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LA FRANCE DE DROITE

mercredi 16 avril 2014
par  Gérard Bélorgey
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C’est de bien des manières que la France est à droite : au sommet, par la politique euro libérale de ses autorités politiques, même si elle est parfois encore nuancée par des souhaits de justice ; au tréfonds de bien des Français , parce qu’une majorité d’entre eux semblent bien avoir été - du fait même de l’insécurité dans laquelle les plonge depuis vingt ans notre stratégie économique - gagnés par le souci égocentriste dominant de leur avenir, l’obsession identitaire, l’hostilité envers les immigrants (avec une intéressante tolérance pour les asiatiques et une aversion maladive envers les musulmans quels qu’ils soient), le tropisme d’être prêts à préférer, dans bien des domaines, l’efficacité et la sécurité à la garantie d’équité ; dans les urnes municipales, d’abord par les succès que nos compatriotes donnent en conséquence au FN ; dans les mêmes urnes encore, en ce que les électeurs démontrent, par la "vague bleue" tout court : que lorsque leurs convictions sont aux commandes, ils accordent par hostilité au pouvoir "socialiste" un crédit intact à l’opposition droitière classique. Peu leur importe qu’elle puisse être en morceaux, que quelques-uns parmi ses hauts représentants puissent être l’objet des "affaires" en cours , ils n’en ont "rien à cirer" ; pire, à la limite , ils préfèrent sans doute, une personnalité politique pugnace à une personnalité "clean" et acceptent tout à fait que pour l’emporter on puisse parfois transgresser quelques principes ; la même chose étant certainement valable en gros au sein des électorats de gauche, il est clair que la morale n’a rien à voir avec la politique : leçon machiavélique que devrait prendre en compte bien des intellectuels et des médiatiques (ce qui nous raccourcirait quelques débats méchants mais oiseux).

Si ce premier tour atteste d’une France de droite - au demeurant profondément déchirée entre les libéraux européistes et les souverainistes populistes, mais unis par contre dans les préférences sociétales et donc passionnément hostiles au réformisme” gauchiste" - c’est parce que la France de gauche a disparu : les voix populaires sont largement absorbées par le Fn ; trop sépare le PS non des verts (qui jouent des tons différents sur de mêmes partitions), mais des contestataires de la ligne hollandaise : ces pauvres gens (quand ils ne se sont pas en petit nombre résignés à voter PS) se sont répartis entre quelques votes indicatifs d’ambitions plus à gauche (ce qui ne fait pas une alternative de gestion, car personne au FG ou dans cette zone bien minoritaire ne présente une stratégie viable de rechange) et une abstention record qui est le fruit du désarroi, du scepticisme et de l’impuissance. Voilà ce qui permet, hélas, de dire que c’est François Hollande, pourtant un fin politique qui pense encore gagner sa guerre, qui a, pour le moins, au delà de la grave défaite municipale, perdu une grande bataille : non seulement, on le savait, celle de l’adhésion populaire, mais surtout celle de sa crédibilité de fédérateur de forces estimables de changement.

Et comment ? En voulant apporter une réponse de responsable raisonnable et déterminé à toutes ces grenouilles néolibérales qui, pour le piéger, demandaient un roi, il a sans doute scellé l’irréversible : dans l’axe de son immobilisme européen. Le "tournant" (en fait sa continuité profonde), a été pris très tôt : lorsqu’il a renoncé - quoique fort de son élection - à faire un peu changer la donne des possibilités européennes, en faisant passer, en fait tel quel, le TSCG. Il s’est alors placé dans l’obligation de faire mieux que ce que la droite avait manqué sous le quinquennat précédent sans pouvoir apporter aux réformes évidemment nécessaires (celles de donner une capacité concurrentielle meilleure, mais originale, à la France, ce qui ne se fait pas qu’en baissant le coût du travail, alors même que les charges des entreprises exposées à la concurrence mondiale doivent évidemment être allégées), plus que des contreparties, des accompagnements salutaires : l’assouplissement de l’euro (à obtenir par une négociation forcenée), la faculté d’aller à des emprunts permettant de monétariser une part de la dette, le recours à des protections commerciales en tant que de besoin, le développement d’une part de capitalisme d’État réduisant le coût du capital et permettant d’assurer les priorités de nos intérêts, enfin - de manière parfaitement compatibles avec une politique de rigueur à l’encontre de certains excès de dépenses publiques et avec une réorganisation majeure de l’État et de certaines modalités de relations (aujourd’hui trop ruineuses) entre régimes de couvertures sociales et partenaires de santé - des mesures sociales significatives (dont il eut fallu accepter, là, le coût) pour arracher au désespoir et à la colère ceux dont les emplois disparaissent, les services publics s’éloignent et dont les pouvoirs d’achat s’effritent.

Tels étaient les véritables gages à donner à l’esprit de gauche, plutôt que ceux du forcing pour le "mariage pour tous" et de ce qui - à tort ou à raison - a pu être ressenti ensuite et dans la foulée comme une préférence, un risque de glissade vers des modèles sociétaux et des options familiales et sexuelles de plus en plus détachées de la tradition. Ce filon là n’a rallié personne que ceux qui en étaient déjà convaincus, mais a profondément choqué une part des Français.

Il est frappant que les droites progressent mal à Paris parce que la ville, capitale du boboïsme, est (comme d’ailleurs NKM elle-même) plutôt acquise aux changements de mœurs, mais que ces droites progressent allègrement dans les plus traditionnelles provinces de France. Ce n’est pas seulement à cause des données économiques et sociales ; c’est évidemment par rejet passionnel de la ligne "permissive" que le chef de l’État, fut-ce avec prudence (mais en ne tenant pas assez compte des réserves d’anciens de son camp et de l’intérêt tactique qu’aurait eu un référendum) a ouverte et dans laquelle on voyait, là encore, à tort ou à raison, trop de choses vouloir s’engouffrer. Et la droite, qui n’avait rien à apporter au plan de la stratégie économique et que des mauvaises nouvelles à proposer dans le domaine social, a bien compris depuis des mois que la bonne prise contre le pouvoir en place était d’attaquer sur l’ouverture à l’évolution des mœurs et à l’officialisation de concepts tels que "le genre" . Quand on ne vote pas avec son porte monnaie, on vote pour le moins selon ses tabous et avec ses tripes. Que tout cela ne soit ni moral, ni élégant ne change rien à l’affaire, ni au climat désastreux qui vient de s’instaurer (ou plutôt de se conforter avec éclat).

La France est donc à droite et, à tous titres, elle l’est largement grâce à un président de "gauche" qui, pour l’instant, a fait gagner l’autre famille politique : d’une part en se rapprochant plus qu’en se démarquant de la stratégie libérale globale, parce qu’il n’a été ni réfléchi à une autre politique ni, a fortiori, essayé dans le dialogue européen d’en faire avancer quelques pions et prémisses , alors que, face à une détermination de changement de la France, nos partenaires - Allemagne la première inclue et intéressée, - auraient bien été obligés d’en tenir compte pour ne pas voir exploser l’Union et l’Euro (mais pour faire cela il faut une trempe gaullienne) ; d’autre part en offrant à la droite sur le plan sociétal - alors que celle-ci n’avait plus de bonnes cartouches économiques et sociales à tirer - toutes les munitions de rechange dont elle avait besoin, par des erreurs de compréhension et de prise en compte de sensibilités enracinées dans l’opinion.

Pour autant, et répétons le, il ne faut pas recommencer la République du Weimar : oui, sinon un "fascisme" , du moins une idéologie apparentée n’est pas impossible en France ; si ses tenants dédiabolisés acceptaient, pour payer le prix de voir appliquer la partie autoritaire et identitaire de leur programme, de concéder aux ultra libéraux qu’après tout, on peut bien continuer à faire, au sein de l’Europe, une politique de ruptures sociales pour libérer la croissance, se trouveraient alors réunies les conditions d’une redoutable alliance de gouvernement entre droite et extrême droite . C’est pourquoi, la priorité est et reste de faire barrage à la réaction.

Si le souverain pouvait néanmoins tirer quelques profits de la leçon qu’il est train de recevoir, ce serait même profitable. Mais il peut en tirer d’autres : satisfaire les allergies ( contre les impôts, contre les immigrés, contre les demandeurs d’asile, contre les dangereux de tous bords, contre les assistés, etc.) ; croire qu’en ajoutant un peu de politique de la demande à son annonce de la politique de l’offre, la machine à créer quelques emplois pourrait repartir sans devoir trouver d’autres leviers que satisfaire les attentes du capital d’un meilleur profit (ne garantissant pas l’investissement) et qu’offrir un peu plus de facultés d’achat aux consommateurs (pouvant parfaitement acheter, sans autre effet pour nous qu’au bénéfice du négoce , des biens lowcost importés).

Mais, à nos yeux, s’il n’y a pas de révision plus profonde (et nous ne parlons pas de celle inutile du gouvernement, mais de celle de la stratégie), pour assouplir l’euro, pour apporter des moyens publics à la croissance, pour protéger nos productions contre les dumpings, pour réaliser une réforme drastique de l’appareil public, pour soumettre des intérêts professionnels et particuliers aux exigences d’économie de la sécurité sociale, nous continueront à louvoyer entre mesurettes et entêtements et à nourrir les communs dénominateurs de la France de droite : la caricature de son identité, la dureté pour les pauvres, la complaisance pour les pourvus et pour les originaux, l’abandon du destin des Français aux forces incontrôlées du marché mondial et - bien sûr - l’exclusion de la morale du champ de la politique.

Le blog de Gérard Belorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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