CARLOS NETO : TUDO ISTO E FADO
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Carlos Neto est né dans le fado : enfant de Lisbonne, père fadiste professionnel (professionnel, précise-t-il, mais avec un autre métier à côté car le fado hier comme aujourd’hui ne nourrit pas, hors une poignée de privilégiés, son homme, ou sa femme). Dans une autre époque, nous avons failli le rencontrer à Cascais, où il commence une carrière professionnelle en 1975, au Kopus Bar, aujourd’hui disparu, dont il devient le directeur artistique et travaille avec des noms du fado, telles Anita Guerreiro ou Lenina Gentil. Il passera au Ré Maior, à Cascais toujours, qui fermera suite à un crime passionnel (tudo isto é fado…), puis passera par de nombreuses maisons de fado lisboètes, l’âge d’or du fado de Cascais s’étiolant. A Cascais, il a connu un jeune guitariste, Manuel Corgas, qui, comme lui, poursuit depuis des années sa carrière en France.
A l’image de plusieurs de ses collègues fadistes aujourd’hui très présents sur la scène francilienne (Corgas, donc, Casimiro Silva…), Carlos Neto accepte en 1995 un engagement de quinze jours au Saudade de Versailles, où le patron, o senhor Agostinho, l’homme aux joviales moustaches, propose du fado presque tous les soirs. Il y trouve à la viola le regretté Arem Pinto, et à la guitare Alberto Maia, qui se produit encore aujourd’hui, surtout en province, avec le violiste et chanteur Adriano Dias. L’engagement se prolonge, la France est à son goût et finalement, les quinze jours durent et perdurent jusqu’à aujourd’hui.
Le premier sans doute, et le seul à avoir persévéré, Carlos Neto crée un groupe de fado qu’il propose aux organisateurs de spectacles. Le groupe s’appelle « Tudo isto existe, tudo isto é fado » et se maintient depuis sa création en 1996. La guitare portugaise est tenue par José Rodrigues, un musicien discret mais sensible, par ailleurs clarinettiste dans la Philarmonique portugaise de Paris, le seul qui soit encore aujourd’hui membre du groupe. La viola passera par plusieurs mains, dont notamment celles du français André Barbel, de Pompeu Gomes, et aujourd’hui de Tony Lopes. Le groupe comporte une voix féminine. Au fil des années, des figures du fado francilien s’y sont succédées (Julia Silva, Susana Lopes, Luisa Reis…) et c’est maintenant la jeune et talentueuse Lucia Araujo qui tient le rôle. Enfin, quand les impresarios disposent des moyens suffisants, l’ami Philippe Leiba, autre français, tient la contrebasse.
Carlos Neto a ses références artistiques, il a beaucoup écouté, et souvent connu ses fadistes préférés : Frutuoso França (l’homme du « fado moral »), Joaquim Silveirinha (le « rouxinol da Madragoa », qui termina sa carrière et sa vie à Paris), Manuel Dias, Fernando Farinha (le « miudo da Bica »). Il aime le fado classique, bien carré, solide, dont son groupe et lui-même sont de vivantes illustrations. Il est tenace (« ce n’est pas facile de gérer un groupe, de tenir compte des hommes et des femmes, de jongler avec les calendriers, de discuter le bout de gras avec les organisateurs de soirées »), mais affable, parlerait de fado pendant des heures. Les tendances de la nouvelle génération à essayer de nouvelles formes, de nouveaux métissages ? « Je n’ai rien contre, dit-il, mais à franchement parler, je n’ai rien pour non plus ». Et comme, dit-on, il faut de tout pour faire un monde, souhaitons à Carlos Neto et à son groupe de poursuivre leur chemin et d’ « existir » longtemps. Si vous en avez l’occasion, allez donc les écouter et passer un agréable moment de fado (prochaine soirée à Sèvres le 1er février, avec en bonus l’excellente Monica Cunha)
Article paru également dans Lusojornal
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