourd’hui.

Pour me résumer, je m’affirme donc souverainiste avec le souhait d’un tissu d’accords de réciprocité , protectionniste en matière commerciale, et convaincu d’un besoin de contrôle des flux de capitaux, mais favorable aux brassages des communautés, et donc, différentialiste dans le respect de l’unité de la Nation qui ne peut pas être une machine à assimiler mais devrait être un système de solidarité pour faire coexister – et s’ils le veulent se fondre et se mélanger - des gens différents les uns des autres et dont l’uniformisation serait une perte pour tous.

Je suis aussi évidemment encore, pour compléter le faisceau de mes références regardées comme périmées, "colbertiste" : je crois à une part indispensable d’économie mixte pour financer les investissements non par l’inégalité, mais par des contributions transitant (via prélèvements ou emprunts) par le Trésor national, et je suis convaincu du besoin de contrôle public sur les secteurs stratégiques et sur ceux qui, si les pouvoirs de décision les concernant passent en des mains étrangères , peuvent devenir des bombes éclatant en ondes de chômage de salariés et de faillites de fournisseurs et sous-traitants. Le colbertisme dont nous avons à nouveau besoin va de pair avec une inspiration socialiste actualisée. À condition de ne pas chercher à satisfaire les mythes collectifs comme moins de travail (et des retraites précoces pour tous) mais les réels besoins sociaux : l’avenir de l’assurance maladie est un combat plus capital que l’âge de la retraite car mieux vaut des retraités un peu tardifs mais bien soignés que beaucoup de jeunes retraités mal soignés. À condition que les exigences de justice fiscale ne soient pas mises en œuvre d’une manière si sommaire ( comme par exemple par le refus de toute forme de hausse de TVA) qu’elle pourrait priver des moyens imaginatifs de mieux assurer protection et compétitivité pour soutenir l‘économie . À condition, en bref, que les bons dosages – qui ne peuvent résulter que d’échanges entre points de vue différents – soient privilégiés sur le calendrier de satisfaire un programme électoral. À condition, bien sûr, qu’un programme électoral puisse être largement révisé selon les besoins et réunir ainsi plus largement. Voilà qui dépend aussi de cette réforme institutionnelle - que je baptise RP3 (Régime Présidentiel, Répartition Proportionnelle, Référendum Provoqué si nécessaire par l’un ou l’autre pouvoir), mais dont la probabilité prochaine est tellement peu vraisemblable qu’il faudra encore, hélas, sans doute, plus d’un tour d’alternance et plus d’un tour d’imbroglios européens pour que la France sorte des passes dangereuses où elle louvoie aujourd’hui dans un peu trop d ’euphorie.

1 - selon une étude Ipsos, la participation au scrutin a été spécialement faible chez les jeunes (seuls 37 % des 18-24 ans ont voté, contre 73 % des 60 ans et plus) et, comme à l’accoutumée, bien moins forte chez les ouvriers (41 %) et les employés (49 %) que chez les cadres (59 %).

2 - sur lequel on fait un silence complet bien que ce mouvement ait, en fait, deux députés, presqu’ autant que le « centre » et le FN, et très bien élus….

3 - C’est le vocable utilisé dans la très orthodoxe publication de la Fondation R. Schuman par Alain Fabre qui analyse la situation actuelle de la zone euro. Après avoir rappelé les risques qu’engendrerait une sortie de la Grèce de la zone euro, , il évoque la nécessité pour tous les Etats de cette zone de fonder leur croissance sur "des fondements compétitifs". Il mentionne enfin le risque que font courir à l’Europe les divergences actuelles entre France et Allemagne, qui privent la zone euro "d’un des moyens les plus puissants pour la résolution des problèmes". Suivez son regard…

4 – le poète Haïtien, Jacques Roumain évoquant, dans les années trente, le combat unitaire pour la justice d’hommes d’ethnies différentes, avait la très belle expression « comme la contradiction des traits se résout en l’unité du visage » . Avec de telles références, j’affirme aussi mon droit à ma part d’utopie créatrice.

Le blog de Gérard Bélorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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