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TRIBUNE LIBRE : LA CRISE ? QUELLE CRISE ? ET JUSQU’A QUAND ?

lundi 17 septembre 2012
par  François Lucas
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Il y a, actuellement, un côté sinistre dans l’usage des mots. Par exemple « la crise » : c’est généralement associé à « crise financière », mais les autres crises, politique, morale, sociale, sont généralement occultées par la première, par le souci des décideurs de maintenir leur quota d’esclaves à « puiser dans le vivier du bassin d’emploi », par le souci qu’ils portent aux dividendes qu’ils vont redistribuer à leurs actionnaires, ou se distribuer, par leur impatience à mettre les États et les organismes publics en général, à leur service ; pour ça, ils ont institutionnalisé « la dette publique », autre formule magique, le français vivant et les autres européens aussi, c’est bien connu, au-dessus de ses moyens. Mais comme à chaque fois on nous sort « le modèle », cette fois-ci il est allemand, mais il fût « suédois », « américain » etc. Sans modèle ils n’existent pas, et surtout leurs discours deviennent vides. Le sort des nouveaux esclaves générés par ces nouveaux maîtres de forges ne fera que quelques lignes ou commentaires désabusés du type :« La société X délocalise ou ferme, Y personnes se retrouvent sans emploi ». Contrairement, la « crise financière », tous les experts ou pseudo-experts qui officient dans les journaux ou magazine télé s’en délectent pour un budget qui permettrait sans doute d’augmenter quelques salaires de précaires de l’audiovisuel. Juste pour rappeler quelques exemples de la compétence des experts : ils n’ont pas vu venir la débâcle de Lehman Brothers, ils n’ont pas vu venir la crise, que n’importe quel béotien pouvait déduire de la politique définie pour la Banque Centrale Européenne dans les traités, en lisant simplement un bon livre d’histoire sur la période des années 30 et les décrets-lois Laval : d’abord une monnaie forte, conséquence, déclin des exportations et délocalisations, ensuite la déflation, assèchement de la monnaie en circulation et donc baisse de revenu des acheteurs potentiels. Ils ont aussi largement conseillé d’acheter des actions de la bulle internet (avant l’explosion de la bulle) alors que là aussi, expliquer qu’une entreprise qui n’a pas de locaux et juste un peu de potentiel intellectuel peut faire des profits de plus de 100% en n’ayant rien à vendre, il faut oser, le dernier avatar des experts étant l’action facebook où on retrouve dans le montage nos « vieux amis » de Goldman Sachs (voir ci-dessous l’affaire italienne). Et maintenant, ils éructent sur la crise financière en vilipendant ces fainéants qui veulent gagner de l’argent sans travailler, alors que les patrons voudraient les faire travailler sans les payer, ou peu. Donc, il faut faire peur, entre les syndromes du 11 septembre, (la lutte indispensable contre le terrorisme qui permet de prendre des mesures liberticides), du 21 avril (qui permet de continuer dans un monde électoralement bipolaire, mais entre amis) et du chômage (qui permet de payer les ouvriers et cadres, heureux de trouver, de garder un travail, avec un lance-pierre), seuls les psys vont avoir du travail, mais il faut avant tout faire accepter par une opinion publique rétive les plans de rigueur existants ou à venir qui « vont nous permettre de surmonter la crise ».

Crise financière, pas si sûr. Le fait que les banques ne prêtent plus aux particuliers ni aux entreprises (sauf aux grands amis, mais pas aux PME/PMI), n’est pas signe d’une crise financière. Les banques et leurs actionnaires majoritaires ont vu qu’il était beaucoup plus juteux d’emprunter de l’argent à 1% à la Banque Centrale Européenne (argent du contribuable) pour le prêter aux États à des taux usuraires (4/7% si tout va bien et beaucoup plus si on veut étrangler un réfractaire). Elles savent que de toutes façons ces prêts seront remboursés par un des fonds européens, donc encore avec de l’argent des contribuables, ce faisant on accroit considérablement la fameuse dette. Mais la Banque n’a pris aucun risque dans l’opération puisqu’elle se fait rembourser par ceux qui lui ont prêté pour prêter. Le seul dindon dans l’histoire est le contribuable qui va payer la différence entre ce qu’il a versé de ses impôts à la BCE et les intérêts de la dette qu’il va devoir rembourser. Et la banque peut même s’assurer sur une éventuelle possibilité de faillite d’un de ses créanciers. Autrement dit, si vous prenez une assurance sur la maison de votre voisin, vous avez plutôt intérêt à ce qu’elle brûle pour gagner le maximum : les banques s’assurent sur une éventuelle faillite d’un État, les fameux CDS (credit default swap) et donc tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, sauf si un politique suffisamment solide décidait d’arrêter de jouer.

Juste un exemple, en juin, la banque Goldman Sachs, pas de la faute de l’auteur de ces lignes si on la retrouve partout, dont Mario Draghi l’actuel Président de la BCE avait été l’un des principaux membres pour l’Europe et qui a aidé à maquiller les comptes grecs, dont Mario Monti l’actuel Premier ministre italien a été un des consultants, a décidé de ramener ses avoirs de dette italienne de 2,5 milliards de dollars en mars à 191 millions en juin, puis dans leur communication à la SEC (le contrôle boursier US), ils ont annoncé qu’ils avaient investis sur des produits dérivés garantissant un éventuel défaut (faillite) de l’Italie. Même pas la reconnaissance du ventre, ces requins. Ce que ne dit pas l’article de La Republica qui a mis l’affaire sur le devant de la scène, c’est qui a racheté les fonds : et si c’était la BCE ? Ça devrait quand même intéresser les services de la Commission et la Cour de Justice, non ?

Pour continuer à faire peur, on invente des termes comme « recapitaliser les banques » en vous laissant entendre que si une banque fait faillite, vos économies vont s’évaporer. On demande donc de nouveau aux contribuables de mettre la main à la poche, mais, de façon surprenante, lorsqu’on parle de faire un contrôle des dites banques elles s’empressent de rembourser. Donc à chaque fois qu’elles demandent de l’argent il faudrait qu’en échange, l’Etat nationalise, au moins partiellement, ne serait-ce que pour savoir à quoi sert l’argent en question : dans un de ces paradis fiscaux qui parait-il n’existent plus mais qui sont si bien protégés par le traité de Lisbonne ?

L’autre face du problème, c’est qu’il faut diviser pour régner, par exemple expliquer que ces fainéants du sud n’ont que ce qu’ils méritent, dire qu’on « aide les Grecs » c’est attiser la colère de ceux qui se croient spoliés par les grecs, lesquels grecs ne voient pas un centime de cette fameuse aide, puisqu’une grande partie repart dans les poches des banques (intérêts d’emprunt, remboursement de dette par l’Etat), aide qu’elles absorbent et lessivent ; d’autre part « l’aide » sert à alimenter la dette grecque qui va se retrouver en solde négatif, car il faut rappeler que ces fameux plans de sauvetage » ne sont que des prêts, pas comme on essaie de nous le laisser croire des aides « bénévoles », ce en quoi, le terme de « bail out » anglais est sans doute peu approprié, car il s’agit d’un saut en parachute d’urgence, mais dans le cas qui nous intéresse, l’Union Européenne, la BCE et le FMI remontent dans l’avion dès qu’ils ont atteint leur objectif qui est de casser les États les uns après les autres, pour accroître le poids du financier sur le politique. Comme le laissait entendre Mario Monti, les parlements nationaux sont encore des empêcheurs de tourner en rond et il faudrait trouver un moyen de laisser de l’espace pour des négociations entre gouvernements sans que ces gens viennent se mêler des discussions de grandes personnes.

Donc, il ne s’agit pas d’une crise financière, puisque les banques, ne sont pas en si mauvaise santé que ça. Par exemple, si avec les bénéfices de PSA finances, la famille Peugeot, injectait un peu d’argent (même pas 1/5ème des bénéfices) dans PSA automobiles il n’y aurait pas de problème, juste un peu moins d’argent de poche pour les héritiers, à moins qu’après tout fabriquer des automobiles ne les intéresse plus. Ah !! le rêve, les entreprises sans usines. Les problèmes additionnels sont nombreux et en particulier les autres crises. Une vraie crise de la démocratie, démocratie inexistante dans les structures de l’Union Européenne, les décisions de la Commission Européenne, tant au niveau de la santé que de l’agriculture montrent que le poids des lobbies, laboratoires pharmaceutiques, firmes agrochimiques ou semencières, mais dans d’autres domaines moins médiatisés, comme par exemple décider de donner des pouvoirs bancaires au fameux Fonds de Stabilité Monétaire, est supérieur à l’intérêt du citoyen. En ajoutant la façon méprisante dont on traite les votes des citoyens, en Irlande, en France, au Pays-Bas. Seuls les Islandais, pas encore dans l’UE, ont tenu bon. On a même renforcé l’arsenal contraignant, avec une Cour de Justice dont on aurait certainement critiqué la structure et le fonctionnement dans les anciens pays de l’Est où certains pays d’Amérique Latine. La démocratie est en train d’être détricotée dans tous les pays de l’Union. Dans la logique libérale, on ne peut supprimer l’élection, mais on fait en sorte qu’elle ne serve à rien. La droite libérale, ou la gauche libérale, font en alternance des politiques qui changent les choses, à la marge, mais pas sur le fond. Il suffit de regarder les dernières « grandes » déclarations sur le Fonds de Stabilité Monétaire, le gouvernement de droite l’a préparé, le gouvernement de gauche va le signer. Comme pour le traité de Lisbonne qu’ils ont signé ensemble et d’autres mignardises dont ils ont le secret. Cette fois-ci, nous avons un Président « de gauche » une assemblée « de gauche » un sénat « de gauche » des régions « de gauche » des municipalités en grande partie « de gauche » et on ne voit pas poindre une once de politique de gauche : même si toute l’Europe était « de gauche libérale », il ne se passerait rien. Il y a déjà eu un exemple, dans un passé pas si lointain, d’une Europe majoritairement à gauche et qui a tout laissé filer, y compris la casse des services publics. Il faudra bien qu’un jour le débat ait lieu et arrêter le discours de notre gouvernement dit « de gauche » dont la base dialectique est « si rien ne va, ce n’est pas parce qu’il y a trop d’Europe, mais parce qu’il n’y en a pas assez », ça fait penser au glissement sémantique (de gauche) qui consistait à faire passer une privatisation pour une ouverture de capital sans changement de statut. De toutes façons, les partis dominants, droite libérale ou socio-libéraux ont tellement peur de se faire déborder et de perdre leur rente de situation, qu’ils gouvernent ensemble lorsqu’ils se sentent menacés, c’est la cas évident en Grèce et en Allemagne. La crise, ce n’est pas la leur, eux, ils font partie de l’élite, ce ne peut être que de la faute de l’ouvrier qui ne veut pas travailler, des assistés, ces chômeurs ignorants qui refusent le « progrès » ou des immigrés qui comme dans les années 30 viennent manger le pain des français, en oubliant, omission fâcheuse, que les migrants sont souvent là parce que des grandes entreprises ou des États ont pompé les ressources naturelles de leurs pays, ou organisé quelques petites guerres ou famines pour sauvegarder leurs intérêts, caoutchouc, pétrole, gaz, uranium et autres ressources naturelles rares, ou stratégiques.

La question est donc de savoir quand ce processus qui s’accélère, va devenir tellement insupportable que ceux qui en souffrent vont renverser la table, parce que, comme la démocratie ne fonctionne pas, que les politiques se ressemblent, de droite comme de gauche, c’est du moins ce que pense l’abstentionniste, que faire et comment vont réagir des gens poussés à bout ? Etienne Chouard a proposé une solution sympathique, celle du tirage au sort des élus : après tout ce ne serait peut-être pas plus illégitime que le système majoritaire à deux tours, mais le problème c’est qu’il faut avoir de la chance au jeu... et ça, c’est pas gagné. Donc actuellement il semble plutôt raisonnable de penser à un renversement de la table de manière un peu brutale, et les tendances répressives qu’on constate dans les pays dit « démocratiques », comme au Canada, au USA, au Japon, et même en France, montrent que les gouvernements se préparent à faire face à des révoltes de plus en plus nombreuses et qu’ils essaient de museler préventivement. Une fois encore, leur méconnaissance historique va les perdre : ça n’a jamais marché, même avec une armée de métier, les dictatures arrivées par les urnes sont toujours parties à coup de pied dans le derrière. Le problème maintenant c’est : qu’est-ce qu’on met après, et comment. C’est sans doute le moment, pour la gauche de gauche, y compris celle du PS, si elle ne s’est pas encore laissée corrompre par les ors du pouvoir, de se positionner clairement sur les sujets de fond, y compris la définition d’une VIème république réellement démocratique et laïque. Ils n’auront pas éternellement le beurre, l’argent du beurre et en prime le sourire de la crémière, les brillants sujets, et s’ils ne veulent pas finir chômeurs, il vaudrait mieux qu’ils choisissent définitivement leur camp, car le temps est compté.


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