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L’EUROPE ! L’EUROPE ! L’EUROPE ?

mercredi 15 janvier 2014
par  François Lucas
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Ces quelques lignes pour essayer de faire le point sur l’Europe avant d’attaquer le rendez vous des élections européennes, rendez vous qui va suivre celui des municipales, ce qui fait, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, qu’on le veuille ou non, que les deux événements vont être étroitement liés, l’impact sur la vie quotidienne des décisions « prises à Bruxelles » selon la formule consacrée, qui permet en fait à nos politiques de se défausser de leurs propres responsabilités, sur des institutions de plus en plus à la dérive. « L’Europe n’est pas un problème, mais la solution » disait Juppé, mais le risque de déconstruction du modèle, et la désaffection des citoyens pour la construction européenne repose essentiellement sur les épaules des politiques qui ont laissé s’établir cette situation catastrophique, à tel point qu’on peut renverser la formule « l’Europe telle qu’on la connaît n’est pas la solution mais est devenue une grande partie du problème ». Je pense que tous les esprits ont été particulièrement marqués par le fait que 2013 était, vu de Bruxelles, « l’année européenne de la citoyenneté ».

Le moins que l’on puisse dire c’est que nous allons rentrer dans une zone de turbulence sans avoir attaché nos ceintures. Il n’est plus incorrect maintenant de dire que l’Europe sous sa forme actuelle est « dans une impasse », phrase prononcée, non pas par un vieil opposant à l’architecture peu démocratique de l’Union Européenne, mais par Yannick Jadot député européen vert, pro-européen, convaincu des bienfaits qu’allait nous apporter le traité de Lisbonne, lors d’un forum de l’AFCCRE (Association Française du Conseil des Communes et Régions d’Europe), association peu révolutionnaire s’il en est, il a même ajouté que ce n’était que l’union de 28 égoïsmes... où va t-on si les « pro » commencent à tenir les propos des « anti »..

La Commission Européenne qui commence à s’inquiéter, un peu tard, des futurs résultats des élections de mai, a fait faire une étude sur les français et l’Europe dans la perspective des élections européennes de 2014, si nous avions dit ça en 2005, on se serait encore fait traiter soit de nationalistes forcenés, soit de gauchistes attardés. Exemple, « …d’où le sentiment que l’UE se construit surtout sans eux : à ce titre elle reste une réalité largement extérieure, dans laquelle ils ne se sentent pas impliqués, même s’ils en subissent les effets, positifs ou négatifs. ». On devrait quand même rappeler à la Commission qu’à chaque fois que les citoyens ont été consultés, en Irlande, aux Pays-Bas en France en particulier, l’UE et les gouvernements libéraux se sont assis d’une façon extrêmement méprisante sur les votes des citoyens, les mêmes à qui ils vont demander maintenant de voter massivement. Si on ajoute à ça les discussions opaques sur le futur grand marché transatlantique dont personne ne sait rien, même les gouvernements des États Membres, la Commission ayant reçu mandat exclusif pour négocier, personne n’est capable de savoir sur quelles bases, y compris si l’information était exacte, Madame la Ministre du Commerce Extérieur, qui a reçu de la Commission une fin de non recevoir à sa demande de clarification. Bref, entre le bœuf aux hormones canadien et le poulet javellisé des US, le choix va devenir très dur.

Nous nous retrouvons huit ans après le projet de TCE, dans une situation où, 70 à 80% des textes approuvés ou transposés par les Parlements Nationaux viennent de l’Europe, un démolition des prérogatives des États, mais les marchés publics représentent 19% du PIB de l’Union Européenne, le slogan pouvant être cette belle contradiction « endettez vous, augmentez la dette publique (pour apporter de l’argent aux multinationales) et réduisez les dépenses publiques (en virant ces empêcheurs de tourner en rond que sont les fonctionnaires) » grâce aux merveilleux et juteux partenariats public/privé. En ce qui concerne les parlements nationaux, la Commission s’assoit également sur leurs avis. Le dernier exemple concerne la nomination d’un Procureur dépendant de Bruxelles (équivalent du Procureur de la République) proposé par la Commission. Les parlements nationaux ont été consultés, dans ce cas ils ont la possibilité de délivrer un « carton jaune », c’est ce qui s’est passé, une bonne dizaine de parlements nationaux, dont la France, ont dit que c’était contraire au principe de subsidiarité (ce qui dépend de la responsabilité propre des Etats) et bien, la Commission a dit, pas question, et poursuit son texte comme si de rien n’était, ça ne passera jamais parce qu’il faut l’unanimité au Conseil mais ça dénote le total mépris de Bruxelles pour les institutions nationales.

On est également dans le même état qu’en 2005 en ce qui concerne la lutte contre les paradis fiscaux, et pourtant il n’y a pas besoin d’avoir une boule de cristal pour savoir que ce sera pour tous (les pro-européens libéraux) l’un des axes majeur de leur campagne, l’arbre qui cache la forêt. Pas un toutefois ne va vouloir remettre en cause la Quatrième Partie du Traité de Lisbonne et son annexe II qui protègent les paradis extra-marins, pour bien sûr le plus grand bien-être des populations locales (en clair dans le texte ! l’auteur doit être mort de rire d’avoir osé écrire ça !), pas plus qu’ils ne remettent en cause l’article 355 qui protège les paradis dans les eaux territoriales de l’Union. Comment, les droites et les gauches libérales européennes qui se passent le flambeau au fil des élections, qui continuent la même politique quand il y a alternance, comme en France, quitte à gouverner ensemble quand elles sont un peu juste comme en Allemagne, comment vont elles faire pour se démarquer sans surenchère ?

On pourrait effectivement reprendre le débat là où on l’avait laissé, mais il n’y a pires sourds que ceux qui ne veulent rien entendre, alors prenons le débat différemment. Il faut voter, disent-ils, (et de préférence dans le bon sens)...Le Bureau en France du Parlement Européen a publié un document dans ce but « La Parlement Européen, c’est votre Assemblée », il n’est pas certain, et il n’y a certainement pas de raisons de s’en réjouir, que les trois rôles majeurs qu’ils attribuent au Parlement Européen vont convaincre les électeurs potentiels de se rendre aux urnes :

- Ses pouvoirs législatifs, sur un pied d’égalité avec le Conseil, nous explique t-on, mais on oublie de dire que la co-décision n’est pas la décision et que le monopole des propositions de lois reste dans les mains de l’organisme peu démocratique qu’est la Commission, représentée par le très libéral contesté et contestable Barroso, qui même s’il arrive en fin de parcours a peu de chance d’être remplacé par un défenseur du progrès social...

- Ses pouvoirs budgétaires... oui, le Parlement vient de voter le budget pluriannuel 2014-2020 par vote plus ou moins bloqué, en oubliant qu’il y avait des élections en mai 2014, par contre la cour des comptes du Parlement, vient de refuser pour la 19ème année consécutive l’approbation des comptes et quelles en ont été les conséquences ? Rien ! Pourtant la difficulté porte sur 7 milliards d’euros qui se sont soit évaporés soit ont été alloués à tort... c’est environ 4% du budget... que la Commission a « perdus ». Quand on pense que ce sont les mêmes qui sont chargés de donner le feu vert aux budgets nationaux... rappelons également que les mêmes ou presque s’étaient faits rouler dans la farine avec les comptes de la Grèce et qu’ils ont été tellement contents du résultat qu’ils ont nommé l’auteur du coup tordu Président de la Banque Centrale Européenne.

- Le troisième point est encore plus ridicule... ses pouvoirs de contrôle, il élit le Président de la Commission....disent-ils... mais sauf erreur, c’est sur proposition du Conseil, donc le Parlement ne choisit pas le bonhomme, il met le tampon sur la nomination, le consentement des députés est nécessaire pour la nomination du Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité ajoutent-ils... or lors des dernières discussions sur le nucléaire iranien à part faire la bise à Kerry on se demande en quoi la Baronne a été utile....

Nous allons faire face, à la fois à une débauche publicitaire de la part des organismes plus ou moins officiels de l’UE, le budget communication de l’UE étant déjà scandaleux en soi, en période de récession, à une surenchère démagogique des tenants de l’Europe du fric, et à ceux qui vont essayer de se refaire une virginité après avoir avalé toutes les couleuvres possibles.

En assistant à quelques unes de leur ébauches, réunions, forums, « pour convaincre les citoyens », on en arrive rapidement à la conclusion que : « c’est vrai ça ne marche pas bien, mais demain vous allez voir on vous propose une Europe forte et unie, capable de répondre aux attentes légitimes des citoyens (voir le communiqué de presse de l’AFCCRE du 16 juillet 2013) ». Quelques exemples.

Le détachement des travailleurs, la fameuse directive Bolkestein révisée...celle qui permet de payer des ouvriers au salaire de leur pays d’origine, on vous promet qu’elle sera modifiée... comment ? Par qui ? Avec quels soutiens ? Et quels moyens de contrôle ? Ça rappelle les grandes déclarations de Jean-Marc Ayrault alors encore maire de Nantes en 2005 disant « nous allons proposer une directive pour défendre les services publics », alors que maintenant premier ministre il participe à la casse. Les projets de directives sur les transports... si on l’ajoute à la précédente, vous trouvez maintenant plus de camions slovènes ou polonais que de camions français, à tel point que les chauffeurs hésitent à s’arrêter dans les restaurants routiers à cause des bagarres qui se déclenchent spontanément : « tu me voles mon boulot.. ». Hé oui, nos gouvernants qui nous bassinent en nous rappelant sans cesse que l’Europe nous garantit la paix ont tellement bien organisé la concurrence entre les travailleurs européens que, sans être obligatoirement un génie en géopolitique, on se dit que ça ne peut qu’exploser. Regardons simplement ce qui vient de se passer en Slovaquie, avec le succès électoral d’un pur héritier du nazisme.

On va aussi, sans doute, nous rabattre les oreilles avec le droit des citoyens de faire des pétitions, le fameux droit d’initiative citoyenne. Hélas, un exemple récent d’une pétition, juillet 2013, parfaitement conforme au droit européen, argumentée par les textes légaux appropriés, sur les droits des minorités a été bottée en touche et refusée par la Commission, qui en a contesté le caractère légal, alors que tous les juristes qui ont étudié le problème en sont arrivé à la conclusion que la Commission avait pris une décision politique, sortant ainsi de son rôle, et prouvant par là même que ce droit n’était que du pipeau pour amuser la galerie, dans la mesure où un organisme bureaucratique non élu peut accepter ou refuser un texte sans justifications réelles.

Par contre on ne nous parlera sans doute pas du coût du nouveau siège social de la BCE à Francfort, qui a largement doublé par rapport aux estimations d’origine de 680 millions d’euros, du coût exorbitant du service d’action extérieure de la Baronne : plus de 3400 personnes, 450 voitures, 50 haut fonctionnaires payés chacun plus que le Premier Ministre britannique. On va tranquillement vers les 600 millions d’euros de coût de fonctionnement annuel et on fera l’impasse sur les autres gadgets, le transfert du Parlement entre Bruxelles et Strasbourg, les dépenses de communication, les voyages « d’affaires » et l’impact du lobbying, par exemple pour l’agriculture ou la santé, les subventions aux producteurs de tabac et l’augmentation du budget pour lutter contre les cancers du poumon, les OGM et certains médicaments recevant l’agrément sans contrôle, c’est à dire que ce qui est en ce moment majeur pour les citoyens, savoir précisément à quoi sert l’argent du contribuable européen. Surtout qu’on explique à ce dernier qu’en période d’austérité et de difficultés économiques il faut se serrer la ceinture et respecter les fameux 3% du pacte de stabilité pendant que les institutions européennes continuent à faire danser l’anse du panier sans la moindre retenue, et le budget européen par les bons soins de la Commission laisse s’évaporer entre plus de 3 à 4% tous les ans, soit dans les 6 à 7 milliards d’euros.

Il va donc falloir mettre, d’une manière ou d’une autre, l’ensemble du système à plat. On ne pourra pas sans modifications profondes des traités modifier les responsabilités des organismes non élus, Commission, Banque Centrale et Cour de Justice, cette dernière devenant de plus en plus présente dans « l’interprétation » des traités. Ce genre de structure ne se réforme pas de l’intérieur, il suffit de regarder les partis politiques ou les syndicats, alors imaginons des structures beaucoup plus volumineuses : il ne faut pas rêver.

Un sujet qui pose problème c’est la citoyenneté européenne qui était censée être le statut des citoyens des États membres (en plus de la citoyenneté nationale), mais c’est devenu plus ou moins une coquille vide, grâce à l’inertie de la Commission, et on le voit très clairement avec les problèmes des Roms, citoyens européens aux droits extrêmement contestés, puisque dans l’espace européen on trouve environ 600 000 apatrides dont de nombreux Roms, suite à la fois à l’éclatement de la Yougoslavie et au problème de choix de nationalités en Slovénie, 18 000 personnes n’ont plus accès à aucun des droits européens car sans papier, et que peut faire l’Union Européenne avec son beau label de citoyenneté ? Rien, car l’octroi de la nationalité dépend des États, à moins qu’ils ne se décident à faire comme Malte et à vendre la nationalité pour renflouer les caisses, ce qui n’est pas très moral, mais comme l’Europe morale n’existe pas plus que l’Europe sociale, on peut s’attendre au pire.

Pour l’instant, l’essentiel des activités a tourné autour du grand marché européen, selon l’optique anglaise d’ailleurs, seul le grand marché présente un intérêt, eux le disent, mais les autres, hypocritement, prônent officiellement plus de social, ou plus d’emplois pour les jeunes, mais continuent à faire leurs prières du matin et du soir devant l’euro et les banquiers. En parlant des jeunes les taux de chômage des moins de 25 ans atteignant les plus de 50% ne sont pas rares et l’Europe ressemble à quelqu’un qui se promènerait avec une grenade dégoupillée...

Est ce que tout ça va garantir la paix en Europe ? Ce serait une illusion de le croire, la montée des fascismes qui poussent des communautés les unes contre les autres n’est que le début des problèmes. On peut effectivement continuer à tirer sur l’Europe, mais les pouvoirs qui ont été donnés à cette Europe là, ont été donnés par la lâcheté ou l’inertie ou l’incompétence des politiques, les pouvoirs n’ont pas été pris, ils ont été donnés, et on ne sortira du pétrin dans lequel ils nous ont mis que par une reprise des politiques sur notre destin commun et s’ils veulent que les citoyens adhèrent à leur projet, il va falloir qu’ils se montrent à la hauteur, après des années de compromis et de compromissions. Difficile de voir pour l’instant comment on peut faire de l’or avec du plomb. La vraie gauche, humaniste et sociale a une chance à saisir, espérons que, là aussi, les égoïsmes et les intérêts personnels à court terme ne vont pas casser la dynamique nécessaire à la réussite du projet


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