DELIKATESSEN, LE NOUVEL ALBUM DE MISIA
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Misia ne fait rien comme tout le monde, avais-je écrit il y a un peu plus de deux ans alors qu’elle donnait à Paris son spectacle Senhoras da Noite. La voici de retour en France pour la promotion de son nouvel album, un joli objet qui pourrait faire un très estimable et élégant cadeau pour les fêtes qui se rapprochent. Et bien entendu, le contenu n’est pas fait comme tout le monde. Et change d’un Senhoras da Noite très fadiste. L’idée de Delikatessen (un peu l’équivalent des petiscos) lui est venue un soir de fringale en découvrant son réfrigérateur quasi vide. « Alors, pour calmer ma faim, je me suis mise à préparer un menu de chansons, des chansons, et des artistes, qui ont marqué ma vie à différents moments, chansons parfois très kitsch, souvent émouvantes, avec un goût très fort puisqu’il s’agit d’un repas ». Avec des chansons en portugais (cinq), en français (trois), en espagnol (cinq). Certaines dédiées à la mémoire d’artistes aimés (Amalia, Romy Schneider, Sarita Montiel, la cubaine La Lupe, Tony de Matos…), d’autres en hommage à de grands artistes (Juliette Gréco, le metteur en scène Peter Brook, la plasticienne Sophie Calle). Le plus souvent avec le seul accompagnement du pianiste (italien) Fabrizio Romano. Saupoudré de complicités sur certains thèmes (les portugais Pedro Santos, Jeff Cohen, Melech Mechaya, Dead Combo, Sandro Costa, Daniel Pinto, Tigerman, la brésilienne Adriana Calcanhotto, le délicieusement kitsch ténor mexicain Ramon Vargas, l’américain Iggy Pop). Musiques du monde ? Oui, mais musique d’un monde, aussi, celui de Misia.
Et le fado dans tout ça ? Misia se cabre gentiment : « J’ai plusieurs personnes en moi, comme Fernando Pessoa. Je ne me suis jamais cantonnée au fado, et je pense qu’être fadiste ne veut pas dire qu’on ne fait rien d’autre. Les traditionalistes sont très intolérants, vous savez. En son temps, même la grande Amalia a été attaquée parce qu’elle « trahissait » le fado en chantant en français, en espagnol, en anglais ou mettait dans son répertoire des poèmes de Pessoa. Le fado, je continue à en chanter, j’ai d’ailleurs un spectacle consacré à Amalia Rodrigues, qui essaie de montrer des aspects différents de ceux qui lui sont généralement attribués, d’aller ailleurs ». Ajoutons que dans Delikatessen, le fado n’est pas complètement absent. Si la présence de la guitare portugaise se limite à quelques accords de Sandro Costa sur le très kitsch Cha cha cha em Lisboa du compositeur Ferrer Trindade, Misia offre une version très personnelle du Fado do ciume créé par Amalia et du Basta do infinito du compositeur Miguel Ramos. Ajoutons-y So nos dois, plutôt fado-cancão, hommage à Tony de Matos. Et surtout la voix de Misia, qui demeure voix de fado dans tout ou presque ce qu’elle chante.
Et à part ça, comment va Misia ? Plutôt bien, dirait-on, pleine de projets (l’un déjà réalisé au Brésil, « São tres » sur des musiques des grands compositeurs Dorival Caymmi, Lupicinio et Cartola adaptées en fados), un autre à venir en 2015 avec le Philarmonique de Brême où elle chantera des fados et des lieder de Schubert. Jamais comme tout le monde, on vous dit. Toujours « gothique », Misia ? « Toujours, je reste fidèle à la mort ». Plus fidèle à la mort qu’a la vie ? « Mais c’est la même chose, voyons ! ». Delkatessen, café concerto. Prod. Verycords. Disponible depuis le 27 octobre
Cet article est également paru dans Lusojornal en date du 10 novembre 2014
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