TRAITE EUROPE-USA : UN MATCH VRAIMENT NUL

vendredi 12 juillet 2013
par  Jean-Luc Gonneau
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Ainsi donc, l’Union Européenne et les Etats-Unis entament la négociation du TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership, en français partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement). Une déjà vieille affaire : voilà un quart de siècle, le commissaire européen Leon Brittan, un très proche de Margaret Thatcher, tenta déjà le coup. Ce libre échangiste échevelé (quoique modérément chevelu) ne put aboutir, la France étant pour beaucoup dans le blocage de l’initiative. Rebelote donc, toujours à partir du Royaume-Uni. Ce n’est pas par hasard que le même Brittan, devenu après sa période européenne pair du Royaume et trônant dans de prestigieux conseils d’administration (Unilever, Total…) a repris du service auprès du gouvernement de David Cameron en tant que consultant, rémunéré.

La préparation et le lobbying politique du TIPP ont été élaborés à Londres. Et, comme toujours pour ce qui concerne les orientations de politique étrangère de l’UE, c’est l’axe Londres-Berlin, les deux pays les plus atlantistes, qui ont pesé de tout leur poids pour que les négociations sur le TIPP commencent. Le Président Obama en a fait une affaire prioritaire, et jamais Londres et Berlin n’ont voulu chagriner les Etats-Unis. Ceux-ci peuvent compter aussi sur le très évanescent Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, et plus encore sur l’inévitable clown triste José Manuel Barroso, président de Commission européenne en fin de mandat, dont on sait qu’il a besoin d’un appui américain pour rebondir dans une autre instance internationale plutôt que de tenter un hypothétique retour politique au Portugal, où ses compatriotes préféreraient plutôt l’accueillir avec plumes et goudron qu’avec de petits drapeaux festifs brandis par une population en liesse.

L’objectif du TIPP est de libéraliser les échanges transatlantiques dans tous les domaines. Chacun convient que ce ne sont pas les négociations sur les tarifs douaniers, déjà très bas, qui seront au cœur des négociations, mais les autres dispositifs de protection. Dans ce domaine, la France, globalement étonnamment passive dans cette affaire, a obtenu le maintien du secteur culturel hors du champ des négociations. Succès fragile, puisque les négociateurs européens pourront toujours, à tout moment, remettre le sujet sur le tapis. Succès acquis, aussi au prix d’un silence gêné, et gênant, sur les autres sujets délicats, notamment celui des normes sanitaires et environnementales, beaucoup plus laxistes aux Etats-Unis qu’en Europe. Normes alimentaires, qui touchent l’agriculture et l’agro-industrie (les OGM, par exemple, ont droit de cité, pardon, de champs, aux Etats-Unis), fragmentation à l’eau pour l’extraction des gaz de schistes, pour ne citer que deux sujets faisant largement polémique aujourd’hui. Une négociation dans ces conditions ne peut aboutir à un consensus, en principe, que si chacun y met du sien. Dans l’affaire des normes, une position médiane ne pourrait se dégager que par un affaiblissement des normes européennes. Bonjour la santé, bonjour l’environnement.

Les bons samaritains européens tentent de vendre leur soupe au nom de la croissance et de l’emploi. Le TIPP, comme par magie, procurerait un à deux points de croissance supplémentaires et des millions d’emplois. Comme par magie, écrivons-nous, car aucune étude sérieuse ne vient fonder ces prédictions, plus que prévisions, sorties du chapeau des prestidigitateurs de la Commission européenne. A ce jour, la seule certitude, c’est que le TIPP constituera une bonne affaire pour les Etats-Unis. Il est donc navrant que le gouvernement français ait accepté de monter dans ce bateau, n’excipant que de la bouée culturelle, ou proposant mollement de suspendre le processus an attendant que les Etats-Unis s’expliquent sur leurs méga-pratiques d’espionnage de leurs partenaires européens (nous est avis qu’on attendra longtemps), proposition balayée en un tournemain par Berlin et ses affidés. Et au passage, puisqu’espionnage il y eut, l’épisode de l’interdiction de survol du territoire français par l’avion du président bolivien Evo Morales, au motif que celui-ci eut pu transporter le « lanceur d’alerte » Edward Snowden (et quand cela eut été vrai ?), a été consternant, nonobstant les explications chantournées de l’Elysée. Et de la consternation à l’indignation, la frontière est ténue.


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