LE COUPLE FRANCO-ALLEMAND : ON DIVORCE ET ON RESTE COPAINS ?
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Au moment même où le mariage devient « pour tous », le « couple franco-allemand » bat de l’aile. Tension amicale, dit le président. Non plus que cela, confrontation, propose le président de l’Assemblée, numéro 4 de la République. Meuh non, rétorquent le premier ministre et le ministre de l’Intérieur. Bref, côté français, c’est pas la joie, même si les degrés sont divers. Côté allemand (on n’en est pas encore à dire teuton, ou boche, ou chleuh, ce qui indique que rien n’est irrémédiable), rien n’est dit à propos de la tension-confrontation. Pas la peine, nous ne savons que trop la piètre opinion qu’ont de la France les dirigeants allemands, à quelques exceptions près.
Comme toujours lorsqu’un couple bat de l’aile, il ne manque pas d’amis ou de familiers réels ou supposés pour s’affliger de la situation. Pensez-donc, le couple franco-allemand, le moteur de l’Europe ! Une brouille et c’est la cata, tout foutra le camp, l’Europe, l’euro, la paix, veaux vaches, cochons, couvées. Il en est d’autres, goguenards, qui considèrent que ce n’est pas un drame. Les intérêts comme les amours vont et viennent aux grés des vents de l’histoire. Le couple moteur de l’Europe, ce fut le cas dans les années 1960. Et pour cause : dans une Europe à six pays dont trois (ceux du Bénélux) de petite taille, et un autre, l’Italie, alors loin du niveau de développement de la France et de l’Allemagne, les deux gros étaient condamnés à s’entendre. Et encore : tant qu’il fut aux affaires, l’ombrageux général de Gaulle fit souvent chambre à part. Depuis, beaucoup d’eau, de plus en plus polluée, a coulé sous les ponts européens. 27 pays, bientôt 28, dont des gros, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Pologne. Difficile pour un leadership à deux, même si les deux en question le voulaient. En fait, le moteur est devenu sous-dimensionné pour un bâtiment grandi trop vite, devenu obèse, géré, mal, par une bande d’aveugles, tiré à hue et à dia par des intérêts de plus en plus divergents. Et peut-être bientôt simple barge amarrée aux Etats-Unis si le traité atlantique nord se réalise. Un traité poussé par… l’Allemagne et, comme toujours dès que les Etats-Unis bougent l’oreille, la Grande-Bretagne. Un traité à propos duquel la France arbore une timidité de violette, une discrétion de rosière, à peine une sorte de minimum syndical pour tenter d’en exclure le secteur culturel. Un secteur dont tout le monde à Bruxelles se tamponne. La dette et la finance, ça oui, c’est du sujet sérieux. La culture ? Et puis quoi encore ?
Dans ce barnum européen, l’Allemagne seule, avec 18% de la population, est en état d’imposer ses vues à la plupart de ses partenaires. A condition de ne pas chercher à faire des misères à la city de Londres. A condition que la France reste bien sage, brave garçon, ce Ayrault, qui a bien fait d’apprendre l’allemand. A condition que le sud ne s’enflamme pas. Le « moteur » franco-allemand n’a plus d’utilité. Sarkozy avait entretenu l’illusion qu’il fonctionnait encore quand déjà il s’agissait d’un moteur allemand avec un passager français.
L’avenir de l’Europe nous semble dépasser largement les problèmes ménagers du couple ex-moteur. Devons-nous nous résigner à une Europe définitivement libérale, ou bien souhaitons-nous une Europe sociale, dont les états retrouvent les marges de manœuvre étouffées par des traités européens qui, rappelons-le, n’ont que rarement été soumis à la ratification des peuples, et parfois refusés par eux, mais appliqués quand même ?
Et puisque nous évoquions précédemment la culture, revenons-y. La France occupe géographiquement une position centrale qui en fait la voisine, au nord, d’une culture saxonne et, au sud, d’une culture latine. Celle-ci, tout au long de l’histoire, a prédominé, imposé la langue, les emprunts celtes et saxons n’ayant que mâtiné le latin à la marge. Historiquement, la France est un des plus anciens états-nations européens, avec le Portugal, l’Espagne et l’Angleterre. L’Allemagne et l’Italie sont de factures plus récentes, même si les civilisations allemande et italienne sont très antérieures. Au cours de l’histoire, c’est probablement avec l’Italie que les échanges culturels furent, pour la France, les plus importants. Il y eut une mode, et un peu plus, anglaise au 19e siècle, allant probablement de pair avec une époque où la liberté d’expression était mieux assurée à Londres que dans le Paris de la Restauration. Il y a aujourd’hui l’envahissement anglo-saxon, qui est un vrai sujet politique, celui de la diversité et donc de l’exception culturelle. Avec l’Allemagne, la porosité culturelle n’a jamais été très prégnante. Comme si, frivole au sens agréable du terme, la France culturelle avait presque toujours préféré le sud, supposé ensoleillé, au nord, supposé brumeux. Il n’y a donc pas, il n’y aura pas de souffle culturel dans l’attelage franco-allemand ou ce qu’il en restera.
Et puis d’ailleurs, dans les aléas des couples modernes, une séparation, un divorce, ce n’est plus la mer à boire. On peut rester copains. Il n’est pas question de se fâcher avec l’outre-Rhin, mais de rappeler que nous sommes de gauche, que Merkel est de droite, et que cela vaut bien une confrontation, et le mot lui-même nous paraît timoré.
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