CARMINHO ET CRISTINA BRANCO A L’ALHAMBRA : LA SOIREE DES CONTRASTES
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Peu de points communs entre Carminho et Cristina Branco, qui se sont partagé samedi un concert à l’Alhambra de Paris. Cristina Branco a commencé sa carrière en Hollande, reconnue en France avant de l’être au Portugal : internationale tout de suite. Carminho est née dans le fado, mère fadiste, début encore enfant dans Alfama, maintenant à l’orée d’une carrière internationale. Références différentes : Cristina Branco est sans doute, parmi les divas du fado d’aujourd’hui, la moins « amalienne », tandis que la prégnance de l’héritage d’Amalia est très présente dans la prestation de Carminho. Style différent : Cristina, voix pure, cristalline, évoque parfois, sauf qu’elle n’est pas blonde, les héroïnes hitchcockiennes, un peu glacée, mais sous la glace… Carminho joue avec le feu, et ferait davantage penser, tant qu’à rester dans les improbables références pour cinéphiles, à une Anna Magnani. Accompagnements différents : le trio classique de musiciens, les excellents Luis Guerreiro (guitarra), Diogo Clemente (viola) et marino de Fraitas (viola baixa) pour Carminho ; un trio moins fréquent, Ricardo Dias (piano), Luis Guerreiro encore à la guitarra, et un bon contrebassiste, José Daniel, pour Cristina. Répertoires dissemblables : une majorité de fados traditionnels (mais avec des textes personnalisés) pour Carminho, une abondance de musiques originales pour Cristina. Contrastes partout, mais fados pour les deux.
Carminho, cheveux longs adoucissants (tout compte dans les grandes salles de concert) , apparait bien plus à son affaire que lors de sa dernière apparition à Paris : tenir une grande salle, c’est, aussi, une question de métier, et le trac, qui était visible voici quelques mois au Théâtre de la Ville, ne l’est plus à l’Alhambra. Une artiste sûre de son art, épaulée par des musiciens complices, avec la rassurante présence de Diogo Clemente, peut-être le plus recherché des arrangeurs de la nouvelle génération, la sérénité bonhomme de Marino de Freitas, la virtuosité de Luis Guerreiro. La jeune fadiste se donne à fond et cette sincérité emporte le public, quand bien même, parfois, le cri l’emporte sur la mélodie. Bref, une prestation convaincante.
Cristina Branco, on le sait, prend un soin extrême à sélectionner des textes de qualité. Comme elle est à Paris, elle reprend un texte de Baudelaire figurant déjà à son répertoire. Une chanson de Vitorino est au programme, une reprise, en anglais, d’une chanson de Joni Mitchell, aussi (à ce propos, Ana Moura s’est aussi essayée à l’exercice, sans que ce soit très probant ; dans le genre, le As time goes bye de Misia est plus réussi). Le parti pris d’utiliser le piano (Ricardo Dias est de plus annoncé comme directeur musical par Cristina) ne nous a pas convaincu. D’autant que, pour certaines chansons, le son du piano couvre presque totalement la partie de guitare portugaise. Et lorsque le piano prend en charge la rythmique dévolue en général à la viola, on perd en légèreté et en swing. Le talent de Ricardo Dias n’est pas cause, mais nous continuons à penser que piano et fado ne font guère bon ménage. Pour en revenir au fado de Cristina Branco, elle a réussi de convaincantes interprétations du Agua e Mel, du Meu amor é marinheiro, l’une des rares références à Amalia de sa prestation, un fado suplica et un fado menor superbes.
Au final, deux artistes de grande qualité, des musiciens à la hauteur, une belle soirée.
Article également paru dans Lusojornal
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