L’UNION DE LA CARPE ET DU LAPIN

LES BANLIEUES ET LA DROITE TRADITIONALISTE CONTRE… LA CONDITION FEMININE
mercredi 16 avril 2014
par  Danielle Bleitrach
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Une photo représentant enlacées tendrement Farida Belghoul et Christine Boutin, à savoir une ancienne dirigeante des étudiants communistes de Tolbiac qui avait combattu pour l’égalité avec ce que la France comprend de plus archaïque et traditionnaliste pose plusieurs problèmes, le premier concerne le droit des femmes et peut être résumé par cette déclaration de Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devez rester vigilantes votre vie durant ». En effet la condition féminine, comme d’autres droits progressistes défendant les libertés individuelles de gens historiquement mis en position d’infériorité, ne peut pas être isolée de l’état général des rapports de forces à l’intérieur de la société. Le rapport des forces est structuré et en particulier ce qui par le rapport capital-travail, ce que l’on a eu que trop tendance à oublier. Ce rapport des forces détermine à terme une certaine conception de ce que l’on peut exiger d’un individu en matière d’exploitation. Toutes les différences historiques deviennent le plus souvent des conditions d’exploitation ou de rejet vers le chômage et la précarité, ce que Marx désignait d’un terme imagé comme les "invalides du capital". Et nous savons bien qu’être une femme cela signifie concrètement un salaire en moyenne de 27% inférieur à celui des hommes, des carrières bloquées, des mi-temps, des situations monoparentales dans lesquelles la récupération des pensions est le parcours du combattant, ce qui en période de crise en fait des proies. Là-dessus il y a la menace espagnole d’un retour sur l’IVG, à savoir des situations dramatiques et des souffrances, leur santé en cause autant que leur dignité sur leur corps. Comment ces deux femmes peuvent-elles s’enlacer pour cautionner une telle régression et le faire à partir d’un mauvais coup où elles ont joué les corbeaux, diffusant une rumeur sur ce qui se passerait à l’école, y compris l’enseignement inventé de la masturbation des enfants de maternelle ?

De la description de la condition féminine, il faut tirer une conséquence essentielle, loin d’être des problèmes secondaires ces batailles pour les droits des individus stigmatisés, dominés, ont directement à voir avec les luttes contre l’exploitation. Parce que le contexte est celui d’une formidable régression dans laquelle le PS a pris toute sa part, ce qui a donné toute sa force aux conservatismes. Il n’y a pas que les femmes : tous les progrès sociaux en général auxquels d’ailleurs l’évolution de la condition féminine était souvent liée ont connu une régression. Ainsi en est-il de l’attaque néo-libérale contre le service public, la santé, l’éducation en particulier. Historiquement, tout le poids de ces services a reposé sur les femmes et leur développement a favorisé une émancipation. Le collectif a assumé leurs tâches et en leur a procuré des emplois plus égalitaires que dans le privé. Attaquer le service public c’est aussi une matière de régression de la condition des femmes. L’attaque menée contre l’école par défaut de moyens, mais aussi par la "rumeur" infâme marque des convergences de fait sous couvert de défense de la "tradition".

Enfin, ce n’est pas parce que le PS a choisi de mener des batailles sociétales, tout en se rangeant du côté des intérêts patronaux, qu’il faut ne pas considérer que quand la rue est occupée par la réaction, les conditions de la bataille des travailleurs ne s’en trouve pas aggravée parce qu’une partie d’entre eux est désormais mobilisée par les forces conservatrices. La riposte des femmes ce samedi nous annonce un possible retournement de tendance si on n’isole pas ce qui n’a pas à l’être et si l’idée de progrès social est prise dans ses aspects les plus concrets, celui vécu par des millions d’individus isolés désormais dans leur souffrance et qu’il faut rassembler.

Le ralliement d’une partie du prolétariat à l’extrême-droite sur des bases hétérogènes

Ce ralliement d’une partie du prolétariat à l’extrême-droite et aux forces conservatrices est entré dans une nouvelle phase avec la politique menée par le PS qui a abouti à la fois à attaquer le monde du travail dans ses conditions d’existence et donc de lutte et à mobiliser les forces conservatrices comme elles ne l’ont jamais été, à leur faire atteindre un degré d’organisation et de diffusion de leurs idées préoccupant. Avec d’un côté ce ralliement et de l’autre des organisations ouvrières bureaucratisées, loin du terrain, des forces politiques simples machines électorales. Tandis qu’un certain nombre de militants parmi les plus combattifs s’obstinent à négliger l’avancée des idées d’extrême-droite en leur sein. Dans la mesure même où il s’est agi d’antisémitisme, il y a eu des oreilles plus que complaisantes chez des gens qui ont très vite identifié juifs et Israël ou sont toujours prêts à faire du capitalisme l’affaire des juifs. Mais aujourd’hui la question des avancées de l’extrême-droite atteint l’école, le droit des femmes et prétendre ignorer ce qui se passe c’est s’en faire les complices.

Parce que les exemples de ralliement à l’extrême-droite à partir d’un militantisme de terrain, opposé à la politique du PS, se multiplient, il y a le cas de la CGT d’Orly, qui propose de faire de Dieudonné et sa quenelle une cause nationale. Il y a le cas de Farida Belghoul lançant avec Soral et madame Boutin la rumeur sur le genre dans les écoles. Il faudrait d’ailleurs parallèlement voir à quel point dans l’école elle-même il y a désormais le développement chez les enseignants d’une extrême-droite qui est déjà une réalité dans la police. Non seulement il s’agit d’une diffamation mais celle-ci ne peut prendre que parce qu’il y a des relais qui diffusent la rumeur y compris dans la vie associative des banlieues, les beaux quartiers ont désormais leurs passerelles dans le tiers-monde, prêt à avoir un lumpenprolétariat. Il y a encore le cas d’Abdel Zahiri, un militant associatif du Vaucluse annonçant que la gauche c’est fini pour lui. Et il est très intéressant de noter sur quelles bases s’opère ce ralliement.

Trois arguments sont avancés pour expliquer le passage à droite

Premièrement, effectivement la gauche, d’abord le PS mais aussi à un degré moindre l’extrême-gauche, a utilisé le clientélisme associatif et transformé tout ce monde des banlieues en simple agents électoraux sans intervenir sur les nécessaires solidarités de terrain. Notons que ce clientélisme n’est pas l’apanage de la gauche même s’il a été l’instrument d’une conquête sur les communistes et, sur leurs mairies, le passage au PS de la Seine Saint Denis par exemple, les récentes aventures de Dassault à Corbeil-Essonne ont mis en lumière le fait qu’il s’agit d’un phénomène qui concerne la droite aussi bien que le PS. Le bipartisme et l’électoralisme ont été les vecteurs de ce pourrissement. Il faut également noter comme j’ai pu le constater dans certaines cités marseillaises qu’il y a une entente entre élus du secteur, mouvement associatif et délinquance avec l’imam du coin et que tous ensemble ils s’entendent pour mettre en place une police des mœurs qui pèse de tout son poids sur la situation des femmes.

Deuxièmement, le pire sans doute est que la gauche n’a pas daigné former ces jeunes, se coulant au contraire dans leurs stéréotypes et leurs arriérations, aujourd’hui ainsi dans l’argumentaire d’un Abdel Zahiri visiblement influencé par Soral proclame avoir été "utilisé", le parti socialiste serait un agent sioniste et l’intervention de Valls permet à la fois de lier sionisme et répression policière, l’amalgame est le propre de cette idéologie. L’antisémitisme ne peut pas être négligé en tant que ciment idéologique et unité des contraires. Comment en arrive-t-on à passer au "mariage pour tous", et bien c’est parce que la France laïque s’attaque au voile et aux valeurs fondamentales de la famille, la différence entre les hommes et les femmes. La meilleure preuve d’ailleurs que ce gouvernement ment est qu’il n’a pas accordé sa promesse de 1981 le droit de vote aux étrangers. Comment à partir de là en arrive-t-on comme en 34 à désigner la France aux mains des "sionistes" ? La toute puissance juive confondue avec le traitement injuste réservé aux victimes, celles de l’esclavage, du colonialisme et celles de la Shoah, tout est confondu, y compris la question palestinienne qui n’est plus qu’un prétexte à ces amalgames tendant à préserver le capital derrière l’éternel bouc émissaire.

Et là-dessus, enfin, le Front National vient doublement en appui, d’un côté il explique des vérités, à savoir que la politique du gouvernement comme celle de l’Europe est néo-libérale en faveur des patrons, que toutes ces questions sociétales sont des leurres destinés à masquer les problèmes réels des Français en matière d’emploi, salaires… Il peut même prendre à son piège sécuritaire et limite raciste Valls en montrant qu’il n’a rien fait et en retrouvant l’argument de son sionisme supposé. Il peut appuyer les forces conservatrices en feignant de défendre les fondamentaux des intérêts du peuple. Oui mais sur ce plan, il est évident que le combat des femmes et les multitudes qui ont défilé hier en Espagne comme en France prouvent qu’il s’agit là d’un combat qui a du mal à être récupéré par l’extrême-droite (d’où l’attaque sur les enfants à la maternelle), alors que le combat contre le racisme est aujourd’hui complètement enfoncé, comme l’est d’ailleurs un combat dont il n’est même plus question et qui pourtant avait trait en profondeur à tous ces affrontements, celui pour la paix, ce qui ne signifie pas au contraire qu’on ne doive pas réaliser la nature de ce à quoi nous sommes confrontés.


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