Bon, Monica n’est pas la seule fadiste alfacinha qui évolue en France, mais, dit Nuno Estevens, le guitariste (viola), lisboète lui aussi, Monica Cunha est 100% lisboète. Pour lui, Monica est ce qui correspond le plus, ici, au fado contemporain qu’on entend à Lisbonne. Voyons voir : une diction parfaite, un répertoire étendu, qui mêle fados traditionnels et fados musicados, avec un choix de textes qui la distingue des reprises de fados très connus et souvent (trop) entendus. Ajoutez une voix claire, une présence et une tranquille équanimité souriante. Agitez et vous avez Monica Cunha.

« Quand je suis venue en France, d’abord comme étudiante dans le cadre du programme européen Erasmus, je n’avais pas idée de chanter le fado professionnellement. D’ailleurs, je ne pense pas faire du fado l’activité principale de ma vie ». Monica Cunha entame un doctorat de littérature portugaise, qu’elle a enseigné à la Sorbonne puis, actuellement, à l’Institut Camões. 3mais il y a un lien entre la littérature et le fado, ils ont la poésie en commun ». 27 ans, jeune mariée, Monica fait preuve, en tant que fadiste, d’une étonnante maturité. « J’ai toujours aimé chanter, enfant, je chantais un peu de tout, et puis de plus en plus, c’est le fado qui m’a le plus intéressé. Et dès l’adolescence, je ne chantais plus que le fado. J’ai commence à aller dans les maisons de fado avec mes parents, et puis en cachette, et puis les 18 ans arrivés, de plus en plus. J’ai ma rue du fado à Lisbonne, la rua dos Remedios ». Cette rue, qui monte presque jusqu’au Panthéon en partant du Largo do Chafarriz de dentro en bas d’Alfama, compte plusieurs maisons de fado, dont la Mesa dos Frades, sa préférée, repaire, entre autres, de Ricardo Ribeiro, où apparait parfois Carminho, deux étoiles montantes du jeune fado, que Monica apprécie beaucoup.

« Du fado, j’en écoute beaucoup, mais je ne crois pas me situer par rapport à des références des chanteuses du passé. Je chante comme je le sens ». A Paris, elle est un soir invitée à chanter au restaurant Europa, à Evry, qui à cette époque donnait quelques soirées de fado. Elle y rencontre Filipe de Sousa, le guitariste, et Flaviano Ramos, le violiste, qui faisaient alors équipe. Un peu plus tard, elle rencontre au Sinfonia de Montrouge, toujours avec Filipe, Casimiro Silva, autre violiste pilier du fado parisien, qui contribue à la programmer dans les soirées de fado des restaurants portugais et dans les spectacles associatifs, ce qu’elle continue de faire. Plus récemment, elle a participé au spectacle Sud-Express de Filipe de Sousa.

Et le soir où avons cet entretien, elle représente le fado dans une rencontre amicale organisée par Antonio de Freitas, un passionné et de fado et de chanson française entre fado portugais et chanson française, représentée par la jeune Amal El Bouchari. Rencontre avec un accompagnement musical très portugais : Filipe de Sousa, Nuno Estevens et l’accordéoniste Cristiano Toucas. « J’aime ce genre de rencontre entre expressions différentes qui se respectent entre elles. C’est intéressant aussi quand d’autres instruments que les guitares interviennent. A condition, comme c’est le cas ce soir, qu’ils respectent l’esprit du fado. Ce que je n’aime pas, c’est quand on se sert du fado pour faire autre chose ». Des noms ? Elle en donne, mais sous le sceau du secret. Secret gardé. Ce qu’elle pense du fado en France ? « Ce qui est parfois gênant, c’est la bagarre pour obtenir des contrats, mais il est vrai que je ne dépends pas du fado. Ce qui est agréable, c’est que nous sommes un petite communauté fadiste, où tout le monde se connait ».

Cet article est également paru dans Lusojornal www.lusojornal.com