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LA TOUR DE BABEL

mercredi 19 novembre 2014
par  Roberto Robertelli
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Les incultes pasteurs nomades regardèrent éblouis et craintifs cette œuvre du Démon. Edifice imposant dans cette ville aux couleurs du monde, grouillante d’une multitude étrange pratiquant des rites obscurs, foule qui s’exprime dans des idiomes inconnus aux accents inquiétants, la vue de ce colosse de briques et de mépris ne pouvait qu’offusquer leur Dieu unique. La peur était aussi prenante que l’émerveillement pour ces migrants va-nu-pieds, ces êtres rejetés, ne possédant rien, sortant du désert et de l’inutilité. Cette peur, cet émerveillement honteux, cette jalousie devant tant de puissance ne quittera plus ce peuple et de cette vision d’une cite de beautés d’une merveilleuse complexité, ils en transmettront l’image d’un enfer dantesque symbole de la déchéance humaine. La Mésopotamie, l’Egypte, les vilains philistins, que d’aventures, de dangereuses aventures ; et puis Rome, la pute, la sale catin qui les a éparpillés, celle qui les a rendus savants et enfin utiles, celle que l’on hait avec encore plus de force puisque après la soumission et l’exil, on lui doit tout. Pire encore, après sa chute, cette nouvelle Babylone leur a laisse l’Eglise pour les surveiller et suprême insulte, les protéger au prix de cette soumission, cette souillure, ce calvaire qui semble ne jamais prendre fin. Et l’Eglise de Rome leur a donné l’Europe chrétienne qui a forgé les élites des états qui vont conquérir le monde, des empires sans précédent dans l’Histoire, des empires faits de traditions, de culture, d’humanisme, de sciences et de techniques et d’un art de vivre qui supporte même à présent la civilisation. Et ils auront à supporter même les ottomans et les anglais, c’est tout dire.

Comme si les raisons de détester des peuples qui ne sont pas élus mais à qui, dégradante humiliation, ils doivent tout, ils ont reçu d’eux aussi le pire : Hitler-le-monstre entre autres, un monstre dont l’orgueil racial était peu de chose face au désir personnel de puissance, de puissance sans limites, de puissance contre nature. Encore une fois leur dieu sévère leur donna un ennemi à la taille de leurs propres ambitions, de leurs propres envies, de leurs désirs et ce lorsque enfin, après tous ces siècles de soumission et d’attentes, leur émancipation dans une Europe en voie de libéralisation leur donnait la place que méritait leur talent. Cultivés, riches, protecteurs des arts et des sciences, pleinement intégrés à cette société occidentale et coloniale dont la réussite était aussi la leur, reconnus, apprécies, respectés et craints, ils n’ont pas vu venir la vague qui va encore une fois les contraindre à quémander, à prier pour leur vie. Le monstre nazi était incontrôlable, pervers, et ils devront leur salut à une poignée des leurs qui, hommes de courage et de sagesse, surent se rendre utiles et plaider leur cause auprès de la puissance montante de l’époque, le géant américain. Les USA, des anciens coloniaux, dont l’orgueil montait plus vite que les performances économiques de leur pays qui était déjà la première puissance mondiale de l’époque. Un géant ne dormant que d’un œil, à l’appétit insatiable, d’une crasse ignorance et d’un racisme envahissant ; ces barbares accueillirent avec un intérêt méprisant ces intelligents, cultivés et industrieux pouilleux qui servaient leurs intérêts en enrobant de liberté et d’humanisme leurs prétentions démesurées ; pouilleux dont le nombre réduit ne représentait pas un danger pour des gens sans scrupules, violents. Pas plus que les indiens des plaines au bon temps, encore bien proche, de la conquête du continent.

Flatter l’orgueil des américains au prix d’une ultime instrumentalisation de leur peuple, pour ces hommes et ces femmes à juste titre fiers, tirant leurs traditions aux sources de la civilisation, ce ne fut qu’un bien pauvre sacrifice devant l’importance de l’enjeu : le sort du monde était entre les mains de leurs hôtes. Et par ce grand pays, après un douloureux chemin, un calvaire qui a duré des millénaires, ils eurent leur revanche : la revanche du peuple errant, la création de l’état d’Israël. La rencontre entre cette nation aux origines plurimillénaires et cette négation sans complexe de toute nation supérieure à la leur, d’un pays qui se pense un empire, nous a gratifiés d’un mariage heureux entre une carpe et un lapin, qui depuis la deuxième guerre mondiale nous domine militairement et intellectuellement. Nous avons aime follement l’Amérique et contribué avec passion à l’établissement et à l’essor de l’état d’Israël, qui fut pour nous aussi une terre promise, une terre sainte. Et tout a bien marché entre la vieille Europe et ce mariage biblique, les conflits d’intérêts potentiels étant congelés par le vent d’est. Successivement les intérêts financiers et stratégiques des uns et des autres ont lentement commencé à diverger, les américains évinçant les européens et Israël devenant une carte maitresse du jeu moyen oriental, une carte américaine. La diaspora ne fut pas en reste, se rendant indispensable dans des secteurs clés de l’économie, des sciences et de la politique, à une nation dont la croissance et la stature internationale nécessitait une expertise de qualité et un dévouement au pays. Cette croissante convergence d’intérêts et de réciproque admiration a été favorisée par la proximité religieuse entre le peuple du livre et les protestants.

Les rudes protestants de l’Amérique profonde, les églises évangéliques, les radicaux, les néoconservateurs, les laissés pour compte de la modernité : mélange détonant de racisme, d’orgueil, de nostalgie, de religion comme un recours, de religion comme un secours, de puritanisme et de refoulement de la sexualité : les obsédés de la "black beast" qui viendra violer leurs femmes, obsession qui ira jusqu’à leur faire accepter l’ignoble ségrégation. Quand je parle de ségrégation, c’est de l’histoire récente, presque d’actualité car ces deux puissantes entités qui peu a peu se rapprochent ont fini par s’imiter, à s’entrainer dans une surenchère qui nous met a présent tous en difficulté. De la passivité des sans avenir qui peuplent une large partie le monde ,des résignés d’une vaine révolte contre une puissance jamais encore égalée et de la lâcheté ,de l’avidité des élites mondialisées prêtes à toutes les compromissions, ces deux grandes nations dont la politique glissera rapidement vers une extrême droite "smart" et un apartheid de fait et sans souffrances inutiles, feront leur force, tragiquement portés parce qu’ils pensent avoir une mission sacrée et qui en vérité n’est qu’avidité et désir de revanche et ne fait qu’amplifier l’inexorable cycle des destructions. Nous avons étés contraints de partager leur destin. Et nous avons cru qu’en eux nous retrouverions en partie notre gloire passée, du sang neuf qui nous fait défaut, des idées, un avenir toujours meilleur à partager.

Hélas, la confusion des intérêts, des objectifs et des moyens de les atteindre ont eu raison de nos illusions ; c’est le désarroi qui nous accable aujourd’hui. La course effrénée vers un horizon forcement indépassable mettra un ultime point sanglant à une longue liste de conquêtes de ceux qui rêvent d’un empire de deux mille ans que seule la force peut tenir assemblé et dont l’Histoire nous apprend qu’il s’effondrera quand son expansion prendra fin. Et cette tour de Babel que le peuple du livre avait tant honni, la voici devant nous, cadeau inattendu d’un siècle que l’on rêvait fait d’espoir et de justice, de créativité et d’harmonieuse diversité, tour géante et vacillante, bruyante et inintelligible et à présent monstrueux arbre de noël chargé, englué de langues qui n’apportent que discordes, rancunes et vengeances. Evidemment cet empire n’est qu’imagination exubérante sur du papier à en tête dans les mains d’experts prêts a tout pour plaire à leur maitres ou banalement à se faire remarquer pour gagner leur vie. Avant, il faut achever le vieil empire qui n’en finit plus de mourir, qui de décadence en renaissance tient toujours une part du gâteau et des ficelles, qui sait encore servir d’exemple. Rome a été fondée il y a plus de deux mille sept cent cinquante ans, cela ne s’efface pas d’un trait de plume. De désastres en fortunes, de changements en mutations, de travestissements en prostitution, de diables en anges, la catin est toujours là et elle sert d’exemple à ses ennemis qui ne rêvent que de l’imiter : qui détient le pouvoir par la fortune des armes se doit de surpasser en habileté son ancien maitre, ou ce dernier finira par l’assimiler. L’ultime avatar politico-médiatique de l’éternel malade, de l’agonisant, a pris les traits de l’affable Junker, je tremble pour sa survie.

Fuir devant nos responsabilités est impossible. Nous avons failli et notre déroute nous l’avons bien méritée, comme les seigneurs du moment auront leur moment de déshonneur. Je doute, tel que les jeux sont faits, qu’ils sauront l’accepter dans un calme résigné. Les uns bornés et avides, les autres ne renonçant jamais à leur totale liberté et à leur gloire récente ; les deux sont trop près de la misère originelle pour renoncer à la richesse, trop près du néant et de leur dieu pour ne pas être dans la voie d’une dangereuse alternative. Rien ne va plus. Eux, ils courent en tète dans une fuite devant la réalité et, comme des comiques au regard fiévreux et inquiétant, nous exhortent à les suivre puisqu’ils sont la vérité. Les suivre sans trainer, sans discuter, dans cette lutte à mort du bien contre le mal. Qui est assez sot pour refuser cette éternelle bataille qui nous fera héros ? Qui n’est pas avec moi est contre moi ; réfléchissez bien, les vieux, ne laissez pas passer votre chance : la roue tourne très vite sur la table. Ne croyez pas que l’on va écouter pendant longtemps vos jérémiades ; à votre âge ont perd l’appétit, on se contente de peu. Ne perdez pas de temps en de vains calculs : ils veulent la guerre. Tous veulent la guerre, même les Russes, qui rêvent les yeux ouvert devant cette opportunité qu’apparemment les américains leur laissent. C’est la guerre ou la faillite. Bien sur c’est une guerre différente. Avec des morts évidemment mais photogéniques et vraiment très très méchants. Si méchants que franchement, il faut vraiment être con pour les vouloir vivants. Ne vous inquiétez surtout pas pour l’argent nécessaire pour ces réjouissances, il est déjà disponible ; pour le moment, l’origine, chut chut, c’est confidentiel, on vous fera une surprise. Pas de front pour la paix, hein ? Ce n’est pas parce que nous serons les seuls perdants que nous devons nous lancer dans des entreprises désespérées. C’est un conflit de nouvelle génération, à écran courbe ; très smart. L’ampleur du conflit est souple, d’échelle limitée, hybride mais non sans dangers puisque la connerie humaine n’a pas disparu comme dans les films de SF, d’une façon mystérieuse, dans un trou noir. Le joujou peut nous péter dans la gueule sur une mauvaise décision, comme le vieil empire a éclaté à Constantinople à cause d’un empereur qui ne savait pas ce qu’il voulait. Une alternative s’offre toujours aux vieux : la retraite. Retournons sur nos terres, entourés de gens sûrs, sur un terrain qui est le notre depuis si longtemps qu’il nous a permis d’accueillir avec bienveillance l’étranger qui venait en paix. Ne sombrons pas dans leur délire fascisant. Paix, Chalom, Salam, Peace, et cetera.


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