PAULO MANUEL, "BOHEMIA DO FADO"
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Voici quelques semaines, Paulo Manuel était l’artiste invité lors de la soirée fado hebdomadaire de l’Arganier, et fêtait pour l’occasion son anniversaire. Belle soirée de fado, sous les auspices de Sousa Santos, autre distingué fadiste et maître des cérémonies du lieu, et la participation des nombreux amis de Paulo (Conceição Guadalupe, João Rufino, Antonio Santos, d’autres encore, sans oublier les guitaristes « maison » Manuel Corgas, Flaviano Ramos et Tony Correia). L’occasion d’échanger avec Paulo à propos du fado.
Avant d’arriver en France, le jeune Paulo Manuel était déjà un habitué des soirées de fado de son quartier de Chelas, près de Lisbonne, fêtes entre amis, car Paulo aime les fêtes entre amis, soirées associatives, virées dans quelques maisons de fado. Il arrive en France en 1987 pour passer les fêtes de fin d’année avec son frère installé ici… et ne repartira plus ou presque, tout en retrouvera Lisbonne chaque été. Beaucoup de fadistes ici, en France, exercent une activité professionnelle hors le fado, qui ne nourrit que rarement son homme (ou sa femme). Paulo aussi, menuisier et ébéniste. Ce qui est plus rare, c’est que Paulo Manuel aime et son métier, et le fado. Mais parlons fado.
A Paris, il s’intègre rapidement au milieu fadiste. Venu chanter à L’Express de la rue Cardinet, disparu il y a peu, et à l’époque dirigé par M. Oliveira puis par Nuno Alves, il fera partie quelques temps de l’équipe fadiste de la maison, apparaîtra souvent à la Belle Epoque et au Palacio das guitarras, autres lieux disparus, côtoyant notamment les regrettés chanteurs guitaristes Arem Pinto et José Machado, la chanteuse Celeste Branco, et notre insubmersible guitariste-chanteur-compositeur-patron de restaurant Manuel Miranda, figure historique et ô combien active du fado francilien. Puis, comme beaucoup de ses collègues, il se produira dans les lieux de fados habituels, restaurants, fêtes associatives, spectacles, participera aux concours de fado qui eurent lieu dans les années 90. Influencé à ses débuts par des fadistes de tradition « bairrista », Artur Batalha ou Fernando Mauricio, il évoluera par la suite en reprenant des thèmes de Tristão Da Silva ou Carlos Do Carmo, dont il apprécie l’approche mélodique, en agrégeant toutes ses influences dans son propre style.
Ces influences croisées ont permis à Paulo Manuel de se mettre au service d’un répertoire étendu qu’il exprime avec élégance et évidente bonne humeur. Le fado, c’est la vie, et Paulo est incontestablement un bon vivant à la chaleur communicative, qui en fait un des tout meilleurs interprètes de fado à Paris. « Ce que j’aime par-dessus tout, dit-il, ce sont les soirées amicales, les soirées de bohème. Chacun peut y chanter, certains très bien, d’autres pas très bien, des beaux et des moches, mais tous y mettent leur cœur et l’offrent en partage ». Là où certains voient dans l’arrivée dans le monde du fado parisien de nouveaux visages une concurrence (ce qui se comprend : les lieux de fados ne sont pas si nombreux), il préfère se réjouir du renouvellement signe de bonne santé. Et tant mieux si de plus en plus de jeunes sont séduits par le fado et s’y dédient.
Contrairement à beaucoup de ses collègues, Paulo Manuel n’a pas enregistré de CD. Pas l’opportunité, pas forcément le désir. Après tout, si le fado c’est la vie, l’enregistrer est peut-être une façon de le mettre en cage, et visiblement, Paulo Manuel n’aime pas les cages. Et on se souviendra à ce propos de l’extrême réticence du grand Alfredo Marceneiro (menuisier lui aussi) à se rendre dans un studio d’enregistrement.
Cet article est également paru dans Lusojornal, numéro du 10 avril 2013
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