DU NOUVEAU POUR LES VICTIMES DE PINOCHET
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DU NOUVEAU POUR LES VICTIMES DE PINOCHET
Par Jean-Michel Hureau
Après avoir étudié le rapport de la Commission nationale sur la prison politique et la torture, dite Commission Valech, qui contient le témoignage de plus de 35 000 personnes, le Président Ricardo Lagos a décidé que les victimes d’emprisonnement politique et de torture sous la dictature seraient indemnisées. Le dossier de 28 000 d’entre elles a été retenu alors que les 7 000 autres pourront faire appel de la décision devant la Commission. Il est donc reconnu aujourd’hui officiellement que les atteintes aux Droits de l’Homme ont constitué une pratique institutionnelle d’État et non pas été de simples "comportements individuels" ou des "excès". Après s’être interrogé sur les raisons qui ont conduit le pays dans cette horreur, qui a rompu avec la tradition démocratique chilienne, Ricardo Lagos a énoncé les formes que prendront ces réparations en soulignant que ces mesures sont destinées à guérir les blessures et non pas à les réouvrir. Il se situe donc dans une logique de réconciliation nationale, si difficile au Chili. Une mesure institutionnelle : création d’un Institut National des Droits de l’Homme chargé de promouvoir, au travers de l’éducation, les dits droits. Des mesures symboliques et collectives : reconnaissance morale de l’État envers les victimes, mesures juridiques pour prévenir le risque de répétition d’une telle expérience et rétablissement des droits civiques à ceux qui été injustement inculpés de délits qu’ils n’avaient pas commis. Une mesure financière : le versement d’une pension de 112 000 pesos mensuels (140 euros) et un accès préférentiel à l’éducation, à la santé et au logement. L’indemnisation financière peut paraître, a priori, modeste mais elle correspond au salaire minimum actuel ou au montant d’une fois et demie la pension civile minimale. Elle est donc très loin d’être négligeable pour de nombreuses familles et représente pour le budget de l’État une charge de l’ordre de 60 millions d’euros annuel. Le Président a insisté sur le fait que ces mesures ne doivent pas générer d’affrontements avec les Forces Armées, partie intégrante de la République. À cet égard, le général Juan Emilio Cheyre, Commandant en chef des Forces Armées, avait reconnu le 5 novembre, l’implication de l’Armée en tant qu’institution, dans les atteintes aux Droits de l’Homme, ce qui revient à une forme de désaveu de l’autre général. Le climat est donc à la détente entre le pouvoir politique et l’Armée. Néanmoins, l’opposition de droite Pinochetiste refuse ce constat et prétend que, si excuses il y a, elles doivent recouvrir une forme individuelle. Certains pratiquent le négationnisme. Ainsi le sénateur Sergio Fernández, ministre de l’Intérieur de Pinochet, a signé en 1978 un document niant l’existence de la Villa Grimaldi comme centre de détention et de torture et a assuré récemment qu’une telle politique n’a jamais été suivie sous le gouvernement de Pinochet. Pourtant, de nombreux témoins affirment qu’il aimait visiter régulièrement cette prison qui fût le principal centre de torture sous la dictature. En 1987, il a signé un décret interdisant la torture, alors... Il est donc possible que, dans un avenir proche, certains responsables soient inculpés pour des atteintes aux Droits de l’Homme. Que cela atteigne un certain général est moins sûr, dans la mesure où son état de santé officiel ne lui permettrait pas de passer devant un tribunal. Il n’empêche qu’il a été sûrement plus malade qu’aujourd’hui. Quand le juge Juan Guzmán, chargé de l’instruction sur les détenus-disparus, lui a demandé s’il était au courant des exactions de membres des Forces Armées, il a répondu : « Moi, j’étais le Président, on n’allait pas me mettre au courant des petites choses... ». Un autre « petit détail de l’histoire » en quelque sorte...
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