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LE FADO ET LES ŒILLETS

dimanche 20 avril 2014
par  Jean-Luc Gonneau
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Dans quelques jours, on fêtera le 40e anniversaire de la révolution des œillets. Singulière révolution qui vit des forces armées se rebeller contre des guerres coloniales qu’on leur faisait mener et demandaient rien moins que la démocratie. Singulière révolution qui ne fit pas de victimes (ah, si, un mort, dit-on, et encore, par imprudence). Quarante ans plus tard, des acquis de cette révolution demeurent encore moins de vestiges que de municipalités de gauche en France après une rouste électorale. Mais reste, ce n’est pas rien, la démocratie.

Après le 25 avril 1974, les « trois F » considérés comme les piliers du salazarisme furent fustigés. Pour le premier, F comme Fatima, le Lourdes portugais, plus prégnant encore dans un pays alors beaucoup moins sécularisé que la France, on comprend, la religion opium du peuple, le soutien massif de l’épiscopat à l’Estado Novo. Pour le second, F comme football, on pourrait comprendre, mais ça n’a pas marché, les révolutionnaires ayant sous-estimé l’attachement populaire, y compris chez leurs propres militants, aux Benfica, Porto, et autres. D’ailleurs, sur le ton de la blague, le fameux peintre et scénographe Mario Alberto, qui eut tant de démêlés avec la censure, affirmait que le football n’était pas immoral, opposant des hommes à d’autres hommes. Ah, s’il était mixte, peut-être y aurait-il des risques. Et il proposait des réformes pour le football : que le ballon et les joueurs soient plus grands, afin que les spectateurs les voient mieux. Pour le troisième, F comme fado, on pouvait comprendre, tant le pouvoir en usa et abusa. Mais c’était injuste. Oubliés les engagements, certes discrets, d’artistes, de poètes du fado pour la démocratie (Carlos do Carmo, Fernando Farinha, Ary Dos Santos, le franco-portugais Alain Oulman, auteur de plusieurs des grand succès d’Amalia Rodrigues). Oubliés les textes ironiques ou critiques, souvent à double sens pour tromper la censure, chantés par de grandes voix du fado dans les années 1950, les « fados moraux » de Frutuoso França, le Donos e escravos de Gabino Ferreira, les plaisanteries critiques d’Herminia Silva.

Malgré les efforts des premiers gouvernements post-25 avril, la disparition ou presque du fado dans les programmes de radio et de télévision, et notamment, pendant presque dix ans, d’Amalia Rodrigues, malgré les critiques d’une partie de l’intelligentsia de gauche, qui retrouvait curieusement certains des arguments mis en avant par l’extrême droite salazariste quarante ans plus tôt (supposée « pauvreté musicale », défaitisme – chanson des vaincus disait le musicologue et idéologue salazariste Luis Moita en 1936), le fado a non seulement survécu, après une période difficile, mais connait depuis une vingtaine d’années un essor remarquable. Avec le temps, la querelle entre le fado et les œillets s’est effacée. Mario Soares a décoré Amalia Rodrigues, entrée au Panthéon national. Et le fado est inscrit au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO.

En France, le 40e anniversaire de la révolution donnera lieu à nombre de festivités, colloques, banquets, bals, films, débats… Peut-être, lors des soirées et concerts de fado programmés dans cette période (concerts d’Antonio Zambujo le 24 avril à Arcueil, de Shina à Paris le 25, d’Ana Moura le 26 à Neuilly, soirée « 25 avril » au restaurant O Lisboa de Drancy) évoqueront, plus ou moins, l’anniversaire. Ce sera aussi le cas, et nettement plus que moins, pour la soirée « Fados en lutte » du Coin du fado le 25 avril, où Conceição Guadalupe, Jenyfer Rainho, João Rufino, Daniela, Antonio de Freitas, mais aussi la française Karine Bucher, la japonaise Rieko Sakurai et l’auteur de ces lignes (patrimoine mondial oblige) reprendront des fados de l’époque, et d’autres aussi autour du thème de la liberté, accompagnés par les éminents musiciens Filipe De Sousa, Nuno Estevens et Nella Gia.

Texte paru également dans Lusojornal du 23 avril (www.lusojornal.fr)


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