PAS DE GRANDES CHANCES DE COMPETITIVITE EN RESTANT DANS L’EURO ET SANS POLITIQUE TRES SELECTIVE

jeudi 20 décembre 2012
par  Gérard Bélorgey
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Il n’y a sans doute pas de solution de compétitivité dans l’euro. Toutes les préconisations avancées sont à la fois insuffisantes à elles seules et, pour leur part nécessaire à mettre en oeuvre, si difficiles à être acceptées qu’elles ont besoin d’un accompagnement stratégique mobilisant les Français. Les transferts de charges de cotisations sociales vers des impôts directs ou indirects sur les ménages peuvent certes stimuler la capacité d’offre à meilleur prix (pour autant que les entreprises répercutent les allégements, ce qui n’est pas plus garanti par le recours à la CSG, préférée pour des motifs idéologiques, que par une TVA sociale plus protectrice aux frontières et que l’on aurait pu sculpter intelligemment, si elle n’avait été bannie un peu vite), mais peuvent plomber une croissance déjà nulle en diminuant la demande ; et ces transferts seraient, de surcroît, porteurs de crise politique et sociale, d’une profonde aggravation de la crise de confiance, puisque le programme des gouvernants actuels n’avait jamais fait clairement état de ce besoin.

Tout ce qui est soutien par la recherche, par plus d’investissement, par le crédit, etc. suppose des capacités directes ou indirectes de concours publics qui sont largement incompatibles avec la paranoïa de compression de la dette. De toute façon, à l’échelon des échanges mondiaux, le différentiel d’amélioration que rechercherait une diminution du coût du travail est totalement marginal par rapport à la capacité de plus bas prix qui est structurellement l’avantage concurrentiel absolu des pays émergents (par leurs niveaux restant imbattables, chez eux ou par recours à de plus pauvres encore, de salaires, par le mépris de l’environnement, par l’absence de charges publiques et sociales d’un niveau comparable aux nôtres). Au sein de l’Europe c’est presque pire : la structure de coût des pays de l’Est européen est tout à fait cousine de celle des pays émergents et l’évolution des coûts des pays du Sud est aujourd’hui marquée par un décrochage marqué de leur coût travail par rapport aux coûts français.

L’inadéquation de l’euro à l’hétérogénéité européenne a pour conséquence que c’est l’économie allemande qui en est toujours bénéficiaire, soit parce que cette devise forte lui permet de s’approvisionner à bon compte, notamment en composants industriels dans son hinterland, soit, si l’euro fléchit un peu, parce que ce sont les exportations du pays déjà le mieux déjà placé qui se trouvent d’abord stimulées pour ces raisons que l’on connaît bien : l’avance allemande traditionnelle dans l’automobile, la machine-outil et la robotique, souvent la chimie, les applications de l’énergie, appuyée sur un tissu de fortes PME servies par un dialogue et une formation professionnelles souvent plus performants que les nôtres, et avec le fait - comme de récentes études le confirment - que la déflation salariale peut être assez bien supportée par les ménages d’outre-Rhin qui payent leur logement trois fois moins cher qu’en France ; enfin l’avantage automatique des entreprises aux marques réputées que pour des coûts du travail du même ordre de grandeur que ceux de la France, le prix unitaire de leurs ventes est beaucoup plus élevé, ce qui leur assure les marges qui manquent aux nôtres.

Au plan monétaire, plus généralement, la sous-évaluation de devises étrangères par rapport à l’euro, sous-évaluation qui a considérablement empiré au cours des récentes années sauf dans la toute récente période, constitue le facteur dominant qui se combinant avec les structures de coûts, fait que la capacité concurrentielle française est très malmenée. Pour faire bref, il est clair dans ces conditions, que tout effort (choc ou trajectoire) de productivité, à rechercher évidemment par de significatives mesures internes à la France, ne pourrait trouver son sens et sa portée que par un accompagnement de politique économique extérieure dont les deux volets seraient une part indispensable de protection commerciale à négocier dans le cadre d’accords de réciprocité, ce que l’on ne peut guère attendre de l’UE qui n’a même pas voulu mettre sous surveillance les exportations de voitures coréennes, et une dévaluation (fortement compétitive) qui le seul moyen de remettre les pendules à l’heure, d’avoir des effets à certains titres comparables à des hausses fiscales, sans les mêmes chocs psychologiques et sociaux, avec, il est vrai, l’inconvénient d’une mauvaise visibilité politique dès lors qu’on ne peut pas toujours savoir quels impacts réels résultent des augmentations des prix des produits importés sur les pouvoirs d’achat et les capacités d’épargne des différentes catégories socioprofessionnelles et classes d’âge de la société, encore que le progrès social global ait bien été compatible avec l’inflation qui a marqué les "trente glorieuses".

Or la dévaluation de l’euro, autant qu’une inflation plus forte et une monétarisation partielle de la dette, ce qui irait de pair, étant proscrite par le dogme européen, ce constat met en exergue que la solution en matière de compétitivité ( comme en d’autres domaines) passe sans doute au premier chef par la sortie de l’euro : sans dispenser de profondes réformes internes distribuant de manière plus pertinente qu’aujourd’hui les charges d’une protection sociale qu’il faut sanctuariser et, notamment pour ce faire, en révisant les priorités des missions de l’ État et des collectivités publiques qui, par contre, se dispersent beaucoup trop dans d’autres dépenses plus discutables. Telle révision serait à la fois le moyen d’engager les Français dans une réflexion collective et d’augmenter la compétitivité nationale, en cessant de subventionner de fait un certain nombre d’activités qui sont dans des positions de rentiers, ou, pour le moins ne sont pas exposées à la concurrence mondiale et se permettent, pour leur part, des marges brutes appréciables sans beaucoup de retours d’intérêt collectif ou pour l’emploi.

Soutenir la compétitivité doit donc aussi être conduit de manière très sélective, d’une part en triant de manière très exigeante dans la dépense publique, et d’autre part en excluant du bénéfice des allégements existants ou éventuels de charges les entreprises non exposées qui en ont tiré et/ou en tireraient surtout des effets d’aubaine. Et cette sélectivité ne doit pas être entravée par l’obligation de respecter quelque "concurrence non faussée" que ce soit.

Le blog de Gérard Bélorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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