POPULISMES DE GAUCHE

mardi 9 avril 2013
par  Jacques Broda
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Entendre l’Internationale à Metz, le 23 janvier 2013, huit mois après les présidentielles, voir les sidérurgistes en luttes, demander - enfin - la nationalisation de la sidérurgie, voir les responsables du Front de Gauche, les travailleurs en lutte, des jeunes (drapeaux rouges en verve), réchauffe le coeur. Ici, nous prenons à contre-pied, le danger du populisme de gauche sur lequel je voudrais m’attarder.

Une nouvelle déception (désillusion, échec) ouvrira la porte à la fusion du populisme de gauche avec le populisme (déjà organisé) de droite. A gauche, il existe un populisme, une forme de pensée qui évite le détour de la pensée, une forme d’action qui évite le détour de l’organisation, une forme de pratique qui évite la théorie, une forme de désir proche de la pulsion. Le populiste de gauche, peut faire vivre en lui des contradictions cruciales : défendre son entreprise mais pas l’emploi pour tous, son métier mais pas tous les métiers, son coeur est à gauche, mais peut-être très ambivalent quant au racisme, la misogynie, l’homophobie.

Nous avons fustigé, dénoncé, critiqué à juste titre le populisme de droite. A l’intérieur de la gauche il existe des avatars extrêmement vivaces qui peuvent très vite basculer vers son extrême si rien du réel ne change et si rien de la conscience de la nécessaire action collective quant à la transformation de ce réel émerge, ce qui exige un effort critique de pensée et d’action. Ici l’action, la stratégie actuelle du Front de Gauche, est salutaire, car elle maintient en éveil les consciences et fédère les luttes. Il nous faut à tout prix éviter l’apathie, l’attente désabusée, la critique désenchantée, stérile du « tous pareils ».

J’ai décrit deux figures types chez les jeunes : « le délinquant passif », et « le résistant actif ». Une étudiante me dit : « Monsieur, c’est plus compliqué, en semaine je suis résistance active, le week-end je suis délinquante passive ». Le populisme de gauche est pris dans une contradiction identique, entre conscience, identités, paroles et pratiques. Véritable bras de fer à l’intérieur du sujet. Il dé-transcende en idéologie la contradiction Capital-Travail.

Ravages du second tour des législatives. Dénier ou désavouer, ne fait pas avancer la cause. Le critère de la vérité, du savoir-vérité, de la connaissance réside en la pratique (politique). La pratique par son effet rétroactif, saisie par l’expérience et son récit participe de la prise de conscience et de la transformation subjective. Dans la psychanalyse le transfert est la pratique du savoir insu : il advient à la conscience. En politique le trans-faires, comme croisement des expériences multiples de la multitude, critère de la pratique, transcendance du faire en action, de l’action en savoir, du savoir en connaissance, de la connaissance en désir, du désir en projet. Le désir n’est pas à l’origine, mais au bout ; il n’est pas le moteur mais le sens. L’inversion de l’ordre des causalités conduit au désastre, car elle laisse la place, le champ libre à la pulsion. Véritable mystification où la pulsion se nomme désir, exerce sur lui (ou plutôt son embryon) une véritable dictature, au nom de l’éphémère, de l’ici et maintenant, du principe de plaisir, sans principe.

Le populisme de gauche jouit des pulsions sociales (prendre aux riches), d’exclusion (jusqu’à la petite différence), d’ethnicisation du rapport social, jamais analysés dans la toute prégnance de son être-au-monde aliéné au désir de l’Autre, à la pulsion du même. Cette forme est insoluble, insolvable, car elle s’oppose, voire s’insurge, contre tout détour de la pensée, de l’action et de l’organisation à long terme, c’est-à-dire, la construction du désir. Freud innove, quand il dit ’l’analyste n’interprète pas, il construit’. L’analyse construit la pièce manquante de l’appareil psychique, le Parti construit la pièce manquante de l’appareil politique. Au prix, au danger toujours prégnant de ne pas devenir à son tour un appareil en soi, un appareil pour soi.

« Le peuple est las d’attendre, il en a assez... lorsque s’est éveillé en lui, avec une incroyable rapidité, la soif d’agir ; alors les paroles les plus chaleureuses, les plus cordiales, même prononcées à une tribune aussi élevée que la Douma, ont commencé à lui paraître ternes, ennuyeuses, inintéressantes, les ouvriers se sont lassés d’attendre et la vague des grèves s’est mise à monter irrésistiblement, les paysans se sont lassés d’attendre... Tous comprennent la nécessité suprême d’une action prolétarienne et paysanne ferme, tenace, préparée, concertée et coordonnée... Lénine, V.I ; « Oeuvres Complètes », Tome 11, Juin 1906-Janvier 1907 », Paris-Editions Sociales, Moscou-Editions du Progrès, 1966.


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