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CONTRE UNE UNION FISCALE ET POLITIQUE AUTOUR DE L’EURO

lundi 8 septembre 2014
par  Gérard Bélorgey
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Pour sortir l’Europe de l’ornière et du discrédit, des personnalités françaises et allemandes préconisent donc une union politique de l’euro qui consisterait dans un premier temps à unifier au sein de la zone euro l’impôt sur les sociétés, à doter la zone d’un parlement et à mutualiser partiellement les dettes. La dernière de ces propositions exprime un type de solidarité très prisé de longue date par la théorie social-démocrate et aurait même de facto déjà commencé avec le Mécanisme européen de stabilité, l’union bancaire en gestation et l’Outright Monetary Transactions de la Banque centrale (le rachat direct par celle-ci sur le marché secondaire, et sous certaines conditions, d’obligations émises par les gouvernements de pays membres). Mais comme c’est insuffisant - aléatoire au moins - il faut écarter que " la spéculation sur les taux d’intérêt recommencera encore et toujours" tandis que "la légitimité démocratique de ces mécanismes doit être clarifiée au plus vite. Pour aller plus loin, il faut repartir de la proposition de "fonds de rédemption des dettes européennes" faite fin 2011 par les économistes conseillant la chancellerie allemande, visant à mettre en commun toutes les dettes dépassant 60 % du produit intérieur brut (PIB). Et lui ajouter un volet politique."

S’il faut ce volet politique, c’est bien évidemment que de telles décisions à seule merci du gouvernement allemand n’ont aucune chance d’être adoptées et qu’il faudrait parvenir à embarquer Berlin dans la charge d’éponger les dépenses passées des "cigales" en les encourageant de plus ainsi, comme dirait la Chancelière, à recommencer dans l’avenir. Il faut d’autant plus comprendre la position réservée de l’Allemagne que ce n’est pas non plus l’intérêt de la France de participer à de telles charges, notamment au bénéfice de pays du Sud qui lui font actuellement, via notamment leur déflation salariale, une concurrence encore plus forte qu’en raison de leurs autres avantages de prix de revient ayant fait de longue date reculer nos débouchés agricoles et industriels traditionnels.

Ce volet politique qui est la deuxième proposition du dispositif (1) en est, en fait, l’âme et l’ossature, une chambre parlementaire de la zone euro qui répondrait au moins à trois idées : d’abord celle de lier classiquement parlementarisme et impôt (cette chambre voterait l’impôt unifié sur les sociétés de la zone) tout en démocratisant certains aspects de politique monétaire : le nouveau parlement définirait la part des dettes à mutualiser, mais on ne lui voit pas recevoir le moindre autre pouvoir d’influence sur la BCE qui continue à échapper au pouvoir politique ! Ensuite, cette nouvelle construction serait manifestement la voie par laquelle reconstruire un cheminement fédéral à l’échelon et par le levier de la seule zone euro (bien que les pays constituant cette zone soient tout à fait hétérogènes et ne puissent constituer une "zone économique optimale"). Enfin, l’objectif très clair est, au delà de la co-souveraineté dont nous souffrons déjà tant, d’établir une souveraineté économique déniant définitivement et totalement une quelconque capacité aux Français de faire des choix fiscaux, budgétaires, monétaires qu’une majorité des élus parlementaires des dix huit membres de la zone euro jugeraient "hors des clous".

En fait plus le cercle des participants aux décisions économiques est large, plus la chance de conformisme est forte. C’est le piège de tous ces systèmes dans lesquels aucun progrès ne peut procéder du groupe qui est un amortisseur garanti tandis que dans un cercle plus étroit (national au premier chef) on peut espérer qu’une majorité de progrès arrive au pouvoir (ce qui n’arrivera jamais de manière simultanée dans un ensemble supra national où il y aura toujours, de plus si l’on échappe aux majoritaires, caché dans un coin, un pouvoir de blocage des minoritaires...). Sacrifier la souveraineté fiscale pour contrôler la part de mutualisation (éventuelle) de la dette (sans placer la BCE sous contrôle politique !) et pour unifier l’IS (ce qui aurait certes la vertu de contrer le jeu d’optimisation fiscale des multinationales et les tactiques concurrentielles de moins disant fiscal - mais seulement pour cet impôt ! - et ce qui interdirait de monter, le cas échéant, l’une des bases possibles d’une politique française de l’investissement que l’on évoquera ci dessous) est un inimaginable jeu de dupes, surtout, le moyen pour des majorités européistes d’aujourd’hui de lier les mains de majorités éventuelles de demain, en les empêchant de changer les choses.

Or, on peut concevoir de changer au niveau national, à la satisfaction de beaucoup de citoyens et d’entreprises, des mécanismes importants : par exemple, il faut que nous conservions la maîtrise de l’IS, non pour en fixer des taux séduisants, mais pour conduire une politique de défiscalisation de tout profit réinvesti dans la production sur notre territoire au bénéfice des secteurs à privilégier (ceux portant des "emplois nomades" exposés à la concurrence internationale et ceux porteurs d’emplois d’avenir comme la conversion écologique), selon une liberté de choix que ne doit pas altérer une obligation d’entente avec les autres pays européens qui n’ont pas nécessairement les mêmes intérêts que nous (postuler qu’ils les aient relève de l’angélisme de tout "européiste").

Au delà, une politique fiscale française pourrait aussi chercher à drainer des moyens pour nourrir des capacités d’investissement public : le réinvestissement productif des bénéfices imposables à l’impôt sur les sociétés pourrait devoir parfaitement se faire hors entreprise d’origine - en étant alors également exonéré - dans des placements en obligations d’État affectées à soutenir l’activité industrielle. Dans le même esprit, les contribuables soumis à l’impôt sur le revenu pourrait être incités, pour se libérer d’une fraction d’impôt, à souscrire ce même type de bons industriels du Trésor , mais en consentant alors à l’État un niveau de prêt évidemment plus élevé que l’impôt lui-même (c’est la vieille technique de "l’emprunt libératoire de l’impôt"), l’objectif étant clairement de donner à l’État des capacités de banquier d’affaires, de permettre un capitalisme d’État, ce qui n’est sans doute pas la conception allemande actuelle , ni celle de l’idéologie européenne dominante. Mais, c’est un modèle alternatif que l’on doit appeler en référence.

En effet, il ne faut aussi jamais perdre de vue que toute action tendant à transformer de la capacité privée d’investissement en capacité publique de financement d’activités marchandes fondamentales et profitables contribue à satisfaire des évolutions positives transformatrices de la société. C’est un moyen de tendre à résorber les inégalités sociales : celles-ci sont indispensables au financement privé de l’investissement, puisque - quels que soit ses canaux - celui-ci suppose à l’origine des différences très significatives de revenus permettant qu’une petite minorité puisse largement épargner, puis mobiliser des effets leviers pour investir (et parfois spéculer). A l’inverse un financement public fait appel, selon divers schémas plus ou moins équitables, à des ressources collectives et n’exige pas une importante inégalité structurelle (cf. sur ce site le papier du 04/09/2012 relatif à un modèle de véritable "banque publique d’investissement"). C’est un moyen de probité de la vie économique et publique, car il écarte les ressorts abusifs d’intérêts personnels, voire de cupidités, comme leviers de développement. C’est donc un correctif d’économie mixte, permettant de choisir et soutenir des priorités stratégiques par une dose d’appropriation collective de ces moyens du développement : le rôle même d’un capitalisme d’État, d’un capitalisme de service public (n’empruntant pas la voie de la gestion d’ensembles "nationalisés", mais celle de participations significatives aux fonds propres et aux fonds longs dont ont besoin des entreprises clefs).

On voit qu’on ne peut détacher la recherche de telle ou telle satisfaisante politique sectorielle d’une part "doctrinale”. L’absence de celle-ci - comme en témoigne à nouveau la plateforme largement de langue de bois adoptée en ce Xème Congrès des partis sociaux démocrates européens (1) est la raison intellectuelle majeure pour laquelle la social démocratie a été dévorée par le libéralisme, à travers l’appareil européen. Certes au printemps 2010, des travaux préparatoires à la convention socialiste d’alors avait comporté des éléments de réflexion intéressant ; mais la plupart d’entre eux ne cessaient de se référer au fait européen : comme aujourd’hui, si bien que ce cadre est toujours sur chaque chose la pierre de touche permanente (et agaçante) à laquelle on revient comme à la Bible. C’est cette ossature européenne ordonnant un système libéral qui constitue l’emprisonnement de la réflexion. Construire une alternative doctrinale nous affranchissant de la référence à l’Europe, en tant qu’elle est le pivot du libéralisme économique contemporain, serait une tâche essentielle et cherche encore ses ouvriers ...

(1) cf. http://www.parti-socialiste.fr/arti...

Le blog de Gérard Belorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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