Les Frères et la démocratie

En 1928, la fin de la domination turque sur le sud-est de l’Europe et sur le Proche Orient était consommée. Afin de maintenir et de renforcer le pouvoir de la religion, notamment sur l’Égypte, des politiciens mirent sur pied une association, les Frères Musulmans. L’islamisation de la société, l’éradication de toute forme de laïcité, l’intolérance à l’encontre des autres religions, l’avènement de la Charia constituaient l’ossature du programme de ce puissant parti.

Pendant la seconde guerre mondiale, en 1942, les troupes allemandes du maréchal Rommel, pénétrant en Egypte, menaçaient le Caire. Les Frères Musulmans, par opposition aux colonisateurs britanniques, ne cachaient pas leur satisfaction. Leur allié, je grand Mufti de Jérusalem, affichait officiellement son admiration pour Hitler. Les uns et l’autre en furent pour leurs frais. Les Alliés, sous le commandement de Montgomery, refoulèrent les nazis en Libye (puis, plus tard, en Tunisie et…dans la mer). Bien sûr, les Frères n’avaient pas de raisons particulières d’être antifascistes, ce n’était pas leur problème. La démocratie non plus. Jamais, au cours des péripéties que connut le pays, ils n’ont détenu le pouvoir. Jusqu’en 2012, lorsque le suffrage universel leur donna une majorité au Parlement et porta un des leurs, Mohamed Morsi, à la tête de l’État. Il semble qu’ils aient fait bien mauvais usage de ces nouvelles responsabilités. Après un an de gouvernement, une forte majorité du peuple, y compris leurs électeurs, les chassait et destituait Morsi.

Avec le concours musclé de l’Armée. Et c’est là que ça ne va plus. On voit les chars, les soldats, les hélicoptères aux côtés des forces démocratiques, progressistes, laïques combattre les intégristes islamistes. Pareille conjonction est rare. Je m’interroge. Je n’ai aucune sympathie pour un mouvement religieux aussi dogmatique et intolérant que les Frères Musulmans. Pas parce qu’ils sont Musulmans. Seraient-ils catholiques, juifs ou n’importe quoi, ce serait pareil. Je ne pense pas qu’une armée, sauf exception (il y en a eu), puisse être le ferment d’un bouillonnement démocratique. Les massacres "idéologiques" au canon ou à la kalachnikov me déplaisent et m’indignent, quels que soient les tireurs. Alors ? Confiance dans le peuple égyptien et ses composantes démocratiques. Sans trop d’illusion dans l’immédiat.

Les gendarmes de la Vertu

La Vertu n’est certes pas le propre de Monsieur Bachar El-Hassad, potentat syrien, grand massacreur de son peuple. Elle ne s’incarne pas non plus dans la majorité de ses adversaires, islamistes, djihadistes, et suppôts d’Al Quaida. Les Vertueux institutionnels, les traîneurs de sabres de droit divin, les gendarmes autoproclamés du Monde Libre sont toujours les mêmes. En l’occurrence les gouvernements successifs des Etats Unis d’Amérique. On espérait autre chose de Barak Obama, qui se révèle un sous Bush, un peu plus prudent. Déception.

Mais nous, les millions d’électeurs qui avons voté pour un président de gauche en 2012, que voyons-nous ? Un homme qui brûle d’en découdre et j’ai honte de le constater, se couche devant les USA. Pire que les conservateurs britanniques. Un socialiste qui veut mettre en œuvre les avions Rafale et Mirage 2000, les missiles Scalp, éventuellement une flotte de guerre." Pour la démocratie", bien sûr. Et avec quels résultats ? Comme d’habitude : un pays ruiné, un état explosé, l’instauration à terme d’une dictature religieuse. Comme en Libye. Sous les applaudissements de nos grands amis du Qatar, des Émirats (où nous disposons d’une base de Rafale), d’Arabie Saoudite, et autres vraies démocraties. De cette Vertu-là ; nous ne voulons pas. Et nous le ferons savoir.