BIGOTS EUROPEENS, REVEILLEZ-VOUS !
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On assiste à une conjuration du silence pour exonérer de sa responsabilité cet esprit conformiste européen par lequel s’explique l’erreur de politique économique qui vient d’être commise. En qui concerne le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le dispositif mis en place consiste à jeter de l’argent par les fenêtres : du gaspillage d’efforts imposés aux Français du fait, comme d’habitude, d’une soumission sans débat à Bruxelles, associée, par un pouvoir angoissé d’être impopulaire, à une opération psychologique en direction d’un patronat qui, exploitant Gallois, a interpellé les gouvernants au nom de ses intérêts les plus divers beaucoup plus que pour la réindustrialisation de la France.
Dès lors que toutes les activités sont concernées, et pas seulement les secteurs exposés à la concurrence internationale, le soutien que reçoit l’industrie reste tout à fait homéopathique. Par contre voilà , par exemple, que les banques, la grande distribution comme d’ailleurs tous les commerces, les services les plus divers, à nouveau, avec tout le tourisme, la restauration elle-même, les établissements de soins de toute nature, l’éventail des métiers et des prestations tertiaires (dont les médias, dont les instituts de sondage, comme celui de la présidente du Medef, dont toutes les productions culturelles), les chantiers de construction et de travaux publics qui s’exécutant sur le sol national ne sont pas délocalisables, en bref voilà que n’importe quelle activité va se trouver bénéficiaire de ce crédit d’impôt pour en faire n’importe quoi selon son cas particulier en privant d’un effet de coup de fouet significatif (qui aurait pu être du triple ou quadruple) les secteurs qui en ont vraiment besoin : l’agriculture, l’industrie, les transports de produits manufacturés nationaux.
Et pourquoi en est-il ainsi ? Si un certain nombre de commentateurs (des experts indépendant comme J.L. Gréau dans Marianne ou des cercles socialistes critiques comme le secrétaire général du mouvement, G. Balas, de « un monde d’avance ») ont bien noté que la dépense loin de se focaliser sur ce qu’il fallait allait disperser sa bonne aubaine à bien de purs profiteurs, personne, je crois bien (et de toute façon sans buzz) des milieux politiques, médiatiques, économiques, n’a véritablement posé la question de savoir pourquoi le saupoudrage a prévalu sur le ciblage.
Serait-ce pour donner à tous un petit oxygène permettant de jouer soit sur les prix, soit sur l’emploi, soit sur l’investissement ? C’est bien insuffisant ; comme l’a montré la suppression de la taxe professionnelle, l’allégement d’alors (correspondant à l’ordre d’un bon tiers du prix global de l’opération d’aujourd’hui) n’a rien rapporté de significatif à l’économie française. Ou est-ce, en s’imaginant que les entreprises exposées vont pouvoir payer en France moins cher leurs achats de prestations extérieures et de biens intermédiaires ; c’est supposer qu’il y aura répercussion en leur faveur et quand bien même celle-ci aurait lieu ici ou là, ce ne serait évidemment pas à une échelle significative. La bonne réponse – hélas - nous semble beaucoup plus simple : c’est pour faire taire la récrimination patronale.
Nous sommes en effet un peu trop gouvernés, comme toujours, par le souci du politique ; c’est ce qui déforme la réactivité d’une équipe se révélant peu capable de s’en tenir sur la durée à une analyse économique sérieuse, mais qui - n’ayant engagé (hors un peu en matière fiscale) aucun changement de fond est piégée par la contradiction qui affecte les socialistes depuis trente ans : chercher, toutes choses égales en matière européenne, monétaire et de commerce mondial, à faire bouger les lignes sociales de notre pays. Ce n’est guère possible, comme, malgré alors une petite brise conjoncturelle favorable, l’a montré l’échec de 2002. Chaque fois, la gauche est renvoyée à l’obligation de faire, certes, dans un style qui se veut différent, une politique étroitement cousine de celle de la droite libérale. Avec pour pivots de cette ligne de conduite le respect des réglementations européennes, et une stratégie globale au service coûte que coûte du maintien de et dans l’euro.
Dès lors, quoi d’étonnant à ce que personne non plus d’aucun milieu, politique, économique, médiatique, n’ait expliqué que si le saupoudrage a prévalu sur le ciblage, c’est parce que les réglementations européennes interdisent de porter directement ou indirectement une aide publique à tel ou tel secteur déterminé. Plus grave encore que l’erreur technique, ce qui est dramatique en cette affaire est la conspiration du silence qui pèse sur presque tout le monde en interdisant l’explication des facteurs fondamentaux ayant commandé de mauvais choix.
Le boisseau constitué par le système européen - qui est la religion gouvernant l’establishment de la base au sommet de l’État , de la droite à la gauche, des retraités qui semblent n’avoir guère beaucoup appris (comme Rocard et Jospin) à ceux qui venant d’entrer en « service actif » ont beaucoup à apprendre - , ce prêt à penser de l’Europe n’est donc nulle part désigné comme l’explication de nos impuissances : à nous protéger commercialement, à dévaluer alors qu’il le faudrait, à déterminer selon les intérêts de notre emploi des allégements à apporter ou les concours à donner à telles ou telles de nos activités. Quand ce n’est pas, comme hier, l’européisme cynique - celui qui s’appuie sur l’UE pour casser le modèle social français - qui guide nos pas, c’est l’européisme benêt d’aujourd’hui - celui qui croit que c’est dans l’UE qu’on peut trouver le bon champ de redressement et de progrès - qui triomphe à son tour. Bigots européens, réveillez-vous !
Le blog de Gérard Bélorgey : http://www.ecritures-et-societe.com
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