CONCEICAO GUADALUPE, UN FADO ORIGINAL

samedi 15 décembre 2012
par  Jean-Luc Gonneau
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Elle est venue tardivement au fado. Une enfance açorienne heureuse (« je chantais tout le temps ») sur l’île de Graciosa, ce qui lui va bien, malgré une vie difficile : huit frères et sœurs élevés par une mère seule, l’argent n’était pas abondant. A la préadolescence, elle chante à l’église, dans des réunions entre amis, est invitée de temps à autre, ce qui inquiète la maman attentive, qui limite les sorties hors l’église, l’empêche même d’aller à Lisbonne représenter les Açores dans un concours de chansons. Et puis cette parente qui a l’idée baroque de la faire entrer au couvent (« Tu as huit enfants, tu pourrais en donner un au seigneur »), mobilisant même une assistante sociale pour tenter de persuader sa mère. On se croirait dans un roman du temps d’Eça de Queiroz. Mais la maman tient bon et envoie promener sans ménagement la parente bigote. Puis un mariage qui tourne mal malgré un enfant qui vient vite. Si mal que Conceição Guadalupe débarque à Paris avec son jeune fils, une valise (pas en carton, tout de même) et un sac à dos.

« Le premier fado que j’ai chanté en public, c’est au Coimbra do Choupal, le restaurant de Manuel Miranda, pendant le réveillon de l’an 2000. C’était d’ailleurs le seul fado que je connaissais. Quelques mois plus tard, Acacio Nunes, un ami « boemio do fado » m’a suggéré de participer à un concours de fado, comme il y en avait tous les ans à l’époque ». Dans le jury, des fadistes confirmés : Joaquim Campos, Cinda Castel, Nuno de Aguiar, figure du fado à Lisbonne, qui passait quelques temps à Paris. Conceição remporte le concours, ce qui l’encourage à persévérer. Joaquim Campos l’aidera au début à connaître le milieu du fado parisien. Parallèlement, elle chantera dans un groupe (Splash) de musique populaire de variétés portugaises. En 2002, elle est embauchée au Parc de la rue Cardinet, ou elle restera trois ans, variétés les vendredis soirs, fado les samedis. Depuis, Conceição Guadalupe n’a pas cessé de se produire, dans les restaurants de fado, les fêtes associatives, les concerts d’églises et autres lieux. Quatre CD de fados entre 2002 et 2011 (plus deux de variétés). Elle fait partie des fadistes qui travaillent le plus régulièrement, tout en continuant à assurer des spectacles de variétés, concevant aussi un concert dédié à Edith Piaf. Paulo Manuel, fadiste distingué et ami, témoigne : « J’ai assisté à un concert Piaf de Guadalupe dans une église, j’ai été bluffé ».

Cette constance dans le succès, Conceição Guadalupe la doit probablement à un registre vocal étendu, une façon très personnelle, mêlant sensualité et émotion d’interpréter le fado, à un contact chaleureux avec le public. « Je n’ai pas de modèles, j’écoute Amalia aussi bien que les vedettes actuelles du fado, Mariza ou Katia Guerreiro et je pioche ce que je pense me convenir le mieux, en espérant que des auteurs pourront me proposer des fados originaux ». Cette originalité cette sincérité aussi, ne lui a pas valu que des amis, mais ceux-ci sont nombreux et fidèles. « En écoutant des fadistes comme Guadalupe, dit l’un de ceux-ci, je fais l’hypothèse que le fado, c’est peut-être une façon de revanche sur la vie pas toujours facile en même temps qu’une volonté de dépasser ces contingences par l’émotion tragique, le jeu des sens, le sourire aussi ».

Ces prochains jours, nous aurons l’opportunité d’aller écouter Conceição Guadalupe en deux occasions : l’inauguration de soirées de fado au restaurant Terminus de Neuilly-Plaisance le 14 décembre, et, une semaine avant, le 7, à une soirée « Tous les fados du monde… ou presque », que Cactus-Coin du Fado organise régulièrement, aux Affiches, place Saint Michel à Paris, et auxquelles elle participe depuis leur création, voilà bientôt deux ans. « Ces soirées sont un bonheur, un public très attentif et amical, très varié aussi, beaucoup de français qui découvrent le fado, des gens des quatre coins de la lusophonie, des « étrangers de Paris » amateurs de musiques du monde, et un programme où le fado rencontre d’autres musiques tout en restant le fado ».

Ce texte est également paru sur www.lusojornal


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