LE CONCOURS D’ERREURS ENTRE HOLLANDE ET SES OPPOSANTS INTERNES

jeudi 2 mai 2013
par  Gérard Bélorgey
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Il est bien évident que la ligne européiste française n’est pas la bonne pour trouver l’emploi. Il faut donc essayer de comprendre, en sortant de la contre-productive et certainement maladroite attaque de l’Allemagne merkelienne (laquelle plaît au contraire à une bonne partie des modérés français, ce que comprend bien la droite qui va encore gagner sur ce terrain comme sur beaucoup d’autres), ce que l’opposition socialiste interne propose. On perçoit certes qu’elle rejette l’austérité ; mais les Hollandais ont raison de dire que cette austérité n’est pas d’ores et déjà installée en France. On ne s’est pas, en effet, encore frontalement attaqué aux allocations retraite, chômage et, pour trouver de grosses économies plutôt qu’en réformant enfin le mille feuille administratif (qui a l’intérêt supérieur de nourrir les réseaux politiques locaux) en taillant dans l’assurance maladie. Mais soyons sûrs que ces régressions sociales sont pour demain s’il n’y a pas de politique de rechange. Quelle est donc, derrière les déclarations de principe, la ligne que propose la "gauche" socialiste ? Une interview de Emmanuel Maurel que vient de publier" l’Économie Politique - N° 58" nous éclaire concrètement et tristement. On en retiendra effet, en réponse à la question "si vous étiez aux manettes, quelle politique engageriez vous ?" les trois points suivants.

"Une relance par la consommation". Toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire sans maîtrise monétaire et commerciale, on sait que ces choix, s’ils sont socialement équitables, seraient économiquement suicidaires : en dilatant, par l’effet de demande, dès lors qu’il n’y aurait pas de protectionnisme, les importations des pays à bas prix de revient ; en compromettant les facultés de la compétitivité (assurer celle-ci en obtenant comme c’est suggéré un Smig européen relève de la fantaisie) ; en exigeant des ressources fiscales supplémentaires pour les minima sociaux... qui ne pourraient être, comme les services publics essentiels d’ailleurs, bien améliorés que si nous étions en économie protégée. "Une relance de l’investissement par le développement des infrastructures publiques et en bâtissant une stratégie de filières". Très bien, mais avec quelles ressources ? La troisième proposition (fusionner impôt sur le revenu et CSG) n’est pas assortie de l’idée d’une augmentation du produit fiscal assuré. C’est qu’en fait, comme l’illustrent ensuite des propos convenus sinon insipides sur les entreprises, pas plus que ne sont posées les questions clefs d’un protectionnisme européen et d’une souveraineté monétaire française au moins comparable à celle que la Grande Bretagne s’est garantie hors euro, l’interviewé n’aborde pas le débat de savoir quelle type de modèle économique doit être préféré.

Doit-on continuer dans le sens d’une économie que l’on veut certes réguler, mais où, dans le droit fil de l’idéologie des privatisations, l’investissement privé est le ressort de l’activité (ce que dit au fond le Président lorsqu’il voit dans l’entreprise le cœur (exclusif ?) de la croissance), ou doit-on restaurer l’idée qu’une économie doit être mixte pour être équilibrée, c’est à dire avoir deux piliers : l’entreprise et la puissance publique. Une économie qui ne passe que par l’entreprise est forcément essentiellement financée par l’épargne et l’investissement privés. Et pour avoir ceux-ci, il faut qu’existent structurellement de profondes et permanentes inégalités de revenus qui fournissent son carburant au système. Seule une part de financement public de l’investissement, par combinaison de la fiscalité, de l’emprunt et de la rentabilité même d’investissements publics précédents, peut réapproprier la communauté nationale, diminuer les inégalités ou ne plus en faire une fatalité, et permettre des choix stratégiques de filières, voire de saisir des opportunités de profits. Il n’est pas nécessaire pour cela d’avoir un secteur nationalisé. Mais il faut un système de contribution publique à l’investissement lui conférant le devoir d’intervention dans certain cas et un droit d’association à des opérations très profitables dans d’autres. Pour y parvenir c’est une autre conception d’une banque publique d’investissement que celle qui a été mise en place qui serait nécessaire. Si l’interviewé pointe les insuffisances de la loi bancaire (encore qu’on se fasse beaucoup d’illusions sur les vertus qu’aurait une plus forte séparation entre "dépôts" et activités d’"affaires"), il n’envisage pas un instant que l’un des outils d’une stratégie nouvelle serait dans un rôle de banquier d’affaires à conférer à la puissance publique.

En bref l’opposition socialiste interne ne sort pas des clous. Elle ne traite pas de la pertinence ou de l’inadéquation de la construction européenne et de l’euro et ne demande pas une vraie renégociation qui, bien au delà de crédits pour la croissance, doit poser les questions de l’exercice du pouvoir monétaire et de la mise en cause du principe d’ouverture commerciale. Elle ne traite pas du besoin d’une intervention publique économique dotée de légitimité démocratique, de capacité juridique et de moyens effectifs de participation financière à des opérations devant non seulement répondre à de nouveaux besoins de civilisation, mais aussi être, sous des délais raisonnables, capables il ne faut pas laisser aux privés le monopole des prises de risques et faculté de profit) de rentabilité capitalistique au bénéfice de la Nation.

Ces propositions "de gauche" sont aussi dangereuses que les politiques mises en œuvre, parce qu’elles s’inscrivent pareillement dans un profond conservatisme social libéral européiste : celui qui a fondé l’Union Européenne sur l’illusion de l’harmonisation par le haut et l’euro sur les démissions nationales ou les incompétences de ses fondateurs ; celui qui prend pour un dogme l’absence de la puissance publique parmi les grands acteurs nécessaires à l’expansion économique dans l’équité sociale.

Un petit billet à propos du SMIG en passant :

On ne fera croire à personne qu’un " coup de pouce" sur le SMIG eut menacé, tout au contraire, l’économie française. On réunira tous les gens de bon sens sur le constat que la variante d’inflation prise en compte dans le calcul de l’automaticité est ridiculement sous-estimée : bien des produits alimentaires dont les prix montent ne sont pas pris en compte ; les charges de logement (alors que le véritable avantage de l’économie allemande est qu’on peut se loger beaucoup moins cher outre-Rhin qu’en France) n’y ont pas leur place ; le prix du gaz et ses rattrapages - non plus !

Il est donc vrai qu’il faut revoir le mode de calcul et qu’y placer une croissance en berne serait aujourd’hui une mauvaise manière pour ceux qui sont au SMIG ou en dépendent de près. Mais dans l’attente de cette révision, sur l’esprit de laquelle beaucoup de gens sont devenus défiants à l’égard du gouvernement, celui-ci se conduit non seulement mal, mais selon un ridicule qui va le marquer : le symbole d’un socialisme à 3 sous.

Le blog de Gérard Bélorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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