FRONT DE GAUCHE : PROBLEMES ET PERSPECTIVES

vendredi 12 juillet 2013
par  João Silveirinho
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En parvenant, depuis les élections européennes, à présenter des candidatures unies (mais pas partout), puis à se regrouper pour soutenir un candidat à l’élection présidentielle (Jean-Luc Mélenchon) défendant un programme cohérent, les différentes formations politiques composant le Front de Gauche ont ouvert une possibilité d’expression politique significative à la gauche du Parti Socialiste. Nous insistons sur « possibilité ». En effet, si la campagne des élections européennes a permis d’obtenir des résultats, modestes, en progrès par rapport à ceux du Parti Communiste précédemment, celle des élections régionales de 2010 fournit un bilan très nuancé : le Parti Communiste ne parvient pas à réaliser une unité du Front de Gauche sur l’ensemble du territoire et, dans cinq régions métropolitaines, ce parti fera alliance dès le premier tour avec les listes du Parti Socialiste. Malgré un score global honorable en pourcentage, la sphère politique représentée par le Front de gauche perd 20% de ses élus.

Ces débuts difficiles seront sublimés par la campagne des élections présidentielles : un candidat unique (ce qui parait évident pour une élection de ce type, mais rappelons que la mouvance de la gauche du PS avait réussi l’exploit, en 2007, de présenter trois candidats avec des programmes extrêmement proches, avec un résultat évidemment microscopique), disposant d’un programme conséquent, déployant un talent de tribun reconnu tant par la classe politique que par l’opinion ; un résultat en forte progression, dépassant les 10%, soit 50% de mieux que les votes recueillis par les trois candidats de 2007. De quoi se réjouir ? Pas tout à fait : en fixant la barre plus haut, en annonçant haut et fort que l’objectif était de battre la candidate du Front national, ce qui fut objectivement un succès se nuança rapidement de demi-teintes, ce qui est plus joli en peinture qu’en séquence électorale. Ajouter que ces demi-teintes furent abondamment utilisées par les « politologues » patentés squatteurs d’écrans pour relativiser le score du Front de gauche est juste mais vain : l’erreur d’appréciation du camarade Mélenchon gâcha un peu sa superbe campagne. Et les législatives qui suivirent ont amplifié le phénomène, conséquence, aussi, de la stupide réforme Jospin-Chirac d’inversion du calendrier électoral, qui a consacré s’il en était besoin la prééminence de l’élection présidentielle : la « gauche de gauche » a perdu la moitié de ses députés, et Jean-Luc Mélenchon, à nouveau, ne peut faire mieux que Marine Le Pen dans le Pas de Calais

Et depuis ? Depuis, le Front de Gauche a agrégé d’autres petites formations. Elles sont désormais huit, dont trois ex-courants du NPA, le PCOF (Parti Communiste Ouvrier de France, les ex-« albanais », assagis puisqu’ils ne taxent plus le PCF de révisionnisme, mais très loin d’être un parti de masse), Socialisme et République, semi-dissidents chevènementistes et, un peu plus implantés tout en ayant des effectifs modestes, la FASE (Fédération pour une alternative sociale et écologique), forte de deux députés et les Alternatifs, représentés dans plusieurs conseils municipaux. Sauf le respect qu’on leur doit, ces formations demeurent assez confidentielles. Le Front regroupe aussi deux partis plus importants, le Parti de gauche, celui de Jean-Luc Mélenchon, fort dune douzaine de milliers d’adhérents très militants et de quelques élus, et le PCF, plus de cent mille adhérents et un tissu d’élus locaux encore important.

Depuis, le Front de Gauche, en tant que tel, a peu travaillé, ses composantes se consacrant davantage à leur vie interne qu’à des projets communs, à l’exception de campagnes unitaires, contre l’austérité ou, probablement à l’automne, contre la réforme des retraites en cours de discussion. Depuis, un tandem Jean-Luc Mélenchon-Pierre Laurent a principalement représenté le Front de Gauche, le bruit et la fureur de l’un, le calme distancié de l’autre. Ne nous cachons pas que le Front de Gauche peine à faire passer ses idées dans les médias. Et ne rejetons pas toute la faute (mais une bonne partie quand même) sur ceux-ci. Si les propositions du Front de Gauche élaborées lors de la séquence de l’élection présidentielle demeurent pertinentes, elles ont besoin d’être actualisées et complétées, mais ce travail, on l’a dit, se fait peu. On peut aussi s’interroger sur l’utilisation, notamment par le Parti de Gauche, d’une rhétorique parfois très agressive qui fait certes, ponctuellement, le miel des medias, mais un miel teinté de quelque amertume : les petites phrases sont reprises, les arguments de fond, beaucoup moins.

L’approche de nouvelles séquences électorales, municipales et européennes, pourrait constituer, pour le Front de Gauche une opportunité pour s’inscrire davantage dans le paysage politique. Mais ça n’est pas gagné. Les élections municipales constituent pour le PCF un enjeu majeur, et la question des alliances, ou pas, avec le PS, se pose, divisant le PCF à l’instar de ce qui arriva lors des élections régionales. De plus, le désenchantement des citoyens devant la politique du gouvernement pourrait déborder l’électorat du PS et toucher l’ensemble de la gauche. Les risques sont moindres pour l’élection européenne, traditionnellement défavorable aux « gros » partis, même si le découpage en circonscriptions régionales, conservé contrairement aux engagements socialistes, leur offre une sorte de matelas de sécurité. De plus, l’élection européenne n’est pas un scrutin local, elle incite en conséquence à un effort programmatique, à l’élaboration d’un projet qui devrait, pour le coup, redonner de l’ambition à l’ensemble du Front de Gauche.

Il demeure enfin un aspect qui n’a pas trouvé de solution : nombreux sont les citoyens devenus méfiants ou déçus des organisations politiques. D’une part, le plus grand parti de France est sans doute celui des anciens adhérents des partis politiques. D’autre part, beaucoup de nos concitoyens se sentent concernés par le fait politique, mais rebutés par les « orgas », y compris celles qui constituent le Front, jugées parfois trop confidentielles, et/ou difficilement audibles, parfois un peu claniques (certains s’étonnent ainsi du départ ou de l’éloignement du Parti de Gauche de Marc Dolez, son unique député, de Claude Debons, qui fut un des piliers de la campagne du non au référendum européen de 2005, de Jacques Généreux, l’inspirateur du programme économique de Jean-Luc Mélenchon…), d’autres (le PCF) subissant encore, malgré ses importants travaux de ravalement, le poids encore lourd d’une histoire qui connut des épisodes glorieux et d’autres moins. Trouver au sein du front de gauche une place pour cette population, au delà des « personnalités de la société civile » devrait être un des axes du développement du Front, dont les organisations sont davantage soucieuses de renforcer leur propre boutique que de développer la maison commune. Nous voulons bien comprendre les « spécificités » de chaque organisation, les cultures historiques différentes, mais, avouons-le, il y a des moments où ça devient pesant. La FASE était (est ?) idéalement placée, par sa diversité, pour impulser cet accueil. A elle de voir.


Commentaires

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mercredi 18 septembre 2013 à 21h47 - par  JMouss

" nombreux sont les citoyens devenus méfiants ou déçus des organisations politiques" écrivez-vous. Je suis de ceux-là et je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

Vous m’apprenez que Jacques Généreux et quelques autres se sont un peu éloignés. Qu’en est-il de Jacques NIkonoff et du M’PEP ( dont je précise n’être que sympathisant ) ? Qu’en est-il de l’économiste Jacques Sapir ?

Voilà pourtant des gens qui, à mon avis, parlent intelligemment de la question de l’euro, cette monnaie aux mains de la haute finance sans aucun état en face qui pourrait lui en contester la gestion hégémonique. La BCE est statutairement "indépendante", n’est-ce pas ! .

Comment donc un état souverain, soucieux de la solidarité nationale en son sein, pourrait -t-il exercer cette prérogative sans être totalement responsable de ses engagements, de ses dettes, c’est à dire de sa monnaie nationale ?

En quoi cela l’empêcherait-il de coopérer volontairement, généreusement et en vérité avec des voisins cooptés ? Il suffit de gérer en coopération volontaire les taux de change avec et entre les monnaies nationales de ces voisins ; c’est très
exactement ce que réaliserait la mise en place d’une unité de compte monétaire commune en Europe.

Oui : on peut être contre l’Euro et pour l’Europe ; contre l’ Euro-monnaie d’aujourd’hui et pour un Euro-Unité de compte . Les financiers un peu cultivés le savent mais ils se gardent bien de vous le dire car les monnaie pourraient alors leur échapper et le pouvoir qui va de pair.

Qui à gauche est capable de comprendre et de porter la vérité libératrice du " 100 % monnaie souveraine" ? Pour l’instant, je ne vois personne.

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