https://www.traditionrolex.com/18 Carminho : « Le fado ne me prend pas, il me libère. » - La Gauche Cactus

Carminho : « Le fado ne me prend pas, il me libère. »

dimanche 8 décembre 2013
par  Jean-Luc Gonneau
popularité : 1%

Si beaucoup de ses consœurs ou confrères notoires dans les nouvelles générations du fado ont rencontré le fado qui à l’adolescence, qui plus tard encore, Carminho, elle, est une « enfant de la balle » du fado : fille de Teresa Siqueira, figure du fado lisboète et un temps propriétaire de la Taverna do Embuçado, lieu de fado réputé en bas d’Alfama, où dès douze ans elle commence à se produire auprès d’artistes de premier plan : Fontes Rocha et Paquito, deux anciens accompagnateurs d’Amalia Rodrigues sont aux guitares, Celeste Rodrigues, la sœur d’Amalia, Alcindo de Carvalho, Maria José Da Guia et Teresa Siqueira bien sûr sont de la partie. Carminho, sagement, poursuit ses études, se dirige sans grand enthousiasme vers le marketing (« mais j’ai vite compris que ce n’était pas du tout ma voie »), se donne le temps d’entamer un tour du monde, un genre d’année sabbatique de découverte, revient au bercail, et au fado. Cinq années durant, elle fréquente la Mesa dos Frades, Alfama toujours, mais en haut cette fois, repère de jeunes talents du fado où elle rencontre le guitariste (viola), arrangeur, compositeur Diogo Clemente, qui deviendra, comme elle, une figure incontournable du fado, et son accompagnateur et producteur pour son dernier CD. Autre habitué de la Mesa dos Frades, Ricardo Ribeiro, étoile montante qui, au passage, devrait revenir plus souvent en France puisqu’il vient de signer avec Nabligam Productions et José Renato pour le représenter ici, à l’instar de Katia Guerreiro et Carla Pires. Et beaucoup d’autres y passent, dont Camané et ses frangins. Belles écoles, donc : l’ancienne génération à l’Embuçado, la nouvelle aux Frades.

Carminho prend son temps : très vite, on lui propose de sortir un CD. « Mais je ne me sentais pas prête, pas encore en mesure d’apporter le sens et les émotions que je voulais transmettre ». Elle saute le pas en 2009, avec un premier album intitulé sans excessive prise de tête Fado, qui obtient un fort succès commercial et critique au Portugal, dans une veine de fado traditionnel. Ce succès attire l’attention des producteurs, et Carminho commence à se produire sur les scènes portugaises, puis européennes et brésiliennes. Un début de nouveau tour du monde, en chantant cette fois. Le passage de l’intimité des maisons de fado aux palcos des salles de concert ? « Ce n’est pas le même métier, même si c’est le même fado. Sur les planches, il faut prendre en compte la scénographie, établir avec le public des rapports qui sont forcément différents de la proximité des maisons de fado, utiliser à bon escient les moyens d’amplification dont on n’a pas besoin à Alfama ». Carminho est à Paris quelques jours (malheureusement, dit-elle, la ville lui plaît, ce qui tombe bien car nul doute qu’elle plaira à la ville) pour la promotion de son second CD, Alma, qui sort en France un an après sa sortie au Portugal.

Avec Alma, Carminho prend des chemins de traverse : du fado traditionnel bien sur, et du meilleur, où la voix de Carminho, riche d’un sens de la modulation qui rappelle Beatriz Da Conceição, autre référence revendiquée, est accompagnée par les cadors de la jeune génération de guitaristes (José Manuel Neto, Luis Guerreiro, Bernardo Couto, Angelo Freire). Mais aussi des incursions vers le Brésil avec une chanson de Chico Buarque de Holanda, un fado écrit par Vinicius de Morais pour Amalia, et un clin d’œil à Vitorino l’alentejano. En bonus, trois morceaux carrément brésiliens en duos avec Chico Buarque, Milton Nascimento et Nana Caymmi. Une bonne idée de cadeau de Noël, pour vous d’abord, vos amis ensuite.

Pourquoi le Brésil ? « Le fado n’est pas une prison, il ne me prend pas, il me libère. J’ai été séduite par le langage du Brésil, le langage musical. Le fado, même s’il nous appartient, à nous, portugais, est un moyen de s’ouvrir au monde. Sans oublier ses racines. Vous parliez tout à l’heure d’Alfredo Marceneiro et de Fernando Mauricio. Ce furent de grands créateurs, qui eux aussi ont ouvert de nouveaux chemins au fado. Si je chante dans mon CD un fado cravo, à mon sens une des plus belles musiques de fado (elle a bien raison, ndlr), œuvre de Marceneiro, ce n’est pas pour rien. Le Brésil, présent dans le CD, c’est un signe d’ouverture à ce monde, un signe de liberté. Je suis fadiste, bien sûr, mais chanteuse aussi, et si la musique est belle, pourquoi la refuser ? » Et on distingue bien, dans le CD, la différence d’approche vocale de Carminho : moins modulée, plus adoucie pour les plages brésiliennes, celles-ci davantage proches de la MPB que de la bossa nova ou du samba.

Carminho va entamer une tournée européenne et brésilienne dans les prochains mois, autour de Alma. Elle sera accompagnée par Luis Guerreiro (guitarra), l’inévitable Diogo Clemente (viola) et Martino de Freitas (viola baixa) et reviendra à Paris le 31 janvier prochain, à l’Alhambra, pour un concert partagé avec une habituée des scènes parisiennes, Cristina Branco. Nous y serons, vous aussi peut-être. Et après, des projets ? « Peut-être un nouveau CD. Mais mon projet, c’est de rester aussi libre que je le suis ». Carminho, ou les chemins de la liberté, 29 ans et la vie devant elle.

Article également à paraître dans Lusojornal en date du 11 décembre


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