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CINEMA : VIADUC A BOBINES

vendredi 12 juillet 2013
par  Alexis Lucas
popularité : 11%

N’allant plus très souvent au cinéma, lorsque cela se produit j’estime qu’il est bon que tout le monde en profite. Et profitant justement du remarquable viaduc de mai (du 8 au 12 ; on se plaint de Hollande mais franchement, vous vous souvenez d’un truc pareil sous Sarkozy ?), j’ai effectué quelques plongées dans les salles obscures (parce qu’avec Hollande, quand même, il pleut en mai). Et qu’y vis-je ? Un documentaire sans commentaire sur les prolétaires de l’agro-alimentaire. « Entrée du personnel », cela s’appelle. C’est de Manuela Frésil, se passe en France et cela montre bien que les ouvriers existent encore, et l’exploitation qui leur colle à la peau également. Efficace, tant le film que l’exploitation.

Des ouvriers justement, on en voit et on en entend dans « L’esprit de 1945 », de Ken Loach. Voilà un film documentaire vertigineux, qui retrace 80 ans d’histoire du Royaume-Uni, belles images d’archives à l’appui. Et l’on n’en sort pas le baume au cœur. Dans la métropole du plus grand empire du monde, la première nation industrielle, des millions de gens vivaient comme des bêtes, dans des taudis, livrés à la loi du marché du travail, du logement, des soins. Effroyable. Du Dickens, un siècle après. Et l’on comprend mieux alors ce qui restait pour beaucoup d’entre nous un mystère : la défaite électorale du héros Winston Churchill en 1945. Dans nos livres d’école, on nous disait à peu près ceci : les Britanniques voulaient oublier la guerre, alors ils n’ont pas reconduit celui dont l’image était complètement associée à ces années de « sang et de larmes ». Sauf que si Churchill avait gagné la guerre mondiale, ses amis conservateurs et lui avaient surtout remporté avant les hostilités militaires la guerre sociale, la guerre de classes dans leur pays, et avec quelle dureté. Cela, les travailleurs britanniques ne l’avaient pas oublié, et ne voulaient pour rien au monde que les choses reprennent comme avant, que la guerre ne fût qu’une parenthèse désenchantée dans une litanie de misère. C’est ainsi que les travaillistes remportaient une victoire tant inattendue qu’écrasante sur les conservateurs et les libéraux.

S’enchaînent alors, sous la direction de Clement Attlee, les mesures les plus radicales, en faveur de l’emploi, du logement, des transports, des soins, etc. C’est une véritable marche au socialisme, assumée comme telle, que connut alors l’une des principales nations occidentales. Nationalisation des mines, des transports (de tous les transports, pas seulement la British Rail), des docks, de la Poste (Royal Mail), etc. Et l’avènement de la Sécurité sociale (National Health Service) sur le modèle de Beveridge (un libéral bien inspiré), sous la houlette du déterminé Aneurin Bevan, bienfaiteur de son peuple, héros méconnu de l’histoire sociale européenne.

Le souffle de soulagement et de dignité qui soulève l’Angleterre en ces années d’après-guerre mondiale est palpable. Cette dynamique ascendante, Ken Loach ne nous montre pas quand elle a commencé à faiblir. Surgissent soudain les images de feue la Dame de Fer, et l’Histoire se déroule alors à reculons : une après l’autre, les conquêtes du peuple sont reprises par les oligarques, aussi sûrs de leur fait que cupides et incompétents, qui détruisent les identités professionnelles, les solidarités, l’estime de soi des gens ordinaires, et ruinent la nation. Ce film donne à voir d’où un peuple vient ou revient, la vitesse à laquelle il parvient à se redresser, et la vitesse à laquelle il liquide ses acquis et dévalue les fruits de son travail. Il laisse aussi à penser que le mouvement social britannique, s’il parvenait à se restructurer, serait peut-être une force motrice pour l’Europe entière.

Ce film le laisse à penser, mais non à rêver. La tâche semble incroyablement ardue, et l’on sort de la salle dans l’état d’esprit où l’on pensait être au sortir de « Pierre Rabhi, au nom de la terre ». Or c’est l’inverse qui se produit, sans doute parce que sa réalisatrice Marie-Dominique Dhelsing a fait le choix de ne pas montrer les ravages écologiques que le vieux sage, Ardéchois cœur fidèle à son Afrique, dénonce et défie. Ce film en effet ne montre que ce qui marche dans ce modèle d’agriculture biologique et d’économie sociale et solidaire, en France et dans le monde. La terre respire et prospère, les gens sont souriants, passionnés, optimistes, ambitieux. Les catégories sociales en paraissent transcendées, et les déambulations de Pierre Rabhi triomphales où qu’il aille. Une focale sûrement quelque peu déformante, mais qui fait du bien !

Au terme de ce viaduc, j’ai rencontré une soucoupe volante cinématographique : « The Lebanese Rocket Society », de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. OVNI filmique et historique car il traite, tenez-vous bien, accrochez même vos ceintures, attention au décollage, du programme spatial libanais. Cette Société Libanaise des Fusées témoigne de ce qu’un groupe d’étudiants rêveurs est capable de faire. Passionnés de fusées, ils commencent en 1960 à en fabriquer, à les tester, en intéressant un nombre croissant de curieux, et enfin les autorités civiles et militaires du pays. Un projectile, Cèdre 4, réussira même à parcourir 600 km, et à manquer de peu le déclenchement d’une crise diplomatique, puisqu’une erreur de calcul de trajectoire le fera s’abattre sur Chypre… La petite équipe de scientifiques, tous d’origine arménienne, familles rescapées du génocide de 1915, a contribué à coaguler une nation dont l’unité demeure encore aujourd’hui des plus incertaines. Eux-mêmes ont quitté Liban et constituent une nouvelle diaspora. Leur aventure est complètement oubliée, et ce film quelque peu miraculeux résulte d’un devoir de mémoire comme il fait œuvre de justice.


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