ECONOMIE : « C’EST PLIE… POUR LE PIRE ?

mercredi 13 février 2013
par  Gérard Bélorgey
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Au moment où la presse du jour se centre à la fois sur la négociation entre nos partenaires sociaux et sur, à la faveur d’ exemples de "réindustrialisation", les thèmes de Davos, où revient donc la question récurrente de savoir comment faire entre les besoins de rigueur et de compétitivité et ceux de soutien économique et social par la demande, et où, comme à l’accoutumée, toute cette problématique est mutilée par le fait qu’on ne considère jamais les choix européens comme des options pouvant être changées, mais que l’on raisonne toujours, à l’exemple d’un certain Lenglet, comme si l’Europe était un variant intouchable, il faut, quitte à être répétitif, mais pas plus que les orthodoxes, revenir à l’essentiel. La vraie question, à mes yeux, est que le seul assouplissement possible, pour avoir à éviter de choisir entre de nombreux chômeurs et, comme en Allemagne par exemple, de plus en plus de travailleurs pauvres et précaires, et pour pouvoir bien doser entre rigueur contre la dette et politique de la demande, serait dans une politique monétaire qui pourrait admettre et saurait gérer une part de "monétarisation" de cette dette. Voilà ce qui signifierait plus d’inflation, et une dépréciation de la devise (la dévaluation est à certain stade d’encrassement de la croissance nationale le seul moyen de contribuer à remettre les pendules à l’heure : vieille solution classique pouvant être dangereuse s’il n’y pas vigilance et moyens pour éviter ou compenser des effets sociaux pervers de l’inflation). Mais la mécanique européenne (dont l’euro et la BCE) interdit totalement cette politique-là pourtant conseillée par de grands économistes .

Si l’on ajoute à l’impuissance monétaire, les effets destructeurs du libre-échange (qui continuent à être totalement minimisés parce qu’on ne tient pas compte des localisations d’activités "ex nihilo", ni des phénomènes de placements financiers croisés qui vont de pair et mettent les vieux pays à merci des énormes capacités d’investissement accumulées par les prédateurs du commerce mondial et utilisées par des colonnes de "fourmis" entreprenantes), ouverture commerciale et financière qui est le second pivot idéologique de l’Europe comme du néo capitalisme qui y tient plus qu’à tout), les effets de ciseaux qui résultent de ces « deux fondamentaux » garantissent le pire. Celui-ci, qui est en marche, est que les économies des "pays avancés" ne pourront, au demeurant que très mal, faire face aux concurrences de prix et de rentabilités financières des pays émergents (low cost et pour longtemps, fut-ce avec exploitation de plus pauvres qu’eux) qu’en acceptant de voir une proportion de plus en plus significative de leur population obligée à vivre des régressions sociales, d’autant que se cumulent, en poussant toutes dans ce sens, les compétitivités extra européennes et celles des pays de l’est et du sud intra européen (sans même parler de la Grande Bretagne où Thatcher règne plus durement que jamais ).

Or, comme cette part de population condamnée à la régression par l’application des deux fondamentaux précités reste néanmoins minoritaire, ces défavorisés ne peuvent pas trouver de moyen de prendre la main qui est tenue par les "pourvus" conduisant - et conduisant avec succès - au nom de la vertu économique, une nouvelle lutte des classes... contre tout ce qui, en sécurisant trop les plus modestes, empêche l’ajustement aux exigences concurrentielles demandant dérèglementation et diminution du coût du travail . Et ce n’est pas la recherche marginale - et difficile (voir l’affaire des pigeons et autres) car contraire à la logique de l’investissement privé qui est le carburant dominant - de quelques mesures d’équité fiscale qui peuvent constituer des pansements suffisants, ni des contrepoids efficaces...

Selon la formule des gens de droite et le constat de résignation de bien des gens de gauche, "c’est plié" : sauf sérieuses remises en causes (ce qui n’est aujourd’hui guère concevable ni à un échelon européen, ni dans le champ national) de stratégies qui sont restées inchangées, je ne discerne, à moins qu’ un nouveau grand spasme systémique affectant tout le monde se produise et ouvre à nouveau toutes les hypothèses, aucune équation qui pourrait favoriser une "sortie de crise" (car ce n’est pas une "crise", mais c’est une situation structurelle) et notamment qui pourrait laisser espérer un meilleur emploi marchand français à un horizon prochain. Je m’attends plutôt à la montée politique de l’extrémisme fusionnel Copé/Le Pen qui porte l’autoritarisme sociétal, sans pouvoir être à même, évidemment puisqu’il est tenu par une droite transversalement "populaire" mais restant majoritairement "libérale", de dégager un autre type de proposition de sécurisation de la nation que par la chasse aux catégories dangereuses et aux immigrés et par la promotion, sans garde-fou ni contreparties humaines - des valeurs de conformité et de rendement à tout prix. Cette société devient ainsi de plus en disciplinaire en se le cachant à elle-même grâce aux illusions que donnent les si bienvenus divertissements qu’offrent médias et NTIC et grâce aux très dangereuses dérives de ses moeurs privées dont tous les libéralismes célèbrent les valeurs d’épanouissement personnel. Les seules disciplines qu’en fait ce monde récuse sont celles qui nourrissent la vertu.

Post-scriptum : ayant lu mes propos ci-dessus l’un de mes correspondants m’a adressé pour mon information le rapport de Terra Nova sur une "politique de compétitivité, ce qui m’a conduit à lui répondre. Je connais ce rapport comme à peu près tout (depuis que j’ai été... en 1986/87, délégué à l’emploi, en fait délégué aux pansements contre le désemploi, et jusqu’ à maintenant) ce qui a été produit de divers horizons et compétences sur la question ( y compris par l’association des élus intéressés, sous présidence Moscovici, je crois, par l’industrie automobile...) et en tant qu’ancien responsable d’activités industrielles et professionnelles, j’ai les références qui me permettent en connaissance de cause d’adhérer à ces préconisations, ce qui ne dispense pas, en outre, de la réflexion sur une part de "monétarisation" de la dette.

Mais je reste sur ma faim faute de sélectivité car l’effort devrait être centré sur les secteurs exposés. Sans sélectivité, c’est saupoudrage (comme la suppression de la TP, ce qui n’a guère profité aux entreprises les plus fragiles) et même gaspillage (car tous les bénéficiaires d’un soutien (mon coiffeur, la banque, la grande et la petite surface, certaines activités non délocalisables de TP et construction, en fait, quasiment tous les services de proximité, etc..) n’en ont aucun besoin (c’est un effet d’aubaine) si bien que le crédit d’impôt choisi est beaucoup trop extensif, à mon sens, .. et que l’aide pour les plus exposés reste en conséquence assez marginale.

Comme fréquemment, l’intérêt très fondé de certaines situations entrepreneuriales a ouvert une voie bien moins légitime pour toutes les activités (qui beaucoup sont loin de faire pleurer ou dont les difficultés - disparition de marchés, mauvaises créativités, mauvais arbitrage entre dividendes et investissements, etc.) n’ont pas grand’ chose à voir avec des insuffisances de taux de marge et de bénéfices). On peut bien sûr soutenir, en théorie libérale pure, que tout ce qui diminue un coût quelconque est bon pour tous et spécialement pour ceux qui doivent serrer leurs prix puisque leurs approvisionnements externes et leurs recours à des services leur reviendraient moins cher. C’est très discutable ; parce que c’est une grande dilution ; et parce qu’elle n’est même pas garantie, les répercussions des effets d’aubaine pouvant aller plus aux marges qu’aux écrêtements de prix et aux investissements. Je crois hélas connaître les raisons qui rendent un ciblage efficace difficile à concevoir, sinon impossible : les règles européennes (auxquelles on pouvait échapper par l’exception des RUP) mais qui, sauf si on gagne une bataille politique pour les faire modifier, permettraient de contester des sélectivités en faveur industrie, agriculture, transports, ces secteurs qui concentrent les 2 millions environ d’ "emplois nomades" sous menaces disparition en France métropolitaine..." Pour l’instant je n’ai pas eu de réponse.

Le blog de Gérard Bélorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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